Wallada, la dernière andalouse, premier roman de Sidali Kouidri Filali

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Wallada, la dernière andalouse, premier roman de Sidali Kouidri Filali
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Wallada, la dernière andalouse est le titre du premier roman historique de Sidali Kouidri Fillali  (SKF) connu dans les réseaux sociaux pour son franc parler, ses positions politiques et sociales, ses coups de gueule mais aussi pour ses connaissances historiques qu’il partage généreusement avec ses followers.

Nous sommes au début du 11ème siècle. L’Andalousie se déchire et Cordoue, sa capitale, assiste à la chute du Califat Omeyyade, affaiblie par les querelles des princes qui ont donné naissance aux taïfas, ces petites royautés nées des divisions de cette région.

Sidali déroule dans ce livre un siècle d’histoire de l’Andalousie musulmane – de 993 à 1095- au travers quelques personnages clés comme Zawi Ibn Ziri le fondateur de la dynastie ziride, la taïfa de Grenade, Samuel ibn Nagrela , rabin poète, un des premiers Juifs à avoir pu occuper des responsabilités sous autorité musulmane, Ibn Hazm autre poète musulman, historien et juriste, Elmotadid ibn Abbad dernier émir abbadide à régner à Séville.

L’histoire d’amour passionnée entre Wallada, princesse et fille d’Al Moustakfi dernier Calife Omeyyade de Cordoue, et Ibn Zeydoun (né en 1003 et mort en 1071), célèbre poète, guerrier et homme politique de cette époque n’est qu’un fil conducteur à ce roman historique divisé en 33 chapitres de longueur inégales et précédés à chaque fois par un des nombreux poèmes écrits pendant cette période dans une Andalousie au climat tempéré, aux paysages féériques caractérisée par une diversité ethnique et religieuse et une tolérance rares dans le monde arabo-musulman.

Une Andalousie où musulmans, juifs et chrétiens se côtoyaient , communiquaient et dont la capitale Cordoue rivalisait avec Bagdad et est devenue une des plus grande ville d’Europe occidentale. Cordoue, centre politique, économique et militaire, a été aussi un extraordinaire foyer culturel rayonnant sur tout le bassin méditerranéen.

« Cette cité représentait la merveille de l’Europe grâce à son architecture, ses rues, ses universités et ses écoles… (…) Une capitale où l’on parlait plusieurs langues, où trois continents, trois religions, et toutes les races partageaient le même pays, les mêmes ruelles, et se croisaient matin, midi et soir »
Il se raconte que Wallada, femme libre, briseuse de carcans aux mœurs parfois critiquées par les conservateurs aurait fait confectionner un caftan sur lequel étaient brodés ces vers de sa composition :

Je jure par Dieu que je ne suis que pour les éminents

Je marche, je me perds en déambulant

A mon amant  j’offre la pommette de ma joue

Et  mon baiser o celui qui en est demandant.

Insolent et de mauvais goût ! commenta Ibn Zeydoun.

De Chapitre en chapitre, on découvre les personnages qui ont fait l’histoire de cette ville : leurs ambitions, leurs amours, leurs projets, les traitrises, les coups bas, leurs succès, leurs défaites avec des détails succulents et des dialogues  romancés certes mais qui restent collés à la personnalité des protagonistes connus pour leur loyauté, leur fourberie ou leur penchants.

Wallada, sens et essence de l’amour

La relation entre l’auteur de la cinquantaine de vers du poème « nūniyya » qu’Ibn Zeydoun dédia à Wallada et sa « maitresse » juste avant leur rupture est traitée sous un angle historique mais aussi relationnel. Wallada était princesse mais aussi une femme de lettres poétesse qui organisait chez elle des salons littéraires, où se réunissaient des poètes, des artistes et des philosophe dans ses cénacles. C’est pendant ces rencontres que Wallada a connu Ibn Zeydoun, mais aussi d’autres « concurrents » sur le plan littéraire comme sur le plan amoureux et qui ont été l’objet de tout ce qui caractérise la nature humaine : jalousie, envie, narcissisme, complots, succès, échecs….

« Quand la descente aux enfers commence, il y a deux façons de l’appréhender. Résister, perdre toute son énergie et en sortir achevée, ou au contraire la laisser se produire, endurer et prier pour que la force de l’enfer diminue ».

Ibn Zeidoun  victime d’un complot et emprisonné a continué à envoyer à  Wallada des poèmes pour lui signifier son amour.  Mais ayant perdu la confiance de Wallada suite à ses nombreuses tromperies notamment avec la propre servante de la princesse , elle le rejeta définitivement tout en ayant pitié de lui :

En amour, si juste tu étais

Tu n’aurais pas séduit mon esclave, tu n’aurais pas choisi

Laisser une branche fleurie de toute beauté

Et languir un rameau sec de fruit

Tu savais que je suis pleine lune

Et à ma déception, c’est pour un Jupiter que tu as craqué.

Et plus loin…

«  Je pleurais parfois la déchéance de cet homme, malgré tout ce qui était arrivé. J’avais de la colère envers cet homme, mais point de haine. J’avais passé avec lui les plus beaux moments de ma vie. Je ne pouvais rien pour lui.  Je déprimais en lisant ses poèmes tristes et ses appels au secours meurtris. Il souffrait, lui l’arrogant et le vantard, et il savait que nombreux étaient ceux qui se délectaient de sa disgrâce. Je ne lui ai jamais répondu. Je ne pouvais pas. Je n’en avais pas le courage et ne voulais pas l’enfoncer d’avantage ».

En fait, la particularité de cette histoire d’amour est liée à son contexte. Wallada, était une femme libre dans sa vie sexuelle dans une société multiculturelle certes mais dominée quand même par l’Islam. Elle  ne s’est jamais mariée et aurait eu de nombreuses relations aussi bien avec des hommes qu’avec des femmes. Elle choisissait librement ses amants et n’hésitait pas à composer des poèmes parfois obscènes pour injurier certains de ses amants. Ce coté rebelle de la princesse transparait dans une scène de jalousie entre Wallada et Ibn Zeydoun

«  Et qu’est-ce que tu en sais ? Qu’est-ce que tu sais que je partage avec lui, de ce qui nous lie ? Tu t’évertues à te vanter d’une virilité unique, mais je suis la seule à pouvoir comparer ! Il est peut être meilleur que toi ! Tu parles de ce que tu ignores, mais moi je parle de ce que je sais, de ce que j’ai vécu ! J’ai connu cet homme avant toi. Tu ne t’es jamais demandé pourquoi il était toujours là ? Pourquoi j’y tenais ? Pourquoi tu n’es jamais parvenu à le suppléer ? »

Ce qui importe le plus dans une relation amoureuse c’est peut-être sa constance plus que sa force. Celle de Wallada et Ibn Zeydoun fut forte, passionnée mais brève.  Et on n’a jamais su avec certitude la raison de leur rupture qui reste obscure : tromperie ? Raison d’Etat ? Incompatibilité de caractère ? Lassitude ?

J’ai eu la chance de visiter à Cordoue un monument représentant deux mains en bronze qui se joignent célébrant l’aventure amoureuse entre Wallada et  Ibn Zeydoun. Un amour de légende qui rejoint celui de Kais et Leila et Hizia et Sayed et de bien d’autres…

L’auteur nous promet une suite à ce premier roman.

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