Essais nucléaires français au Sahara : la décontamination des sites difficile sans cartes

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Essais nucléaires français au Sahara: la décontamination des sites difficile sans cartes
Essais nucléaires français au Sahara: la décontamination des sites difficile sans cartes
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Pour la première fois dans l’histoire des deux pays, l’armée algérienne demande officiellement à la France de décontaminer les sites des essais nucléaires des années 1960 dans le sud du pays.  Le chef de service du génie de combat du Commandement des forces terrestres, le général Bouzid Boufrioua a appelé publiquement la France à procéder à “la décontamination des sites des essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien” et  à “l’indemnisation des personnes souffrant de pathologies conséquentes à ces essais atomiques”. 


“La France doit assumer ses responsabilités historiques, surtout après que 122 Etats de l’Assemblée générale de l’ONU ont ratifié, le 7 juillet 2017, un nouveau traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), qui vient s’ajouter aux traités antérieurs”, a-t-il précisé dans un entretien publié par la revue El-Djeïch.

Il a rappelé que le principe international de pollueur-payeur a été introduit dans ce traité. “C’est la première fois que la communauté internationale demande aux puissances nucléaires de rectifier les erreurs du passé”, a-t-il appuyé. 

Traité signé mais non ratifié

L’Algérie a signé ce traité le 20 septembre 2017 mais ne l’a pas ratifié. Le 4 octobre 2020, Sabri Boukadoum, ministre des Affaires étrangères, a, lors d’une réunion par visioconférence de l’ONU,  déclaré que l’Algérie était déterminée à “ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires dans les plus brefs délais”.

“L’Algérie, qui a toujours souffert des conséquences catastrophique sur l’homme et l’environnement, des explosions nucléaires exécutées sur son sol durant l’ère coloniale, a été parmi les premiers pays à avoir signé le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), adopté sous la supervision de l’Algérie qui était alors présidente de la première Commission de l’Assemblée générale de l’ONU en 2017”, a-t-il soutenu.

Les puissances nucléaires, dont la France, les Etats Unis, la Russie et la Chine, n’ont ni signé ni ratifié ce traité. Dans la région arabe, seuls l’Algérie, la Libye et le Soudan ont signé le traité. Paris a qualifié d’irréaliste l’approche consistant en l’interdiction des armes nucléaires et le traité serait “inadapté” au “contexte sécuritaire international”. 

Dix sept explosions nucléaires dans le Sahara

Entre 1960 et 1967, la France a effectué dix sept essais nucléaires dans le Sahara algérien dont quatre en surface à Reggane, à 135 km au sud d’Adrar. Des essais “complémentaires” auraient été également effectués.

“Des associations françaises activant dans le domaine font état de 57 essais et explosions effectués dans le sud de l’Algérie. Il s’agit de 4 explosions aériennes dans la région de Reggane, 13 explosions souterraines à In Ekker, 35 essais complémentaires à Hammoudia, dans la région de Reggane, et cinq expérimentations sur le plutonium dans une zone à In Ekker, située à 30 km de la montagne où ont eu lieu les essais souterrains”, a détaillé Amar Mansouri, chercheur en génie nucléaire, cité par l’agence APS. 


“Gerboise bleue” plus puissante que la bombe d’Hiroshima

Baptisée “Gerboise bleue”, la première bombe à plutonium a explosé le 13 février 1960 à 07h04 dans la région de Reggane. Selon les experts, cette bombe de 70 kilotonnes était trois fois plus puissante que celle larguée par les américains sur la ville japonaise d’Hiroshima le 6 août 1945. En 1960, la France a fait exploser deux autres bombes atomiques en surface, Gerboise blanche et Gerboise rouge, en avril et en décembre. Des nuages atomiques ont, selon des chercheurs, traversé la Méditerranée pour polluer le sud de la France, l’Espagne et même la Grèce, lors de la première explosion. 

Des déchets radioactifs enfouis “sous le sable”

“Les essais en surface effectués à Reggane ont causé la pollution d’une grande partie du sud algérien. Leurs effets se sont étendus jusqu’aux pays africains voisins, alors qu’un nombre d’essais souterrains a échappé au contrôle, ce qui a provoqué la propagation des produits de fission due à l’explosion et la pollution de vastes zones”, a souligné  le général Bouzid Boufrioua.

Et d’ajouter :  “les déchets immenses très radioactifs et de longue vie, certains sont enfouis sous terre et d’autres sont laissés à l’air libre, sans oublier les radiations répandues sur de vastes surfaces, causant un grand nombre de victimes parmi la population locale et des dégâts à l’environnement qui perdurent hélas jusqu’à nos jours”.

En août 2020, l’International campaign to abolish nuclear weapons (Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, ICAN), ONG,  a lancé un appel pour exercer des pressions sur la France en vue de “déterrer” les déchets provenant des explosions nucléaires effectuées dans le Sahara algérien “afin d’assurer la sécurité sanitaire des générations actuelles et futures, et préserver l’environnement”.

L’ONG a publié un rapport détaillé sous le titre  “Sous le sable la radioactivité ! Les déchets des essais nucléaires français en Algérie”, préparé par  la Fondation Heinrich Böll. Il a été réalisé par Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements, et Jean-Marie Collin, porte-parole  d’ICAN France.

Absence “d’informations techniques”

“Si on connaît le nombre des essais nucléaires réalisés par la France en Algérie ainsi que les principaux accidents qui ont eu lieu (l’accident de 1962 lors de l’explosion de la bombe Béryl à In Ecker au nord de Tamanrasset est considéré comme le plus grave, NDLR), on ignore que les générations actuelles et futures et l’environnement du sud algérien restent soumis aux déchets, notamment radioactifs, présents sur ces sites”, a averti l’ICAN.


Selon elle, la France a laissé sur place des matériels contaminés par la radioactivité comme les épaves de chars ou d’avions et enfouis dans un périmètre non encore précisé.

Le général Bouzid Boufrioua a déploré l’absence “d’informations techniques” sur la nature des explosions nucléaires et le matériel pollué enfoui, qualifiant l’absence de données sur ces essais de “crime majeur commis par la France coloniale”. “La France persiste dans son refus de livrer les cartes révélant la localisation de ses restes nucléaires», a-t-il dénoncé. Selon lui, la France doit remettre à l’Algérie les cartes, “sans oublier l’indemnisation des victimes algériennes”. 

Sécurisation des sites contaminés

Il a précisé qu’au regard de la croissance démographique dans les zones concernées et les risques dus à la pollution radioactive, “il a été du devoir de l’Etat, très engagé envers ses citoyens, de sécuriser et de protéger les vieux sites des essais nucléaires français”.

Il a annoncé que des unités de l’ANP assurent actuellement la sécurisation, la protection et le quadrillage des sites à Reggane et à In Ecker où les explosions atomiques ont eu lieu. Une surveillance aérienne est également assurée. Ces unités procèdent également, selon lui, au contrôle et analyse périodique des sources d’eau et à la fermeture des puits près des zones polluées.

 “Ces zones étaient une sorte de décharge à ciel ouvert pour les déchets radioactifs. Maintenant, elles sont désormais sous total contrôle.Nous avons réussi à éradiquer le phénomène lié à l’enlèvement aléatoire des déchets radioactifs et empêché les citoyens de s’approcher des zones polluées, en plus du suivi continu de la situation radioactive”, a-t-il assuré.

Selon les spécialistes, la gestion des déchets atomiques et la décontamination des zones polluées dans le sud algérien prendra du temps, beaucoup de temps.

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