Sur les pas de Janitou, un film documentaire de Amine Hattou
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Le film est connu de tous en Algérie. D’abord diffusé au cinéma puis à la télévision, des milliers d’Algériens, quels que soient leur âge, leur sensibilité et leurs goûts cinématographiques l’ont vu et sont surtout capables d’en chanter par cœur, le refrain le plus célèbre. Il s’agit bien évidemment du film indien Janitou (1973) de Manmohan Desai dont il faut probablement résumer l’intrigue pour la nouvelle génération : elle est simple et donc des plus efficaces et raconte l’histoire d’un amour contrarié entre la belle et riche Preeti (Sharmila Tagore) et Prem (Shashi Kapoor) sous fond de pauvreté, de lutte de classes et de chants dont Bollywood a le secret.

C’est ce film qui est au cœur du documentaire d’Amine Hattou, intitulé sobrement Janitou (2020) et qui vient d’être sélectionné au Festival italien Asolo Art Film Festival.  Après un premier court métrage de fiction très réussi, intitulé Les Pieds sur terre (2011),  Amine Hattou a décidé de revenir sur les raisons du succès phénoménal du film Janitou (1973) en Algérie et de l’impact que ce film a eu d’abord sur lui, mais aussi sur une série de personnages avec lesquels il discute; depuis sa mère, en passant par le regretté projectionniste Mabrook Ait Amara, jusqu’à une auditrice d’Alger Chaîne III qui nous livre une anecdote émouvante. 

On retrouve, dans ce premier long métrage documentaire, le sérieux et la fantaisie qui caractérisaient le premier film d’Amine Hattou et on comprend très vite que le film est d’abord un prétexte pour aborder le thème de l’amour, souvent fou en Algérie, où les sentiments que se portent les amants relèvent très vite de la passion dévorante. Amine Hattou évoque ainsi avec émotion son premier amour d’enfance, sous le regard un peu surpris de sa mère. Mais c’est surtout le personnage de Lyes Dehliz qui livre avec courage et poésie, les tourments dans lesquels ses amours le maintiennent prisonnier. 

Mais ce voyage sur les pas d’un film indien, devenu culte, ne pouvait se faire sans évoquer d’autres souvenirs plus douloureux. La fin de la paix sociale avec la guerre civile des années 1990 et ses blessures encore vives qui ont changé la vie de familles entières comme celles de Lyes Dehliz et  celle de Mehdi Boucharef dont les témoignages sont bouleversants. La caméra d’Amine Hattou sensible et directe quand  il le faut, permet ainsi à la parole de se libérer, contribuant  modestement à briser le silence traumatique imposé aux familles des victimes du terrorisme des années 1990.  Le spectateur est ému mais a le temps aussi de reprendre ses esprits et de respirer grâce au montage soigné de Anita Perez, Sonia Ahnou et Samy Zertal et à la musique qu’a choisi le réalisateur, notamment celle d’Ahmed Malek. 

Mais c’est également la fin de l’âge d’or du cinéma qu’aborde le documentaire en évoquant en filigrane les mythiques 450 salles du pays, après l’indépendance. Salles dont on sait que la plupart ont fermé et où se sont jadis rués des milliers d’Algériens pour voir Janitou (1973) et tant d’autres films, avec des  séances quotidiennes archicombles. Le thème évoqué également dans le documentaire Bla Cinéma (2014) de Lamine Ammar Khodja,  préoccupe beaucoup nos réalisateurs car ils savent, au moment même où ils confectionnent leurs films, qu’il y a peu de chances que le résultat de leur travail soit diffusé dans nos salles, alors même qu’il est certain que le Janitou de 2020, et bien d’autres films indépendants, trouveraient sans aucun doute possible leur public. 

Mais cela n’a pas empêché Amine Hattou de mener son projet à son terme. Sept années de travail en tout, depuis l’idée de départ jusqu’au montage final. Sept années qui disent tout le courage et l’abnégation qu’il faut aujourd’hui en Algérie, à un réalisateur indépendant, pour faire un film. Il est vrai néanmoins qu’Amine Hattou menait de front son projet documentaire avec son travail de « chargé de projets culturels » au sein du Goethe Institut à Alger. Il n’a pas non plus souhaité renoncer à son activisme culturel, puisqu’après avoir été un membre fondateur du Bejaia Film Laboratoire, il vient avec Laila Aoudj, ancienne directrice artistique des Rencontres Cinématographiques de Béjaïa, de créer « Dima Cinéma », une coopérative culturelle dont l’objectif est de faciliter la diffusion des films algériens indépendants, non seulement dans notre pays mais dans la région. 

C’est pour le moment grâce à ce type d’initiatives militantes et créatives que les films algériens indépendants circulent et voyagent en dehors des festivals, en attendant qu’une véritable politique de diffusion se mette en place pour soutenir un cinéma d’auteur qui est aujourd’hui en plein essor, face à une industrie cinématographique nationale qui, elle, peine à se renouveler et dont les superproductions diffusées en salle, peinent à attirer les spectateurs. 

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