Picasso: le minotaure , les baigneuses ou la violence sublimée, projetée, esthétisée ?

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Le minotaure , les baigneuses ou la violence sublimée, projetée, esthétisée ?
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Un podcast féministe spécialisé dans l’histoire de l’art et en l’occurence ici sur Picasso a fait l’objet de beaucoup de vues et de commentaires y compris en Algérie sur des murs d’artistes féminines . 

Celui-ci parle de la relations du peintre avec les femmes qu’il a connu, relations violentes. 

Il est raconté comme un mâle alpha, dominant, destructeur, homophobe et humiliant avec chacune de ses compagnes. Par exemple avec la photographe Dora Maar qui elle en a témoigné tout comme le peintre lui même dans sa série « Femme qui pleure » où il la présente sous des traits d’un visage déformé par l’angoisse et la douleur. Dora Maar qui fut l’inspiratrice de la conception de Guernica, excusez du peu . 

On ne peut que repenser avec ironie au livre de Kamel Daoud Le peintre dévorant la femme sur le statut de la femme dans l’oeuvre de Picasso … 

Donc avec Picasso me revoilà entrain de revivre l’expérience de Bacon qui, il y a encore quelques mois , était avec Matisse et Van Gogh mon peintre préféré avant d’avoir découvert un documentaire sur sa vie « non officielle’ » . En effet l’artiste avait des rapports violents avec ses compagnons qui sont allés jusqu’au meurtre, violence qu’il exprimait cependant dans ses toiles . 

Avec Picasso, chacune de ses compagnes correspond à un moment de son oeuvre: la période bleue avec Germaine, la période rose et le cubisme avec Fernande, le temps des collages avec Éva, le surréalisme avec Olga, Guernica avec Dora Maar. 

Picasso est issu d’une famille bourgeoise où la domination du père (professeur aux beaux arts) règne, quand lui même n’aura de cesse de subvertir l’éducation traditionnelle qu’il a reçue *. Sa mère n’est pas en reste et ne cesse de lui rappeler ses devoirs familiaux. 

La précarité de sa vie, son statut d étranger en France avec ce que ça génère d’humiliation, d’angoisse, et d’implication dans sa peinture et dans sa vie privée à cause de refus répétés de sa demande de nationalité. Toutes ces épreuves vont endurcir l’artiste qui en témoignera dans un tableau intitulé « le chat saisissant un oiseau » en 1939 sur le statut de l’avant garde artistique en France . 

On est loin de la gloire fulgurante gagnée avec facilité, rien n’est acquis pour l’artiste comme le décrit si bien Annie Cohen Solal dans son livre précis et passionnant Un étranger nommé Picasso

Se pose alors la question de l’oeuvre et de celui qui la crée ou pour résumer « séparer ou pas l’oeuvre de l’artiste et du curseur de la transparence  ? 

Je crains que beaucoup d’oeuvres reposent sur la douleur voire la violence . Par exemple Bacon nous racontait sa vie affective et la violence qu’il avait subie enfant et qu’il faisait subir à ses compagnons jusqu’au meurtre . 

A la Renaissance Arthémésia a été violée et a fait un tableau où on voit un meurtre … sans parler de la littérature . 

Tout-e-s les artistes construisent leurs oeuvres à partir de leurs vécus ! 

Par exemple les toiles d’El Maya , une des artistes les plus douées avec Yasser Ameur de la nouvelle génération de peintres, sont remplies de violence . Celle-ci convoque les « Baigneuses de Picasso » dans son tableau intitulé « les indigènes «  où les têtes sont quasiment coupées tout comme dans sa dernière toile intitulé « le cheval .

Pourtant on ne va pas l’ interroger sur le sens de ces violences, est-ce qu’elle émane d’elle ou de ce qu’elle vous a subi, cela lui appartient non ?

C’est une question difficile à trancher , ce qui nous importe c’est l’oeuvre de l’artiste et sa vie privée lui appartient sauf si on la met en scène comme Frida Khalo et est-ce qu’on a le droit de juger parce que la il s’agit bien de jugement . 

Tout cela est très compliqué et difficile, rien n’est noir ou blanc surtout en art, l’être est fait de lumière et d’ombre et l’artiste ne donne à voir que sa part de lumière où il transforme cette ombre, cette boue en or . 

Et dans le réel c’est aux juges de faire leur travail auprès des victimes . 

Seules restent les questions : c’est quoi le génie d’un artiste, à partir de quels critères on le définit ? Quelle sont les modes aussi de certaines représentations sur les périodes, les sociétés ? Qu’est ce qui est acceptable au nom du génie d’un artiste : des oeuvres racistes, antisémites, coloniales ? En fait quel est la place de l’art , qu’est-ce qu’elle questionne , interroge et au nom de quelles valeurs ? A quel processus la sublimation répond ? Etait-elle utile pour soi, l’autre, la société ? Quel récit d!une période donnée elle donne à lire, à décoder, à comprendre ? 

Rappelons ici la définition en psychanalyse du verbe sublimer :transposer consciemment ou non ses pulsions ou ses complexes sur un plan supérieur, les faire dériver vers un objet plus élevé.

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