Sofiane Attia: “Il faut créer un marché de l’art en Algérie”

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Sofiane Attia:
Sofiane Attia: "Il faut créer un marché de l'art en Algérie"
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Sofiane Attia est comédien et metteur en scène. Il dirige actuellement le Théâtre régional de Skikda. Il était auparavant directeur du théâtre régional d’El Eulma (Sétif).


24h Algérie: Sofiane Attia
, vous plaidez souvent pour la création d’un marché de l’art en Algérie. Pourquoi ?


Je l’ai dit à maintes reprises, il faut créer un marché de l’art en Algérie. Le théâtre seul, cela ne peut pas fonctionner même s’il chapeaute tous les arts. On y trouve de la musique, de l’art plastique, de la chorégraphie, tous ses arts se complètent. Et le théâtre ne peut exister sans l’apport de ces arts. Si on arrive à créer véritablement le marché de l’art, beaucoup de problèmes vont disparaître. Les théâtres régionaux sont des EPIC (établissements publics à caractère industriel et commercial). Ils ont de l’autofinancement, ont d’autres ressources. Comme il n’existe pas encore de marché où peuvent-ils vendre leurs productions?


Comment créer ce marché, justement ?


Je pense qu’il faut faire appel à des spécialistes en économie, en questions juridiques et autres pour élaborer le projet de ce marché de l’art.


Une des conséquences serait que tous les spectacles soient payants


Bien sûr. Dans les pays qui se respectent, le ticket du théâtre est le plus cher, plus cher que celui des stades et du cinéma. Les rentrées d’argent ne doivent pas être limitées à la billetterie. Il faut s’intéresser à la distribution des spectacles. Nos spectacles sont présentés actuellement dans les établissements culturels publics. Donc, l’argent de la culture reste en circuit fermé. Il faut aller vers d’autres espaces, d’autres secteurs. Il y a d’autres organismes qui assurent l’organisation de manifestations culturelles. Mais, il n’y a pas de coordination.


Par exemple ?


Sonatrach. Cette société organise beaucoup d’activités artistiques, pourquoi les théâtres publics ne travaillent-ils pas avec elle? Nous cherchons toujours à avoir des sponsors et des partenaires, mais que pouvons-nous leur donner en contre partie ? La législation actuelle ne nous permet pas d’avoir ces partenaires à nos côtés. Il faut trouver un moyen pour les inciter à venir. Je propose, sans être un grand connaisseur des lois économiques, des réductions fiscales pour les opérateurs qui contribuent au financement des activités culturelles. Cela va les inciter à venir au théâtre par exemple. Les théâtres régionaux peuvent établir des partenaires avec d’autres institutions culturelles.


Comme à Skikda ?


Oui. Le théâtre régional de Skikda entend établir un partenariat avec le Musée du Moudjahid, le Palais de la Culture, la Maison de la Culture, le théâtre romain et la salle Aissat Idir. Nous allons signer des conventions avec ces établissements pour utiliser leurs espaces pour des activités théâtrales, musicales, etc.


Le théâtre régional de Skikda est en travaux de réhabilitation depuis des années. Où en est le chantier ?


Les travaux traînent depuis plus de huit ans.  Je n’ai aucune explication à ce retard. Nous n’avons aucune date sur la livraison du projet. Les grandes oeuvres sont achevées. Personnellement, je ne suis pas satisfait, et je n’ai pas l’impression que les travaux vont se terminer de sitôt. Il me semble que tout dépend de la volonté politique. En attendant que le théâtre ouvre, nous devons chercher d’autres solutions.


Plus tard, le théâtre de Skikda sera-t-il ouvert à longueur d’années et durant toute la semaine pour les activités artistiques ?


Bien sûr ! Je suis venu avec deux projets à Skikda. L’un pour les enfants, l’autre pour les adolescents. En Algérie, nous avons le théâtre pour enfants et pour adultes, et, on oublie les adolescents. L’inexistence de ce genre de théâtre (pour jeunes) est l’une des causes qui explique le fait que le public ne vienne pas en masse aux salles de théâtre.


Il faut assurer une certaine continuité. En plus, notre programmation annuelle va s’appuyer sur les pièces produites par les autres théâtre au niveau national. Le recours à la billetterie signifie qu’il ne faut pas qu’il ait une rupture d’activités. Si le spectateur revient trois ou quatre fois au théâtre et il le trouve fermé, il ne reviendra plus. On se prépare déjà à la réouverture du théâtre. Et on peut monter des spectacles à zéro dinars.


Comment ?


Certains disent que je fonctionne avec la mentalité des coopératives. Je dis non. Le théâtre que dirige a un faible budget, un budget insuffisant. La politique d’austérité a touché le théâtre, comme les autres secteurs.  Que dois-je faire ?


Je n’aime pas me lamenter ou aller au ministère de la Culture me plaindre du faible budget qui nous a été affecté. Tous les théâtres sont dans cette situation. Nous devons trouver ensemble des solutions. L’Etat m’a confié la gestion d’un théâtre, je dois me débrouiller pour le faire fonctionner, trouver des solutions aux problèmes dans la mesure du possible. Aussi, peut-on produire des spectacles à moindre frais. Les comédiens seront payés à chaque représentation, le payement se fera après, pas avant le spectacle, comme c’est le cas actuellement (contrat). Si le comédien ne joue pas, il ne sera pas payé.


Vous voulez donc rompre avec la règle du comédien-fonctionnaire dans les théâtres publics, qu’il joue ou pas, il reçoit son salaire à la fin du mois ?


Dans l’organigramme du théâtre de Skikda, le poste du comédien n’existe pas. Les comédiens sont recrutés  avec conventions. Pour moi, le comédien ne doit pas être un cachetier, mais on doit lui assurer du travail. D’où l’importance du marché de l’art. Dans ce cas, le comédien peut activer avec sa carte d’artiste où il veut, vendre ses spectacles comme il l’entend. L’artiste ne veut pas devenir riche, mais cherche à vivre d’une manière digne et décente. Il n’a pas besoin de charité.


Vous étiez directeur du théâtre régional d’El Eulma. Qu’avez-vous appris de cette expérience ?


Je suis resté à El Eulma, quatre ans. Il y a des différences d’une région à une autre. Et chaque théâtre régional a sa specificité, son environnement et son héritage. Aucun théâtre ne ressemble à un autre. Les méthodes de travail diffèrent aussi. Mon travail à Skikda ne sera pas le même que celui que j’effectuais à El Eulma. Cela dit, le mode de gestion des théâtres, sur le plan administratif, reste le même. A Skikda, c’est une nouvelle expérience pour moi, un nouveau défi. J’adore les défis.

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