Smaïn Hini, le maître-passeur de l’art musical andalous à Alger

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Le musicien SmaïnHini
Le musicien SmaïnHini
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Le chef d’orchestre et musicien Smaïn Hini est décédé à Alger jeudi 30 juillet 2020 à l’âge de 76 ans, a annoncé sa famille sur les réseaux sociaux.

Le nom de Smaïn Hini est fortement lié à la Sn’aa d’Alger et à la musique classique algérienne en générale. La plupart des chanteurs actuels sont passés par ses classes. Il suffit de citer Bheidja Rahal, Zakia Kara Turki, Lamia Madini, Asma Alla, Abdelwahab Djazouli, Manel Gherbi, Lamia Ait Amara, Madjid Ouguenoun et Abdelouahab Bahri. L’histoire de Smaïn Hini, ce natif de la Casbah d’Alger, avec la musique andalouse commence dans les années 1960, juste après l’indépendance de l’Algérie.

« Encore enfant, je jouais au piano que nous avions à la maison. Le premier chant que j’ai essayé de reprendre était Qassaman, puis « Qom tara ». Mon frère ainé Hamid a vu que je m’intéressais à la musique m’a alors inscrit au conservatoire municipal d’Alger en 1964. J’ai commencé à maîtriser l’instrument avec Abdelkrim Dali. Mon premier instrument était le piano avant de passer à la cithare (el qanoun) », se souvient Smaïn Hini dans une interview télévisée.

A l’époque, le Conservatoire d’Alger, dirigé par le français Julien Galliéni, était divisé en trois classes. La classe primaire était sous la direction d’Abdelkrim Dali, la classe moyenne d’Abderrahmane Belhocine et la classe supérieure d’Abderrazak Fakharadji. Smaïn Hini est resté treize ans au Conservatoire d’Alger avant de le quitter après le départ de Mahieddine Bachtarzi, directeur entre 1966 et 1974, remplacé par Dr. Benattia.

« La philosophie du Conservatoire avait changé. Le Dr Benattia avait donné plus de place à la musique occidentale au détriment de la musique classique algérienne. J’ai même arrêté de jouer de la musique. Un jour, j’ai assisté à l’hommage fait à Abdelkrim Dali à l’Institut national de la musique.

Le programme présenté n’était pas à la hauteur d’Abdelkrim Dali qui maîtrisait autant la hawzi que l’aâroubi et les mada’ih. Le programme était basé essentiellement sur la musique occidentale. On n’avait rien montré des travaux de Dali. Nous étions sortis tous frustrés », se rappelle-t-il. Cet épisode avait motivé Smaïn Hini à renouer avec l’art musical andalous.

Avec Kateb, Fakharadji, Fergani et les autres

Smaïn Hini, qui était membre de l’Action culturelle des travailleurs (ACT), avait côtoyé Kateb Yacine. Il était musicien de la troupe de théâtre montée par l’écrivain. « J’ai fait la tournée avec Kateb Yacine pour la pièce « Mohamed prends ta valise ». J’ai connu d’autres grands noms de la culture algérienne comme Mohamed Issiakhem. Je me rendais souvent à la maison de Mahieddine Bachtarzi qui me donnait souvent des conseils. Je ne faisais rien sans le consulter », souligne Smaïn Hini.

Il avait connu aussi Mohamed Tahar Fergani, Slimane Benaïssa , Mohamed El Ghafour, Ahmed Serri et surtout Abderrarazak Fakharadji qu’il considérait comme « le maître des maîtres ». Abderrarazak Fakharadji était resté au Conservatoire d’Alger jusqu’en 1970 et avait dirigé son orchestre. Un orchestre qui accompagnait les grands noms de la Sn’aa et du Hawzi comme Ahmed Serri, Dahmane Benachour, Mohamed Khaznadji, Abdelkrim Dali et Mahieddine Bachtarzi lors des concerts.

Dans les années 1980, Smaïn Hini participait à la création de l’Association El Fakharadjia en hommage à Abderrazak Fakharadji, disparu en janvier 1984, à son frère Mohamed Fakhardji, décédé en juillet 1956. Smaïn Hini, soucieux de conserver et de transmettre l’héritage musical arabo-andalous, a présidé ensuite l’Association Es-Soundoussia » à partir de 1986. Dix ans plus tard, il créait une autre Association El Inchirah, après une rupture douloureuse avec Es-Soundoussia.

« La musique andalouse comme un patrimoine national »

Dans les trois associations, Smain Hini n’avait pas cessé d’initier les jeunes au jeu d’instrument, à l’interprétation et au chant. « Il a été d’une grande générosité. Il n’a jamais fermé la porte devant personne, écoutait tout le monde, donnait des conseils, aidait. Il avait toutes les qualités du père .J’ai beaucoup appris avec aamî Smaïn », témoigne Madjid Ouguenoun, soliste à El Inchirah.

« Je voulais apporter un plus à la musique andalouse. Et je souhaite que l’Etat déclare la musique andalouse comme un patrimoine national pour la protéger avant que les autres nous la prenne. Nous avons une longue histoire. Dans l’association El Inchirah, nous avons voulu à chaque fois, dans les festivals ou concerts où nous étions invités, présenter des compositions ou des textes qui n’étaient pas connus ou peu connus. Notre interprétation musicale était différente », confie Smaïn Hini.

A Alger, Smaïn Hini a crée les nuits du Medh durant les soirées du Ramadhan et a essayé de réhabiliter les fêtes traditionnelles du Mawlid Ennabaoui. Hasna Hini, sa fille, chanteuse, a accompagné l’ensemble El Inchirah dans beaucoup de concerts en Algérie et à l’étranger.

Les filles Hini sur la trace du père

Établie à Madrid en Espagne, Hasna Hini chante autant en arabe qu’en espagnol en allant dans la fusion entre l’arabo-andalous et le flamenco. Hasna Hini cite souvent la tante paternelle de son père, Djida Thamokrant, la doyenne des chanteuses kabyles. Dans la région arabe, El Inchirah a créé le deuxième ensemble musical entièrement féminin après la troupe tunisienne d’Al Azifat, manière de rendre hommage aux orchestres de Meriem Fekkai, Cheikha Tetma et Fadila Dziria.

Les filles Hini, Yasmine, Kahina et Narimane sont également des musiciennes. Smaïn Hini, qui a souffert quelque peu de l’ingratitude de certains de ses élèves, était détenteur d’un trésor de textes et de partitions musicales. En 1995, il avait composé une nouba entière appelée « Nouba maghrébine ». En 2010, il avait contribué à l’enregistrement de trois albums dont l’un était dédié à M’Hamed Sfindja. Chez lui, à Rampe Louni Arezki (ex- Rampe Valée), à Alger, Smaïn Hini, qui passait beaucoup de temps avec son voisin Amar Ezzahi, accueillait souvent des artistes et des mélomanes toujours avec l’idée du mieux transmettre le patrimoine andalous et de mieux apprendre aussi.

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