Algériens massacrés le 17 octobre 1961 à Paris: faits établis non encore avoués

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17 octobre 1961: "Une répétition à plus grande échelle de la violence raciste banalisée et admise au quotidien" -Fabrice Riceputi (DR)
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Une tribune publiée ce samedi dans le journal Libération revient sur le massacre commis, le 17 octobre 1961, sur ordre du préfet de Paris, Maurice Papon, contre les Algériens qui protestaient contre un couvre-feu vexatoire et discriminatoire imposé depuis douze jours d’abord aux travailleurs Algériens puis à l’ensemble des Nord-Africains. 

Les signataires de la tribune rappellent que la répression qui a fait des centaines de victimes s’est  poursuivie après le 17 octobre et soulignent que ces “événements tragiques font partie de notre histoire commune mais ils ont sciemment été effacés de notre mémoire collective.”. Ils appellent notamment à l’ouverture des archives sur ces massacres et à ce que les  “crimes du 17 octobre 1961 soient reconnus crimes d’Etat”.

Cela rappelle, en dépit de l’indéchiffrable “mission” confiée à Benjamin Stora et Abdelmadjid Chikhi, que 59 ans après le massacre, les gestes de la France officielle pour aller vers la reconnaissance des faits sont loin d’être à l’ordre du jour. L’accès aux archives reste en effet problématique même si le président Emmanuel Macron, dans un entretien remarquable, diffusé le 14 février 2017,  avec notre confrère, emprisonné Khaled Drareni, avait qualifié la colonisation de « crime », de « crime contre l’humanité » et de “vraie barbarie”

Terreur d’Etat

James House, auteur avec Neil Mc Master du livre “Les Algériens, la terreur d’Etat et la mémoire” (La découverte) a souligné que la violence policière du 17 octobre était le “ paroxysme d’une violence qui a certes culminé cette nuit-là, mais qui s’est étendue sur les mois de septembre et d’octobre 1961, et qui a fait partie d’un système répressif extrêmement dur mis en place à partir de 1958.” Il a également insisté sur le fait que les  méthodes répressives en cours en Algérie inspirer le système de lutte contre le FLN mis en place par l’Etat français à Paris. 

En France, c’est Jean-Luc Einaudi, disparu prématurément en 2014, qui a rafraîchi la mémoire de la République en 1991 avec la publication de la “Bataille de Paris”. Poursuivi par Maurice Papon, il fera front avec force. Il sera soutenu par Brigitte Lainé, l’archiviste qui a révélé au cours du procès des preuves indubitables du massacre du 17 octobre 1961.

Fabrice Riceputi, auteur de “La bataille d’Einaudi. Comment la mémoire du 17 octobre 1961 revint à la République” (Éditions le passager) souligne dans un hommage à ce pionnier qu’il n’était pas un historien de métier.” Son activité salariée, celle d’éducateur, était même tout à fait éloignée de la recherche historique. Lui-même ne souhaitait pas être qualifié d’historien”. Mais,  “c’est grâce à l’enquête solitaire et assidue conduite par cet éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse qu’a pu être connu ce crime d’Etat longtemps occulté“. Mohammed Harbi a salué en  JL Einaudi un “héros moral”.

Violence raciste banalisée

Mais comme l’a noté Riceputi, dans une contribution au journal Le Monde en 2017, la négation de la réalité du massacre n’est plus que le fait de la fachosphère. L’auteur pose la question de savoir pourquoi cela au plan officiel un crime “ difficile à avouer pour ce qu’il fut – un crime colonial, raciste, d’Etat –, encore davantage indicible officiellement que d’autres massacres coloniaux français beaucoup plus massifs perpétrés dans les colonies ?”.

Pourquoi? Il y répond: “Parce qu’il s’est produit à Paris, sous la Ve République, et qu’il eut pour exécutants des policiers français et pour victimes des immigrés algériens protestant avant tout contre une discrimination raciste, un couvre-feu au faciès induisant déjà un niveau de violence policière extrême. Une répétition à plus grande échelle de la violence raciste banalisée et admise au quotidien de très longue date au sein de la police française, notamment avec l’assassinat de manifestants algériens le 14 juillet 1953, événement effacé de l’histoire et heureusement remis au jour par l’enquête conduite soixante ans plus tard par Daniel Kupferstein”

Pour les Algériens, le 17 octobre 1961 rappelle combien l’émigration a compté dans notre histoire et dans nos combats. A commencer par la naissance en 1926 de L’Étoile nord-africaine (ENA) par des travailleurs émigrés, le premier élan du mouvement national moderne.  Les Algériens ont, eux aussi, une histoire à dépoussiérer et à sortir de la fossilisation politicienne qui a été entretenue depuis l’indépendance.

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