Karim Ziad, musicien algérien : ” La musique s’écrit avec un grand M, après, c’est une question d’affinités”

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Karim Ziad, musicien algérien :
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Le batteur et compositeur algérien Karim Ziad a appuyé les directeurs artistiques de la résidence OneBeat Sahara, qui se tient depuis le 24 février 2022 à Taghit et à Alger. Il était aux côtés de l’algérien  Chakib Bouzidi et les américains Domenica Fossati et Haile Supreme. OneBeat Sahara a rassemblé des artistes de huit pays dont les Etats Unis et l’Algérie. 

Karim Ziad, qui est installé en France,  a déjà produit sept album dont “Ifrikya” (2001), “Dawi” (2009) et “Jdid (2014). Et, il prépare un nouvel album. Karim Ziad évolue entre le jazz, le diwane, le chaabi, le rock et les musiques traditionnelles africaines. Il a accompagné à la batterie Khaled, Cheb Mami, Safy Boutella, Nguyên Lê et Jow Zawinul.


24h Algérie : Vous participez à la direction artistique de la résidence OneBeat Sahara, à Taghit. Une résidence qui se déroule pour la première fois en Afrique. Comment trouvez-vous cette initiative ?


Karim Ziad: C’est une belle initiative dans le sens où il y a de l’intérêt pour la culture d’autrui de la part des américains,  des algériens et des autres africains qui sont là, à Taghit (Sud de Béchar). C’est une initiative fédératrice, une initiative de paix. Sur le plan musical, c’est très enrichissant parce que les africains peuvent apprendre différentes cultures de leur propre continent. Un musicien nigerien découvre le chaâbi algérien et une chanteuse mauritanienne apprend d’un musicien américain. Ils font donc de la musique moderne tout en s’intéressant à la tradition. Les américains sont venus pour apprendre les traditions rythmiques et musicales de l’Algérie aussi. Ils viennent avec leurs bagages techniques. Ils apprennent la musique à l’université. Et, donc, il y a cette confrontation entre la tradition et la modernité.


Comment s’est déroulé le travail durant cette résidence dans la direction artistique ?

Quand je suis arrivé dans ce projet, tout était déjà établi. Les directeurs artistiques  avaient fait leur choix de musiciens. J’ai trouvé à mon arrivée un chantier déjà commencé. Mon rôle est de coacher tout le monde, d’expliquer ce que c’est que la musique au Maghreb, les rythmes asymétriques, les cinq temps, les 6/8, les 12/8, les rythmes auxquels certains artistes participants ne sont pas habitués. J’explique aux musiciens traditionnels le côté moderne. J’essaie donc de faire le pont entre les artistes.


Les musiciens américains ont visiblement trouvé des difficultés à s’adapter au rythme algérien, maghrébin, comme pour l’insiraf…

C’est là où j’interviens et où j’explique techniquement. Il est difficile pour un musicien américain de comprendre comment est construit le rythme traditionnel, son oreille n’est pas habituée à cela. Il faut que cela passe par un autre chemin, celui de la vision et de l’interprétation, comme si l’artiste était en train de lire une langue. J’ai donc écrit le rythme au batteur américain, il a vite compris (le batteur Ignabu).
Je lui ai expliqué qu’il s’agit d’un onze temps qui peut aussi être un dix temps ou entre les deux. Depuis qu’il est à Taghit, le musicien américain travaille sur le onze temps. Il est étonné que les gens ici joue ce rythme d’une manière naturelle alors qu’il est compliqué pour lui, pour les américains.


Les américains disent que la musique aux Etats Unis est d’origine africaine. Cela est rappelé à l’occasion de cette résidence OneBeat Sahara (organisée par l’ambassade des Etats Unis et le ministère de la Culture et des Arts)


Le blues, le gospel, la funk, toutes les bases de la musique américaine, sont d’origine africaine. Pour moi, la musique américaine est d’abord black. Le bagage est venu avec les esclaves. Après, il y a la musique classique qui vient d’Europe. En Afique du nord, il y avait aussi des esclaves qui ont ramené le même patrimoine musical pris aux Etats Unis ou au Brésil. Ceux qui sont venus au Maghreb ont connu l’islam, et ceux partis aux Etats Unis ont fait connaissance avec le christianisme.


L’héritage musical africain s’est mélangé avec la tradition musulmane et les saints musulmans comme pour le diwane. Dans ce chant, on fait des louanges à Allah et à son prophète. C’est la même chose pour le gospel chanté dans les Églises aux Etats Unis, il y aussi des chants liturgiques.


La musique algérienne, comme le chaâbi ou le hawzi, peuvent-elles être fusionnées avec d’autres musiques?


Pour moi, la musique s’écrit avec un grand M. Après, c’est une question de goût et d’affinités. Tout peut être fusionné surtout si c’est fait avec amour. Si l’objectif est lucratif, je ne pense pas que cela réussisse.


Il y a toujours des puristes qui ne veulent pas que le châabi ou l’andalous soit en fusion avec d’autres styles


Dans mon premier disque “Ifrikya”, j’ai fait une composition insiraf. Ce n’est pas un morceau chaâbi, mais je l’ai composé comme un algérois qui aime le chaâbi. L’orchestration est composée d’un piano, d’une batterie, d’une bass et d’un banjo. C’est une évolution pour moi. Tout le monde pourra comprendre grâce aux instruments cette musique même si la base est un insiraf. Les gens trouvent que c’est une nouvelle couleur.


Je suis un musicien algérien, je peux composer de la musique algérienne mais jouée par des instruments européens et américains. Je ne mélange pas ceci avec cela, c’est juste l’instrument qui diffère. Un batteur américain ne peut pas comprendre le langage d’une derbouka en insiraf. S’il écoute à travers une batterie, cela le touche directement parce qu’il comprend les sons, le rythme.


Les Algériens jouent de la batterie, de la derbouka, la guitare électrique, la basse, le gumbri, le n’goni, l’oud, tous les instruments, les airs et les mélodies. d’où vient cette capacité de comprendre toutes les musiques?


Il y a un grand ethnologue français qui s’appelle Bertrand Hell et qui a fait des études sur le diwane (“Le Tourbillon des génies. Au Maroc avec les Gnawa”, paru en 2002), le gnawa, le stambali. Il a dit que les maghrébins ont un sentiment exacerbé de la musique. C’est exactement cela. Nous sentons tous les rythmes. En tant que professionnel, je vois que qu’un voisin à Alger sait jouer de la derbouka, connaît tous les rythmes alors qu’il n’est pas musicien. C’est inné.


Karim Ziad travaille tout le temps. Il y a sûrement un album en préparation…

Je travaille avec un trio qui s’appelle Assala (authenticité). Il est composé de trois instruments : un piano, un guembri et une batterie. On joue de la musique ancienne nord-africaine avec ces trois instruments.  L’album est sur les plateformes, mais pas encore sorti physiquement (Spotify). Moi, je ne fais pas de politique. Je ne m’intéresse pas à la nationalité des artistes avec qui je travaille. L’essentiel est d’avoir une relation musicale et artistique.

Je joue aussi avec le groupe Azawan aux côtés de Khireddine Kati, Martin Berauer, Martin Guerpin et Julien Lallier. On reprend de la musique chaabie avec des musiciens français. Il y a des arrangements osés, un peu de jazz. Il y a du piano, du saxophone, du mandole, de la contrebasse et de la batterie.  L’album Azawan va sortir bientôt.

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