Mourad Senouci, directeur du TRO : “le Théâtre d’Oran a été l’endroit le plus visité durant les Jeux Méditerranéens”

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Mourad Senouci, directeur du TRO :
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Mourad Senouci est directeur du Théâtre régional Abdelkader Alloula d’Oran (TRO). Il revient sur l’organisation des premières Journées du théâtre méditerranéen et les premières Journées du théâtre de rue, entre le 25 juin et le 5 juillet 2022, à la faveur des 19ème Jeux Méditerranéens.  


24H Algérie: Quel bilan faites-vous de l’organisation des premières journées du théâtre de rue à Oran entre le 25 et le 28 juin 2022 ?


Mourad Senouci: Nous avons dépassé nos objectifs avec l’organisation de 32 spectacles. L’affluence était record. Un seul spectacle nocturne du clown Pitchou a réuni près de 1000 personnes. Nous avons totalisé plus de 2500 spectateurs par jour pour les spectacles de rue. L’écho est positif. Faire un spectacle dans la rue est devenu ordinaire.

Autant que l’occupation de l’espace public par le théâtre. Les spectacles se sont déroulés sans aucune présence sécuritaire. La sécurisation des spectacles ne se pose plus. Et, le public est venu d’une manière spontanée surtout que les espaces et les horaires ont été fixés à l’avance pour qu’il ait une certaine fidélisation de la relation avec les spectateurs. 


Sera-t-il possible d’organiser des spectacles de rue à longueur d’année ?

Là, après ces premières journées de théâtre de rue, nous avons tiré une conclusion : nous pouvons travailler à longueur d’année. Le wali d’Oran a exprimé l’intention de contribuer au financement des activités théâtrales dans les espaces publics. Après septembre 2022, d’autres espaces seront ouverts à Oran avec une programmation régulière chaque semaine.


Pour parler en langage commercial, nous avons fait une “offre” et obtenu un marché où tout le monde est gagnant. Le TRO en tant qu’entreprise est gagnant, les artistes le sont autant parce qu’ils travaillent et les autorités parce que la ville est animée sur le plan culturel avec le respect d’une certaine qualité. Et, évidemment, la population est également gagnante. Il s’agit de créer un précédent qui pourrait servir d’exemple pour les autres villes du pays.


Quelle a été la réaction des publics ?

Les gens étaient très intéressés par les événements que nous avons organisé. Ils ne cessaient de nous appeler pour connaître les horaires des spectacles et pour savoir quand acheter les tickets. Au TRO, le public s’est habitué à payer pour assister aux spectacles. C’est désormais ancré dans les habitudes. Nous avons acquis un nouveau public qui a une autre relation avec l’art en plus du public traditionnel.

Les gens ont bien compris que l’art est une valeur qu’il faut payer. Des familles viennent nous demander si nous organisons des ateliers. Finalement, nous sommes en train de créer une véritable dynamique qu’il faut vite accompagner pour ne pas être dépassé.


Et comment avez-vous justement attiré ce nouveau public ?

En organisant des soirées de musiques classiques et des débats littéraires. Pour nous, il existe plusieurs publics à qui il faut faire des offres de programmes adaptées, des visions et des approches variées. Nous essayons de garder tous les publics, sans aucune rupture. Il n’y a pas de problème de public. Chez nous, les gens viennent réserver leurs places à l’avance. Nous voulons que les gens se bousculent, comme dans les stades, pour voir des spectacles. Cela donne de la valeur au théâtre et au travail des artistes.


Pensez-vous à organiser une deuxième édition des Journées du théâtre de rue ?

Oui, c’est prévu. Nous avons organisé des spectacles dans deux cafés, cela a bien fonctionné. A partir de septembre 2022, les jeunes comédiens vont faire des tournées dans les cafés d’Oran. Nous avons créé un nouveau réseau de diffusion non conventionnel. Surtout que nous avons également organisé des spectacles à bord du train (ligne Oran-Alger avec l’implication du comédien Amine Missoum).

Nous avons fait des tests après nous allons tirer les conclusions. Nous allons organiser à partir de septembre des spectacles de contes et de clowns à bord des trains. C’est une manière de faire de la promotion pour le théâtre. Et, c’est une autre forme de communication aussi. Notre com’ est basée sur l’événement, le travail sur le terrain. Le TRO est en train de dégager des animateurs et des organisateurs qui auront la chargé des futurs événements.


Vous avez également décidé d’organiser des visites au TRO…

La décision d’ouvrir le TRO pour des visites payantes pour le public est une prolongation de notre travail pour que le théâtre retrouve son aura en élevant la qualité des spectacles et de l’accueil. Il s’agit de raconter l’histoire du TRO qui désormais a une belle image auprès du public. Un public qui veut découvrir plus le théâtre. Nous avons suscité une certaine curiosité auprès de ce public.

Nous nous sommes organisés pour que le TRO devienne une destination culturelle en devenant une sorte de musée à visiter. Une visite qui peut durer jusqu’à 16 h. Et dans la soirée, la salle du TRO accueille les spectacles. Nous devions lancer ce projet en septembre 2022 mais en raison de la forte demande, nous avons décidé d’ouvrir nos portes aux visiteurs. Nous avons déjà plus de 100 visiteurs par jour. Nous allons largement dépasser ce chiffre plus tard.


Le TRO devient donc une destination touristique…

Le théâtre ne doit pas fermer ses portes. Il doit être toujours ouvert au public. Nous n’avons pas d’horaires administratifs. Nous formons des collègues pour qu’ils deviennent des guides pour accompagner les visiteurs. Des visiteurs qui viennent aussi d’autres wilayas. Nous avons aussi créé une boutique où nous vendons des t-shirts et des casquettes.

Le TRO doit avoir ses dérivés. Les entrées de ces visites et de la boutique seront versées pour le financement des spectacles de théâtre de rue à partir de septembre 2022 puisque la demande existe. Nous ne voulons pas s’arrêter en si bon chemin…


Quid de la visite virtuelle que vous comptez lancer bientôt ?

Ce projet fait partie de la modernisation des outils et des supports du TRO. Il fait partie de la démarche globale de modernisation que nous avons entamée en 2017. Il fallait d’abord reconquérir le public, organiser l’administration, améliorer la qualité de la programmation.

Dans l’organisation technologique qui sera lancée en septembre 2022, il y a la visite virtuelle, un site où nous répondons aux besoins de nos partenaires et un système de réservation. Une première en Afrique et dans le monde arabe. Le spectateur peut même tester virtuellement le siège où il va s’asseoir en réel pour voir le spectacle (angle de vue).


Tout se fera à distance donc

Absolument. Toutes les troupes qui veulent être programmées chez nous ne sont plus obligées de se déplacer. Elles écrivent à une adresse mail pour qu’on leur répondent. Nous leur envoyons aussi les fiches techniques. Tout le théâtre sera dans l’application. Il y aura aussi un hommage à tous nos artistes avec leurs photos et leurs biographies. 

La visite virtuelle nous permettra de mieux faire connaître le TRO comme institution culturelle et comme patrimoine de portée universelle. Tout cela amènera les gens à reconsidérer leur rapport au théâtre. C’est également une ouverture vers l’international qui va nous pousser à être exigeant. Nous devons être au niveau de ce qui se fait ailleurs.


Est-ce que vous comptez demander l’institution des Journées du théâtre de rue et les Journées du théâtre méditerranéen ?


Tout le monde est unanime à dire que ces deux événements étaient une réussite. Des gens se sont proposés de financer et de préparer le thé, le café et les gâteaux pour les activités de théâtre de rue dans les quartiers d’Oran. Il y a donc une dimension populaire dans la prise en charge des activités de théâtre de rue.


Pour le festival du théâtre méditerranéen, nous avons l’accord de principe du ministère de la Culture et des Arts. Même si le festival ne sera pas officialisé rapidement, nous pourrons organiser l’événement. Les moyens sont à notre portée. D’ici l’année prochaine, nous allons équiper le TRO de moyens de traduction pour obtenir une ouverture plus large sur le théâtre méditerranéen. Nous ne serons plus limités par le paramètre langue. Nous pouvons inviter des troupes de Chypre, de Slovénie et autres.Vous avez noté que la salle était archicomble pour tous les spectacles des premières Journées du théâtre méditerranéen. A chaque fois, nous avions un public différent.


Comment ?

Un public populaire pour le spectacle algérien, un public qui ne connaît pas la langue italienne et qui est resté jusqu’à la fin du spectacle, un public qui a suivi un spectacle français de lecture théâtralisée, difficile d’accès, et un public qui a apprécié le spectacle égyptien (un vaudeville)…Nous devons donc travailler en direction de ces publics. Autre chose : nous avons testé nos moyens humains et matériels. Notre personnel et nos techniciens ont été à la hauteur de l’événement.


 Nous avons également testé notre système de com en amont et en aval. Le nombre de nos abonnés sur la page Facebook a augmenté ces cinq derniers jours. C’est un bon signe. Le Théâtre d’Oran a été l’endroit le plus visité durant les Jeux Méditerranéens par les participants, les sportifs. Le TRO a même déclassé le site de Santa-Cruz ! L’Eglise et le fort de Santa Cruz fonctionnent aux horaires administratifs, ferment à 17 h !

Le TRO est resté ouvert en permanence pour permettre la venue des visiteurs à tout moment de la journée. La plupart des visiteurs étrangers ont publié et partagé des photos et des vidéos sur les réseaux sociaux. C’est une bonne communication pour nous.

Qu’en est-il de l’édition prochaine des journées du théâtre méditerranéen ?

Nous choisirons la période de la tenue de la prochaine édition des journées du théâtre méditerranéen. Nous avons largement le temps. Nous voulons apporter des choses nouvelles, s’ouvrir à des pays dont les troupes ne sont jamais venues en Algérie. Plus on s’ouvre sur l’autre, plus c’est mieux. Il n’y a pas mieux que la culture pour vendre l’image du pays.

A chaque fois, l’impact de l’acte culturel est énorme. Nous voulons que le festival d’Oran devienne incontournable en Méditerranéen dans le futur. Mais, il faut que la démarche soit sérieuse et professionnelle avec des dates précises et une périodicité régulière. 

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