DimaJazz: A Constantine, l’italienne Ilaria Pilar Patassini célèbre un jazz méditerranéen

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A Constantine, l'italienne Ilaria Pilar Patassini célèbre un jazz méditerranéen
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La troisième soirée du 17ème Festival international du jazz de Constantine (DimaJazz), vendredi 13 mai, a été marquée par le passage de la cantatrice italienne Ilaria Pilar Patassini. 


Auteure, compositeur et interprète Ilaria Pilar Patassini a offert au nombreux public de la salle Ahmed Bey un bouquet de chansons parfumées aux senteurs méditerranéennes et interprétées d’une voix chaude, épurée et rassurante. Des chansons narratives où la poésie bouscule de très près les mélodies et les tons. “Toutes mes chansons évoquent l’amour”, a-t-elle dit d’emblée.


Elle a interprété des titres connus de son répertoire et tirés de ses quatre albums dont “La luna in ariete” (la lune en bélier), sorti en 2019, comme “Nessun tempo si perde” (Aucun temps n’est perdu), “A metà” (au milieu), “Il suono che fa l’universo” (le son que fait l’univers), “Di Pugno Tuo” (de ton poing), “Occhi Coltelli” (Yeux couteaux), “Col Tempo Sai” (avec le temps du sais)…Elle a rendu un hommage à l’interprète français Léo Ferré en reprenant “Avec le temps”, une chanson qui évoque la rupture amoureuse douloureuse.


Elle a fait appel au musicien algérien Kheireddine M’Kachiche pour l’accompagner sur scène et donner une dose épicée à son chant sensuellement jazzy et où on peut trouver des traces dorées du bel canto.


“L’arrogance européenne”

Elle a terminé le récital par l’interprétation d’un extrait d’une chanson malouf de Mohamed Tahar Fergani, “Kasantina”.  “J’ai eu une heure pour préparer l’interprétation de cette chanson. Je devais m’adapter au ton et apprendre les paroles en arabe. Le public m’a aidé. Il est difficile pour moi d’interpréter votre mélodie parce que l’approche et la technique musicales sont différentes.

Pour arriver à la synthèse, il faut une certaine connaissance pour éviter la folklorisation et de tomber dans “la musique touristique”, a-t-elle dit à propos d’éventuelles collaborations avec des artistes algériens lors de la conférence de presse après le concert.
Elle a critiqué “l’arrogance européenne” par rapport aux voisinages.


“Les occidentaux pensent qu’on peut partager des choses, mais pas tout. On nous n’enseigne pas les différences qui existent entre les musiques du sud de la Méditerranée. On nous fait croire que les musiques de cette région sont les mêmes partout alors que ce n’est pas vrai. La musique en Egypte n’est pas celle d’Algérie ou du Maroc. Je vais faire un pas en avant pour mieux découvrir la musique algérienne. L’Algérie est énorme, ce n’est pas un petit pays.  C’est pour cela que j’ai interprété un petit morceau d’une chanson de Constantine. C’est la preuve de ma bonne volonté”, a-t-elle assuré.  


“Ecouter tous les jours les chansons américaines, ça suffit !”

Elle a dénoncé dans la foulée “le bombardement” culturel américain sur l’Europe et sur les autres pays y compris l’Algérie. “Ecouter tous les jours les chansons américaines, ça suffit ! Il y a plein d’autres choses dans le monde à découvrir. J’ai honte de dire que je ne connais pas bien la musique algérienne alors qu’on est voisin”, a-t-elle souligné.


Sur scène, elle a souligné la forte relation entre l’Algérie et l’Italie. L’Italie est le pays invité d’honneur du DimaJazz 2022.
Ilaria Pilar Patassini, qui n’a pas cessé de dialoguer avec le public sur scène, a apprécié la réactivité des jeunes spectateurs.
 “C’est un public qui a soif d’écouter de la musique. C’est émouvant. J’ai beaucoup aimé le mouvement dans la salle. Les gens bougeaient, discutaient, dansaient, n’étaient pas tout le temps concentrés. C’est comme dans l’opéra du XVII ème siècle. Mais, les gens suivaient quand même. Ils étaient dans une place de culture. Une place qui leur appartient. C’est une signification saine. j’étais touchée par le public. Le public est l’autre musicien”, a-t-elle expliqué.


Les concerts virtuels ? “Une violence”

Une occasion pour elle de dénoncer les concerts virtuels imposés durant les périodes de confinement sanitaire à cause de Covid-19 même si l’objectif était de garder “un lien” avec le public. “Cela ne marche pas ! C’est de la violence. Le concert ne peut se faire que devant des spectateurs vivants et présents. La communication avec le public est un instrument aussi. Je défends la dimension de l’empathie. En ce moment, ce qui est important est de développer et de reconstruire l’empathie entre les cultures et les personnes, entre le public et la culture. En Algérie, il n’y a pas ce problème grâce à un festival comme Dimajazz”, a-t-elle relevé.


Et de poursuivre : “Je suis un animal empathique. S’exprimer devant le public est un rituel nécessaire pour moi, c’est comme le prêtre avec la messe à l’Eglise. Je ne peux pas renoncer à cela, sinon je deviens aride”.


Selon elle, la pandémie de Covid-19 va permettre aux humains de revenir plus forts. “Je suis vaccinée, j’ai perdu deux membres de ma famille à cause de Covid-19, mais là, je suis revenue sur scène, je chante. La cage est enfin ouverte et des projets émergent”, a-t-elle dit.

 Lhasa,  Pavarotti et les autres

Elle est revenue sur son parcours professionnel entamé depuis presque vingt ans après avoir fait un passage à la radio suisse-italienne à Lugano (sud de la Suisse).
“Quand j’étais au lycée, je voulais être journaliste mais chanter c’était plus fort. Je ne suis pas née comme chanteuse jazz. J’ai grandi avec un père  jouant la guitare qui m’a transmis beaucoup de choses. Je chante depuis l’âge de douze ans. J’ai fait le conservatoire pour le chant classique. Je suis soprano lyrique. Après, j’ai décroché un autre diplôme de musique de chambre. A 19 ans, je chantais classique le jour et jazz le soir dans les clubs de Rome. Mon parcours n’est pas du tout orthodoxe”, a détaillé la chanteuse.


Ses influences sont diverses. “Elles ne sont pas celles de musiciennes ou de chanteuses. Mon influence, c’est l’art, Le Caravage ( peintre italien du XVI ème siècle), Homère (poète grec), Bellini, Rossini, Verdi, Mozart. Mozart est pour moi la preuve de l’existence de Dieu”, a-t-elle confié.


Ilaria Pilar Patassini s’inspire aussi de la chanteuse américano-mexicaine Lhasa de Sela. “Elle mettait (Lhasa est morte à 37 ans en 2010) de la poésie dans l’âme. Je n’aime pas le chant pour le chant. On peut avoir la plus belle voix du monde mais si on ne touche personne par le chant, cela ne sert à rien. J’aime la musique qui me fait voir des choses en plus d’écouter. Je considère Pavarotti comme le plus grand chanteur. Les chanteurs ne doivent pas chanter que pour eux même”, a-t-elle plaidé.

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