Salim Dada: “Je pense que la waçla arabe est d’essence universelle”

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Salim Dada:
Salim Dada: "Je pense que la waçla arabe est d'essence universelle"
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Salim Dada sera en concert ce lundi 28 juin 2021, à 19 h, au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi d’Alger (TNA), à la faveur du 21 Festival européen qui se déroule jusqu’au 2 juillet 2021. Salima Dada and Cie, composé de musiciens et chanteurs, va présenter une version rénovée de “Waslatou Al Achwaq”, une suite musicale et vocale. Un hommage sera rendu également rendu au compositeur italien Ennio Morricone, décédé le 6 juillet 2020.


24H Algérie: Salim Dada, vous avez décidé de rendre hommage durant ce 21 ème Festival européen Algérie, un hommage au compositeur italien Ennio Morricone. Pourquoi ce choix ?

Salim Dada: Ennio Morricone m’a inspiré en tant que compositeur de films. Ses musiques constituent un grand pavé de l’histoire du cinéma. Il y a un lien direct, c’est lui qui avait composé la musique de “La bataille d’Alger” de Gillo Pontecorvo (sorti en 1966). Ennio Morricone est décédé, il y a une année, à l’âge de 93 ans. J’ai donc trouvé légitime de lui rendre un hommage au festival d’autant que je représente l’ambassade d’Italie dans ce concert.


Qu’avez vous choisi pour cet hommage ?

Salim Dada: Deux pièces. D’abord, “L’homme à l’harmonica”  (de la bande originale du film “Il était une fois dans l’Ouest” de Sergio Leone, sorti en 1968). Et, ensuite le thème de “La bataille d’Alger” avec un arrangement.


Dans la deuxième partie de soirée, vous avez programmé une nouvelle version de “Waslatou El Achwaq”. Expliquez-nous ce projet ?

Salim Dada: Waslatou El Achwaq est une composition originale qui date des années 2004/2006. A l’époque, je voulais redonner à la waçla arabe, un nouveau souffle. La waçla est la forme la plus développée de la musique arabe qui a donné naissance à la nouba, au Fassil, et après, à la suite baroque et à la symphonie.


Je me suis intéressé aux formes traditionnelles de la musique arabes orientale, lancé et composé sur le maqam nahawand qui se rapproche du sihli algérien et du mode mineur européen. J’ai composé plusieurs pièces instrumentales et vocales avec ce mode en utilisant le corpus littéraire arabe ancien.


Et vous êtes remontés jusqu’au 7ème siècle !

 Salim Dada: Oui, du 7ème au XV ème siècle. J’ai choisi des textes de Hassan Ibn Thabit en passant par Safi al-Din al-Hilli jusqu’à Ibrahim Ibn Ali Al Qayrawani qui est originaire de M’Sila. J’ai aussi pris des textes d’Ibn Khatib, d’Ibn Sahl Al Andaloussi et d’Ibn Nubata Al Misri.

La poésie est soufie et le traitement musical est moderne non seulement sur l’arrangement et sur l’idée de travailler sur l’unité motivique dans la composition. Il y a donc des pièces instrumentales qui puisent dans les formes traditionnelles arabes classiques, le Smai, le Mouwachah, El Dawr, El Taqtoqa et le Mkhiles.


Est-ce qu’on peut classer cette wasla dans ce qu’on peut appeler la musique savante ?

 Salim Dada: L’approche est savante. Il y a le volet recherche et conception, puis composition et création. Quinze ans après, j’ai revisité la première œuvre, c’est pour cela que je l’appelle Waslatou Al Achwaq 2. A la base, cela était une sorte de restitution de stage en octobre 2006 à Laghouat, sous une forme traditionnelle, takht arabe. Aujourd’hui, cette waçla est harmonisée, arrangée avec l’ajout d’autres instruments. Il y aura du takht, des chanteurs, des percussions, daf, derbouka mais aussi guitare, contrebasse, saxophone et piano.


 Je pense que la waçla arabe est d’essence universelle. Elle peut être écoutée, vue et comprise par tout le monde. Là, le lien est établi entre Orient et Occident. A travers cette œuvre, je revendique une identité plurielle. Pour moi, il n’y a pas de frontières.


Waslatou Al Achwaq va donc dans le sens du message du festival, à savoir, le dialogue culturel, le dialogue des musiques…

 Salim Dada: C’est pour cette raison que j’ai proposé ce projet au lieu de jouer des musiques italiennes ou mes propres musiques symphoniques. Je voulais montrer qu’à travers des formes anciennes, il y a moyen aussi de faire de la création, de donner un nouveau souffle.

Ces formes proposent au compositeur averti et attentif une liberté incroyable, c’est peut être un message pour les conservateurs et les gardiens de chapelles que composer aujourd’hui des nouba est possible au lieu de continuer à conserver et à mythifier l’acte de création.


Donc, est- il possible de rénover les nouba ?

 Salim Dada: Bien sûr. Waslatou Al Achwaq est une nouba entière avec une synthèse de plusieurs formes maghrébines, orientales, médioorientales, asiatiques. Le plus important dans ce genre de compositions, c’est l’approche évolutive. En plus, l’aspect qui épouse la voie mystique, de l’élévation, de la culmination et de la sublimation. La nouba, le fasl ou le mougham, toutes ces formes là ont cette cinétique qu’on appelle chez les soufis El Hal ou Tanaqol el maqamat. Tout cela est présent dans mon œuvre.


Comment s’est fait le choix des textes chantés ?

 Salim Dada: Il y a des poèmes qui sont inédits, n’ont jamais été chantés auparavant, comme ceux d’Ibn Tabana Al Misri et de Safi al-Din al-Hilli. Des poèmes connus à leur époque mais qui malheureusement n’ont pas été chantés. J’ai trouvé trois vers d’Ibrahim Ibn Ali Al Qayrawani, j’en ai fait un mouwachah de six minutes.

J’ai fait un clin d’œil à d’autres poètes comme Ibn Sahl, qui était à Séville. Ses poèmes sont présents dans la snaa algérienne et dans le malouf tunisien. Je lui ai donné une autre version. Je reprends en mode nahawand aussi “Jadaka el ghaitou idha al ghaithou hama” d’Ibn Khatib, chanté notamment par Fairouz et par Sabah Fakhri. Les poèmes seront chantés et on va essayer de les traduire en italien, en anglais et en français.


Comment s’est formé Salim Dada and Cie ?

 Salim Dada: C’est un groupe composé de musiciens ayant contribué à l’exécution de la première waçla en 2005 et qui sont de Laghouat comme Berkane Mekhedmi. Il y a aussi un choeur de Mila, des chanteurs issus du Inchad el dini, et des interprètes de Mouzaïa et El Affroun. J’aurai également des musiciens comme la contrebassiste Amina Mekaoui, le saxophoniste Mehdi Djama et moi-même à la guitare. Ces trois entités n’ont jamais travaillé ensemble. C’est cela le but de nos répétitions aujourd’hui. Nous sommes en résidence artistique. On verra ce que donnera le mélange des trois formations sur scène.


Salim Dada and Cie va-t-il continuer à exister ?

 Salim Dada: J’ai grand espoir. J’attendais le moment propice pour pouvoir retravailler la waçla. La machine est lancée. L’idée est de propulser ce travail et le présenter en tant que spectacle pour les diffuseurs et les programmateurs. Nous travaillons sur le projet d’une tournée nationale avec l’ONCI. Je veux capitaliser ce travail et exporter la waçla à l’étranger aussi. On compte enregistrer la waçla en 2022. Après une année de concert, on aura bien rodé le travail. On entrera au studio après.


Vous comptez reprendre le projet de l’Orchestre de jeunes durant cet été. Qu’en est-il ?

 Salim Dada: Nous n’avons pas pu organiser la session nationale en 2020 après l’arrêt des activités en raison de Covid-19. Cette année, nous allons rassembler une soixantaine de musiciens, entre 15 et 35 ans. Nous avons ouvert les candidatures depuis le 1 juin 2021. Il reste encore une semaine pour les postulants. On est confiant que cette troisième session sera à la hauteur des espérances et aura le même succès ou peut être plus que la précédente. La deuxième session a eu lieu à Jijel, en 2019,  suivie d’une tournée à l’Est du pays.

On prévoit un stage d’une semaine et des concerts dans plusieurs wilayas cette année.
Nous serons dans l’extrême-est algérien. Nous sommes en discussion avec les organisateurs. Le programme est en cours de préparation. Nous attendons d’avoir la totalité des instruments pour jouer des symphonies. Ce qui est sûr est que nous avons prévu un concerto de Vivaldi. Le niveau d’exigence artistique est élevé. On compte donc présenter un concert symphonique digne de ce nom.


Est-ce que l’Orchestre de jeunes va se pérenniser ?

 Salim Dada: L’Orchestre continuera à exister même si les musiciens changent et que moi même parte. L’idée est de créer un espace de rencontre pour les jeunes. Nous sommes en train de créer le statut  de l’Orchestre de jeunes d’Algérie (OJA) sous forme d’association. Le projet est soutenu par les jeunes et par plusieurs établissements publics comme l’ONDA, le TNA, les théâtres régionaux, les directions de culture de wilayas, les instituts régionaux de formation musicale.

Nous voulons capitaliser tout cela. L’OJA est aujourd’hui une grande famille avec des musiciens venant de toute l’Algérie, d’El Tarf à Tlemcen, d’Adrar à Biskra et d’Alger à In Salah. Nous sommes fiers de cela. Il faut donc que le projet se pérennise malgré les difficultés logistiques et financières. 

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