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Et si la dégradation de la Casbah d’Alger n’est pas une fatalité, comme l’affirme l’architecte urbaniste, Azzedine Gasmi? Faire du passé de la vieille ville un présent riche est possible. La Casbah pourrait avoir autre chose à dire que des histoires d’un lustre passé.

Si la vieille citadelle, la casbah d’Alger, parait aujourd’hui comme une vieille femme en guenilles, elle a connu autrefois ses heures de gloire. Son histoire, son architecture, le mode de vie de ses habitants, ont depuis toujours, forcé l’admiration des visiteurs d’où qu’ils viennent.

Les traces de ce passé sont majoritairement en ruine, mais le souvenir reste vif dans l’esprit des Casbadji. Ceux qui l’ont connue dans son prestige d’antan, ne font plus partie de ce monde, mais ils ont légué à leurs descendants de précieuses histoires de la Médina.

La Casbah d’Alger par June Light

Légendes, coutumes, traditions, les histoires n’en finissent pas, à condition de rencontrer les bonnes personnes.

Si vos pérégrinations vous mènent à la découverte ou la redécouverte de la cité antique, n’hésitez pas à prendre pour guide les vieux «Casbadji», que vous croiserez certainement aux coins des venelles, ils se feront un plaisir de répondre à vos questions.

Ruelles de la Casbah par Yulia Ammour

Ce monument du passé, à connu bien des péripéties. Lorsqu’on regarde les anciennes photographies de la Casbah, il est parfois difficile de retrouver des ressemblances. Particulièrement les maisons défranchies. Mais certains détails, sont encore présents sur ces «Douirette» pour remonter le temps.

Kenza, une jeune guide de la Casbah qui préfère se présenter comme «بنت القصبة », dit qu’on reconnait la vraie maison de la Casbah grâce aux encorbellements situés au-dessous des balcons. Ces pans de bois sont faits à base de thuya « العرعار ». Les maçons faisaient bouillir ce matériau naturel dans de l’huile afin de lui donner plus de robustesse. Certaines maisons sont complètement délabrées alors que les encorbellements sont intacts.

Les fenêtres des maisons de la Casbah racontent également des histoires qui renseignent sur le mode de vie des femmes autrefois. À l’entrée de certaines maisons, on remarque parfois une petite fenêtre avec barreaux au-dessus de la porte. Celle-ci indique que le maître de la maison a plusieurs épouses. Souvent dans ces foyers un des servants est chargé d’ouvrir la porte. Il y a une autre fenêtre avec plusieurs ouvertures appelées communément « الوقاب », conçu pour les femmes, afin qu’elles puissent regarder qui vient les visiter, selon Kenza qui tient ces histoires populaires de sa grand-mère.

Palais « Khdaoudj El Amia » par Naim H/Flickr

Dans le registre des légendes, l’histoire la plus connue est celle de la princesse « Khedaoudj » surnommée « El Amia », l’aveugle, fille de Hassan Pacha. Tristement célèbre à cause de sa cécité, certains racontent qu’elle doit son état à un miroir empoisonné, d’autres au khôl qui maquillait ses yeux, d’autres l’imputent à un chagrin d’amour.

Mais la casbah c’est surtout l’histoire de la guerre de libération. La bataille d’Alger, c’est en réalité la bataille de la Casbah. Les héroïnes et les héros de cette bataille trônent au Panthéon des martyrs de la révolution. Chaque maison de la Casbah avait un rôle dans le combat contre le colonisateur.

Parmi ces maisons révolutionnaires, celle qu’on appelle à ce jour « le foyer d’Okhiti», ma sœur. Adossée à Djamaa Lihoud, cette maison est le célèbre refuge de la zone automne d’Alger des militants Mustapha et Fatiha Bouhired née Hattali, deux emblématiques acteurs de la bataille d’Alger. L’improbable cachette, qui a longtemps leurré l’armée française, a fini par être démasquée avec l’arrestation de Yacef Saadi et Zohra Drif. Elle est toujours là.

La maison où ont péri Ali Lapointe, Hassiba Ben Bouali, Petit Omar et Hamid Bouhmidi par Raphaël Odin


Ce n’est hélas pas le cas de toutes les maisons révolutionnaires. La planque de Ali la pointe, où il a péri avec ses compagnons Hassiba Ben Bouali, Petit Omar et Hamid Bouhmidi au 5, rue des Abdérrames, est complètement en ruine. Lors de notre passage, nous avons entendu un passant lancer sur un ton désolé: « on dirait qu’elle a été dynamitée la veille par les paras ».

Des travaux de restauration  sont visibles actuellement à travers les principales artères de la vieille ville. Seulement, le projet de la revitalisation de la Casbah traverse les décennies sans résultats concrets. La réhabilitation de la Casbah est-elle aussi complexe?

Enfants de la Casbah par Red.H

Pour l’architecte -urbaniste, expert en monuments historiques, Azzedine Gasmi, la revitalisation de la Casbah n’est pas si complexe qu’on l’imagine. Il estime qu’avec un budget de 26 milliards de dinars et en s’appuyant sur les compétences nationales on peut révolutionner la Casbah.

«La Casbah c’est seulement 45 à 60 hectares. Ce n’est pas énorme. À l’époque, j’étais responsable du premier établissement de réhabilitation et rénovation de la Casbah (OFIRAC) dont le siège était à “Dar El Hamra” dans les années 80, nous avons initié un plan de sauvegarde en faisant des ilots prioritaires. Chaque ilot comptait entre 50 à 100 maisons. Et on commençait la sauvegarde par les plus touchées par la dégradation.

Aujourd’hui, on peut faire la même chose: délimiter des îlots et les donner à des chefs de files algériens. Se rencontrer après quelques mois et exposer à la population ce qui a été fait, car la population a aussi un droit de regard. Ensuite créer une structure de recollement. Il y a bien sûr d’autres enjeux à prendre en considération » informe cet expert.

Malgré les avanies, la Casbah ne perd pas de sa bonne humeur. Se balader dans ses ruelles, écouter les bruits des instruments des artisans, le rire des enfants qui raisonne, laisse espérer de jours meilleurs pour l’antique cité.

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