Saloua, la voix distinguée de l’élégance et de la subtilité

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Saloua, la voix distinguée de l'élégance et de la subtilité
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La chanteuse algérienne Saloua est décédée, jeudi 9 décembre 2021, à Alger, des suites d’un AVC, à l’âge de 86 ans, inhumée vendredi au cimetière d’El Alia à Alger, en présence d’un petit groupe d’hommes.


La scène artistique algérienne moderne perd une des ses icônes, Saloua, deux mois, jour pour jour, après le départ de Rabah Driassa. Les deux chanteurs sont natifs de Blida, la ville des roses et des artistes. Driassa et Saloua, se sont croisés plusieurs fois sur scène,  ont chanté ensemble, une seule fois, en 1975 en interprétant “Ya chems”, une ballade romantique, l’une des plus belles chansons du répertoire algérien de tous les temps. Cette chanson a été reprise trente ans plus tard par le marocain Saâd Lemjerad et par les algériens, en duo, Samir Toumi et Fella Ababsa.


Zouina ou Fettouma Lemitti, native du quartier Mimeche sur les hauteurs de Blida dans une famille qui appréciait les arts avec une mère chantant dans les fêtes de mariage, débute sa carrière à la radio en prenant le nom d’antenne de Saloua. Elle anime une émission pour enfants au milieu des années 1950 à Radio Alger aux côtés du romancier Réda Falaki, du réalisateur Mustapha Badie, des comédiens Mohamed Hilmi, Mohamed Niha, Zohir Abdelatif et Djaffar Beck ainsi que Mohamed Tahar Foudhala.  


Un début avec Missoum Amraoui

A l’époque, Boudali Safir était chargé des ELAK (Émissions en langues arabe et kabyle) de Radio Alger. Réda Falaki, Hadj Hamou de son vrai nom, s’occupait des émissions enfantines. Saloua apprend alors la maîtrise de la diction et des variations de la voix à la Radio en faisant également du chant.


Art qu’elle perfectionne plus tard en travaillant pour la RTF ( Radiodiffusion-télévision française) en France dans une émission consacrée aux femmes. A Paris, la jeune Saloua rencontre Missoum Amraoui, compositeur, chanteur et chef d’orchestre, à l’occasion des enregistrements de chansons. Missoum est un interprète connu des chansons telles que  “Ya li guelbek khayen guelbi” et “Lahoua bidek”.


Natif de la Casbah d’Alger, Missoum a été formé à Alger et à Paris par les professeurs Triki, Malherbe et Estaing.
Installé à Paris, Missoum cherche à moderniser la chanson algérienne en introduisant de nouveaux instruments, encourageant de nouvelles voix et en rafraîchissant les arrangements. Dans ses compositions, il y a du moual arabe, des tonalités du jazz, un peu de classique et une touche de chaâbi et d’andalous.


La chanson “Lalla Amina”, premier succès de Saloua

En 1959, Saloua interprète deux chansons composées à Paris par le tunisien Mohamed Jamoussi. Saloua est membre déjà dans une chorale aux côtés notamment de Kamel Hamadi et de Nora.
En 1962, Missoum compose sur un air de chaâbi “Allah ywalik bessbar a Lallal Amina”, chanson dédiée à la mère du Roi Mohammed V du Maroc, après son décès le 26 févier 1961. Grand succès. La carrière artistique de Saloua est lancée.  Le disque est classé en troisième position dans les ventes en France après notamment “Milord” d’Edith Piaf.
A l’époque, Missoum accompagnait déjà d’autres chanteurs algériens comme  Mohamed Lamari, Nora, Abderrahmane Azziz et Dahmane El-Harrachi…


Bati, Toumi, Boudjemia et les autres

Saloua enchaîne ensuite les succès durant les années 1960 et 1970, même après le décès de Missoum fin décembre 1968, appuyée par Mahboub Bati, Mustapha Toumi, Mohamed Lahbib Hachelaf, Rahab Tahar, Kamel Hamadi et Merzak Boudjemia.
Elle interprète notamment “Law nahkilek masrali”, “Ya wlad el houma”,  “Kif ray hameleni”, “Aâch men chafek baad jfak”, “Li bla yaaf”, “Aghnem Sâa”, “Inta kount dhoun”, “Allah ydoum farhkoum”, “Asslama bdhyaf el youm”, “Nhawek ya el ghali”, “Sâadi, sâadi ya ma”, “Li fiya yekfini, “Yehdik yehdik”, “Ennas taaref ennas”, “Lâab biya el hob”, “Nahwak ya el ghali”…


Chanteuse hawzie aussi sur les traces de Fadéla Dziria

Saloua, à l’image de Fadéla Dziria, chante également du hawzi et du aaroubi dans la tradition de la Sanaâ d’Alger, Blida, sa ville, fait partie de cette école de la musique arabo-andalouse. Elle est appuyée par Mustapha Kechkoul et Merzak Boudjemia pour suivre cette voie. Elle interprète ainsi plusieurs titres du répertoire andalous et chaâbi comme :  “Ala matkoun had ziara”, “Fna sebri ou tal nekdi”, “Nbda kouli besmallah”, “Houli kanou”, “el horm ya rassoullah”, “Ya men bil awzar”, etc


Aux côtés du compositeur et musicien Maâti Bachir, elle anime l’une des premières émissions du concours musical “Alhan oua chabab” au début des années 1980. Elle est distribuée en 1982 dans le long métrage de Mohamed Slim Riad, “Hassan taxi”, dans le rôle de Aïcha, épouse du taxi Hassan (Rouiched).

Saloua est désigné membre du Conseil de la Culture présidé, au début des années 1990, par l’écrivain Abdelhamid Benhadouga. Elle connaît ensuite une longue traversée du désert, oubliée des médias et des festivals. Elle s’installe dans un appartement à Blida, vivant seule, reçoit la visite de ses filles de temps à autre.

Des hommages ponctuels lui ont été rendus de temps à autre et une médaille de l’ordre du mérite national lui a été remise en 2017 mais sans lui faire oublier l’amertume de la marginalisation. Une mise à l’écart qui a touché d’autres artistes de la même époque comme Mohamed Lamari, Nadia Kerbadj, Nora, Thouraya, Ahmed Wahbi, Rahal Zoubir, Mohamed Boulifa ou Rabah Driassa.

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