Les créateurs en Algérie entre vent et marée

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Les créateurs en Algérie entre vent et marée
Houari BOUCHENAK - Collective 220 © _ 2019
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Les thèmes des photographies de Houari Bouchenak se focalisent sur l’humain et son environnement au gré de ses rencontres . Il a étudié à l’Université Paul Valéry à Montpellier et à l’agence Magnum Photo à Paris. Aujourd’hui il fait des études en ingénierie de projet culturel et interculturel à l’université de Bordeaux Montaigne.

Afin de mieux cerner son travail , je lui ai soumis quelques questions sur l’éclosion de la scène artistique algérienne, le rôle des institutions,  le lien entre la littérature et la photographie sur le plan narratif, être acteur ou témoin du Hirak en tant que photographe.

Myriam Kendsi : On assiste à une éclosion d’une scène artistique très prometteuse 

Houari Bouchenak La création artistique algérienne ne s’est jamais arrêté, même pendant les années les plus dures qu’on a pu vivre, mais on assiste à une sorte de courants artistiques qui s’imposent d’une génération à une autre et qui parfois s’essoufflent par manque  d’encadrement, de soutien et d’accompagnement . 

Ce qui a changé durant les dix dernières années, c’est la visibilité acquise par l’artiste algérien en transcendant les barrière institutionnelles, en créant des espaces personnelles à travers des médiums digitaux et les  réseaux sociaux, ce qui lui a permis de s’exporter et d’échanger avec d’autres artistes algériens, mais aussi avec des artistes et des structures culturelles du monde entier. 

Les différentes plateformes digitales sont des outils qui facilitent la liaison entre l’artiste et son public, mais qui ne remplaceront jamais l’interaction physique et celle liée à l’espace, elles sont seulement là comme une vitrine qui stimule la découverte, la réflexion et qui permet de développer un réseau. L’implantation de différentes formes de structure, d’association et de collectif, qui travaillent activement avec la société civile et les créateurs, ont un impact important sur l’approche et l’appropriation du citoyen au langage culturel et artistique local et universel. Parmis ces structures il y a:  l’association ACDC (association pour la culture et le développement communautaire), l’association La Grande Maison, le Box 24, l’association Axaam n-dda-ALI, Les ateliers sauvages ou encore l’espace Rhizome

Houari Bouchenak-Installation photographique

Quelles sont les contraintes pour les créateurs en Algérie ?

Ce ne sont pas les moyens et les espaces culturels qui manquent, mais c’est plutôt leur répartition qui est à revoir.  Les créateurs en Algérie se battent contre vent et marée pour réussir à mener à terme leurs projets de créations, puisqu’ils font face à de multiples contraintes liées à l’administration, l’espace et les ressources de travail, mais aussi au manque de visibilité et de diffusion à travers les institutions qui y sont dédiées. 

Mais avant tout cela, on revient à ce qui est essentiel: subvenir à son quotidien et avoir des garanties pour son avenir. Comment un artiste ou un créateur algérien peut se dévouer à ses projets de créations, alors qu’il n’a pas de garantie de moyen pour subvenir aux besoins vitaux de son quotidien ?  Il y a un décalage entre les attentes et les besoins des créateurs et l’institution, où cette dernière devrait être un facilitateur pour accompagner le processus de création dans ses différentes étapes (de la réflexion à la restitution).

Un travail de fond s’impose de la part de l’institution pour apporter plus de transparence et d’appui à la médiation et à la formation (du primaire jusqu’aux études supérieurs) et un soutien aux structures privées, pour regagner la confiance et la synergie entre les créateurs et le public, en favorisant la qualité et la transparence au model de divertissement et de consommation culture actuel, qui inhibe de plus en plus l’éveil des personnes. 

En quoi la littérature est proche de la photo ? Dans la narration ? Dans le regard ? 

Le photographe comme l’écrivain donne un cadre dans lequel on peut approcher le sujet et le découvrir. C’est aussi une démarche suggestive personnelle qui implique à chacun d’eux, leurs regards, leurs émotions et leurs sensibilités, en se détachant complètement de l’espace dans lequel ils se trouvent pour migrer en terres inconnues, avant de retourner vers soi-même, “les voies de l’écritures” comme le décrit si bien Mohammed DIB dans son livre “Tlemcen ou les lieux de l’écriture” qui conjugue la photographie et le texte.   

Après la réalisation, l’œuvre littéraire ou photographique ne leur appartient plus,  mais elles deviennent celle du public récepteur.  

En effet, une des choses mises en relief par des recherches sur “la littérature et la photographie”  est précisément la manière dont le traitement du sujet (l’activité, les processus, les choses produites) reflète les transformations affectant à la fois l’objet d’étude et les approches critiques. 

Il s’agit à la fois du type de travail d’interprétation qui a pris forme ces dernières années, c’est à dire de la manière dont les gens ont pensé la relation entre la photographie et la littérature. Mais la manière dont la production culturelle a évolué est également en jeu, au point que, par exemple, les formes hybrides de photo-texte sont devenues de plus en plus répandues parmi les écrivains et les artistes travaillant dans différents genres et modes.Particulièrement frappante à cet égard est la manière dont les modes photo-textuels ont été mobilisés pour explorer les thèmes de la mémoire, de l’identité et de l’individualité.

Houari Bouchenak

Comment fais- tu le choix de la couleur et du noir et blanc ? 

Le choix de la couleur ou du noir et blanc s’impose par lui même face au sujet photographié, de la lumière, de la texture qui l’entoure et de l’émotion que je veux lui donner. personellement, je photographie principalement en noir et blanc pour pouvoir détacher le sujet de son environnement et faire ressortir les lumière à travers un va et vient entre ces deux couleurs. Je trouve qu’il y aussi plus de force dans la photo noir et blanc en terme d’emotion captée et transmise, une manière aussi de se détacher du réel en éveillant les sens. 

Quelles sont tes références artistiques (romanciers, photographes, artistes peintres) ?

Romanciers/ Philosophes: Mohammed DIB / Frederich Nietzsche / Paulo Freire.

Photographes: Joseph Koudelka /Akram Zaatari / Daido Moriyama.

Peintres: Pierre Soulages, Choukri Mesli, Adel Abdessemed.

Quelle a été ta priorité durant le Hirak : être acteur ou témoin ?

Je pense que le Hirak a déjà vu le jour depuis déjà quelques années dans le coeur et les âmes des Algériens, où chacun de nous essaye, à son niveau et avec ses moyens, d’apporter des actions positives dans sa communauté et de  changer le peu qu’on peut dans notre microcosme social. 

Par rapport à ma position, je suis comme chaque Algérien acteur et témoin du Hirak. Je suis un élément parmi d’autres qui constitue cette vague qui s’est jetée dans les rues et les boulevards pour revendiquer une Algérie plus prospère.

Est ce que le Collective 220 existe toujours ? 

Le Collective 220 existe toujours et il s’ouvre à d’autres photographes d’origine algérienne, puisqu’on a lancé en début du mois de janvier un appel à candidature pour intégrer des nouveaux membres qui apporteront un nouveau souffle au collectif. On proposera prochainement des temps de rencontres entre des professionnels du monde de la photo et les différents membres, qui seront visibles via nos différentes pages de réseaux sociaux, mais aussi la reprise des rencontres autour des livres photos “Booktalk” qui se dérouleront au siège de la Chambre Claire.  En mars 2020, on envisageait de lancer l’évènement “Les rencontres photographiques de Mascara” qui allait être une occasion de réunir un large public autour d’un programme varié, mais qu’on a du reporté à cause de la pandémie. Ces rencontres se mettront à nouveau en place dès qu’on aura plus de visibilité par rapport à la possibilité d’accueillir un public dans des endroits clos. 

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