Procès d’Anis Rahmani à Alger : le PDG du groupe Ennahar dit avoir agi pour “défendre” un journaliste

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Procès d'Anis Rahmani à Alger : le PDG du groupe Ennahar dit avoir agi pour
Procès d'Anis Rahmani à Alger : le PDG du groupe Ennahar dit avoir agi pour "défendre" un journaliste
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Le tribunal de Bir Mourad Raïs, à Alger, a ouvert, ce dimanche 8 novembre 2020, le procès d’Anis Rahmani, Mohamed Mokadem de son vrai nom, journaliste et président directeur général du groupe Ennahar dans l’affaire dite du Colonel Smaïl, officier des services de renseignements.

Arrêté le 12 février 2020, Anis Rahmani est poursuivi, pour entre autres, «outrage à corps constitué », « diffamation envers l’ANP », «enregistrement et diffusion de communications téléphoniques sans autorisation », « atteinte à la vie privée » et « exposition au regard du public de publications pouvant porter atteinte à l’intérêt national ».

Les faits remontent au 9 octobre 2018, lorsque la chaîne privée Ennahar a diffusé un enregistrement d’un entretien téléphonique entre Anis Rahmani et le colonel Smaïl de l’ex-DRS. Le directeur d’Ennahar protestait contre l’arrestation de Smail Djerbal, rédacteur en chef du site d’information Alg24, propriété du groupe Ennahar sous les caméras de surveillance par des agents de l’ex-DRS. La scène de l’arrestation est également diffusée par la chaîne.

L’ échange entre Anis Rahmani et le colonel Smaïl était vif. Le PDG d’Ennahar refusait le retrait d’un article du site Alg24. Le groupe Ennahar annonçait plus tard avoir déposé plainte. Lors du procès, les avocats de la défense ont demandé la diffusion de l’enregistrement « pour éclairer l’opinion publique », ce que la juge a refusé précisant avoir écouté le sonore sur support CD. Le collectif d’avocats est revenu à la charge en disant que le ministère de la Défense n’a déposé aucune plainte contre Anis Rahmani. Il a invoqué la prescription des faits (plus deux ans).

 « J’ai diffusé la conversation téléphonique parce que le colonel Smaïl a menacé d’arrêter le journaliste »

Le parquet a répliqué en indiquant qu’Anis Rahmani n’est pas poursuivi en tant que journaliste, mais comme « une personne physique ». Le prévenu a exigé, selon ses avocats, la présence de la victime, le colonel Smaïl « pour l’affronter au tribunal ». « Je connais le colonel Smaïl depuis 1997. Il m’a contacté le 8 octobre 2018 pour me demander de retirer un article publié par Alg24 sans me fournir d’arguments. Je n’ai pas supprimé l’article parce qu’il ne portait aucune à l’égard des institutions de l’État. Le colonel Smaïl m’a demandé de lui envoyer le journaliste auteur de l’article, je lui alors répondu qu’il fallait le convoquer d’une manière officielle. L’enregistrement de l’appel téléphonique et la diffusion de la vidéo étaient une forme d’alerte à l’adresse de l’opinion publique et des hautes autorités de l’État pour que cessent les violations de la loi. Je lui ai demandé lors de la conversation téléphonique de recourir à la justice », a expliqué Anis Rahmani, selon un compte-rendu de l’audience publié par le journal Ennahar sur son site.

L’article incriminé s’interrogeait pourquoi l’ex-DRS n’intervenait pas dans la crise de l’APN (départ forcé de Saïd Bouhadja de la présidence de la chambre basse du Parlement) pour la régler. La juge a rappelé que l’enregistrement des appels est interdit sauf pour des considérations journalistiques. Anis Rahmani a répondu en disant qu’il était menacé et sous pression et que son interlocuteur n’avait pas agi dans un cadre légal. La juge a repris en soulignant qu’il ne fallait pas diffuser une communication avec un responsable occupant un poste dans une institution sensible de l’État.

« J’ai diffusé la conversation téléphonique parce que le colonel Smaïl a menacé d’arrêter le journaliste. Un quart d’heure après la diffusion de cette communication, le journaliste a été libéré. Je n’ai pas cité le vrai nom de mon interlocuteur et je n’ai pas précisé l’institution pour laquelle il travaillait ni son grade (…). J’ai saisi le procureur de la République. Et, je refuse la publication d’articles portant atteinte à l’armée. Je suis journaliste et je rejette toutes les accusations portées à mon encontre», a répondu Anis Rahmani parlant d’une procédure illégale.

Une peine de dix ans de prison requise

Le représentant du parquet est intervenu dans le débat pour souligner qu’Ennahar TV a diffusé une vidéo accusant une institution militaire d’avoir « kidnappé » un journaliste. Anis Rahmani a nié l’existence de cette vidéo. Les avocats ont demandé au procureur de leur montrer la vidéo citée. Kamel Maachou, représentant de la partie civile, a indiqué qu’Anis Rahmani n’a pas déposé plainte.

« C’est le journaliste Smail Djerbal qui a déposé plainte contre le général Bachir Tartag et le colonel Smaïl(…) en diffusant la communication téléphonique, Anis Rahmani a porté atteinte à la personne du colonel Smaïl et une institution sécuritaire », a-t-il dit.

Selon lui, Smail Djerbal a été licencié ensuite par le groupe Ennahar. Les avocats ont souligné que le colonel Smaïl a été admis à la retraite après cette affaire et que Anis Rahmani a agi pour défendre son journaliste contre « un acte illégal ».

Selon eux, l’institution militaire et le ministère de la Défense ne sont pas constitués partie civile. Aussi, ont-ils ajouté, le colonel Smaïl ne peut pas agir au nom de l’armée. Le procureur de la République a requis une peine d’emprisonnement de dix ans assortie d’une amende de 100.000 dinars à l’encontre d’Anis Rahmani.

Le verdict sera prononcé le 15 novembre prochain.

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