Le réseau Internet de nouveau coupé en raison des examens du bac

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Internet : plus de 3,7 millions abonnés au fixe et 38 millions abonnés au mobile au 3e trimestre de 2020
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Les commerçants algériens doivent se doter de TPE d’ici fin décembre 2020, afin de généraliser le paiement en ligne. Les administrations, elles, sont instruites par le président Abdelmadjid Tebboune d’accélérer la numérisation de leurs services. En attendant, le débit du réseau Internet, ADSL ou données mobiles, est une nouvelle fois coupé, réduit ou perturbé afin de “prévenir de la triche” lors des examens de baccalauréat, qui débutent ce dimanche 13 septembre 2020.

Depuis ce matin, peu avant 08H, les réseaux sociaux sont inaccessibles, via le réseau ADSL ou encore les données mobiles (3G ou 4G). Il ne s’agit visiblement pas d’un blocage ciblé, puisque ces services ne sont pas les seuls à être inaccessibles.

Des internautes algériens ne peuvent également pas se connecter à travers des réseaux virtuels (VPN) aux sites. D’autres accèdent à quelques pages ou réseaux sociaux, à l’instar de Twitter, via VPN. Des Algériens, dans quelques régions du pays, enregistrent plutôt des perturbations de leurs réseaux ADSL, à se référer à leurs témoignages sur les réseaux sociaux.

La connectivité a été rétablie vers 13H pour être de nouveau coupée vers 15H, à l’heure même où nous rédigeons ces lignes.

“Presque tous les sites sont inaccessibles”, se plaint Youcef Boucherim, expert en TIC, dans une déclaration à 24H Algérie. “Contrairement à l’année passée, les autorités n’ont pas dévoilé un calendrier de coupure, permettant aux Algériens de se réaménager selon celui-ci. De la sorte, ils retardent plusieurs secteurs. Comment vont faire les banques ou les postes ?”, s’interroge-t-il.

“Il ne faut pas parler d’économie digitale”

Contrairement aux précédentes années, lorsque le gouvernement “justifiait” cette mesure par la nécessité de protéger la crédibilité du baccalauréat, cette coupure, aujourd’hui, intervient dans une conjoncture particulière. Depuis son arrivée à la Présidence, Abdelmadjid Tebboune n’a cessé de souligner la nécessité d’accélérer la numérisation de l’Etat et de ses services.

Les autorités ne manquaient également pas de multiplier les engagements et les promesses de développer l’économie digitale, nommant, à cet effet, plusieurs, jeunes, ministres délégués.

Les dernières instructions en date, pour accélérer cette “numérisation” étaient celles du président Tebboune de “mettre fin aux problèmes du débit Internet” et du ministre du Commerce, “de se doter, par les commerçants, des outils de paiement en ligne avant décembre 2020”.

“Il ne faut pas parler de paiement électronique, d’économie digitale, de généralisation des terminaux de paiement électronique (TPE) avant 2020, de startups et couper Internet”, rajoute M. Boucherim.

L’expert en TIC ne manque également pas d’évoquer les pertes “énormes” que ces coupures engendrent chez les sociétés. “Cette coupure est un non-respect pour un Etat du 21e siècle et son peuple. Chaque client paie en moyenne 2000 Da par mois. Si la coupure est maintenue durant 5 jours, les pertes peuvent s’avérer être importantes, pour des clients qui paient en moyenne 2000 Da par mois, pour des entreprises qui paient une moyenne encore plus élevée et pour un pays qui importe la totalité de sa bande passante”, poursuit-il.

“Pourquoi accuser les technologies ?”

Aucune information n’a été communiquée par les autorités ou encore Algérie Télécom, l’unique fournisseur du réseau ADSL en Algérie, sur cette coupure, baisse de débit ou ce blocage. Cela signifie-t-il que les clients ne seront pas dédommagés pour ces coupures ? En 2018, Imane Houda Feraoun, alors ministre des TIC, expliquait déjà la décision de l’opérateur de ne dédommager personne car “la coupure n’est pas due à une défaillance technique d’AT pour que cette dernière rembourse ses clients”.

La décision serait-elle reconduite cette année, puisque le fournisseur d’accès Internet n’a pas non plus rappelé à ses clients les modalités de suspension de leurs lignes en attendant que les examens du baccalauréat soient achevés ?

Youcef Boucherim s’interroge surtout pourquoi les autorités, qui ne cessent d’appeler à la numérisation ou à la digitalisation du pays et ses services, privés ou publics, “accusent encore et toujours les technologies. Celles-si sont un outil. Les réseaux sociaux, par exemple, sont un outil de démocratisation. Le problème n’est pas l’outil par lequel un sujet fuité a été transmis aux gens. Le problème est la fuite en elle-même”, s’indigne-t-il.

Des propos et des interrogations légitimes, à la lumière des précédents épisodes. Il faut remonter à 2015, lorsque l’ex-ministre de l’Education, Nouria Benghebrit, décide de réorganiser une partie des examens du baccalauréat, dont les sujets ont fuité sur les réseaux sociaux. Les autorités ont alors décidé de bloquer les réseaux sociaux afin de prévenir de cette fuite. Or, les résultats des enquêtes ont démontré que des cadres de l’Office national des examens et des concours (ONEC) étaient à l’origine de ces fuites.

Des résultats qui ont poussé la même ministre à “réformer” l’ONEC. Les coupables, eux, ont été condamnés à des peines de prison. L’origine des fuites a été identifiée. Malgré une “réforme” de l’organisation des examens du baccalauréat, les nouvelles technologies de l’information et de la communication paient les frais de ces triches: le débit du réseau Internet est chaque année réduit, voire coupé.

Cela n’empêche pourtant pas certains sujets de “fuiter”. Cette fois-ci, les autorités ont décidé de criminaliser ce phénomène. Le ministère de l’Education a annoncé l’entrée en vigueur cette année des mesures anti-triche pour la première fois dans l’histoire des examens en Algérie. La loi 06/20 du 28 avril 2020 modifiant et complétant l’ordonnance 66/156 portant code pénal prévoit, en son article 253 bis alinéa 6, une peine d’emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 100.000 à 300.000 dinars, pour “quiconque diffuse ou divulgue, avant ou pendant les examens ou les concours, les questions et/ou corrigés des sujets d’examens finaux d’enseignements primaire, moyen ou secondaire ou des concours de l’enseignement supérieur ou de la formation et de l’enseignement professionnels ainsi que des concours professionnels nationaux.

Des élèves ont déjà fait les frais de cette nouvelle loi. Le tribunal correctionnel de Guelma a condamné, le mardi 8 septembre 2020, un lycéen à une année de prison ferme et 100.000 dinars d’amende pour avoir publié sur sa page Facebook le corrigé de l’examen de langue arabe au brevet d’enseignement moyen (BEM), a indiqué, samedi, le ministère de la justice dans un communiqué. 

Outre le lycéen de Guelma condamné, une autre personne a été placée en détention provisoire à M’Sila pour avoir diffusé le sujet de langue arabe par téléphone portable. Son procès est fixé au 13 septembre, indique le communiqué du ministère de la justice.

 Le communiqué indique par ailleurs que plusieurs personnes ayant commis des “actes similaires” ont été identifiés et qu’ils seront arrêtés “pour être présenté à la Justice  et requérir des peines maximales à leur encontre”.

Selon le communiqué, une personne a été interpellée par les services de sécurité à Djelfa, deux autres à Tissemsilt . A Tébessa, un étudiant a été placé en garde à vue pour diffusion du sujet de langue arabe. A Ghardaïa, un lycéen a été arrêté car il échangeait des SMS avec sa soeur au sujet de l’épreuve de mathématique. 

637.538 candidats sont concernés par les examens du baccalauréat à partir de ce dimanche. Ils sont encadrés par 192.300 enseignants dans 2261 centres d’examen au niveau national. A ces chiffres, il faut rajouter plusieurs dizaines de millions de citoyens, qui verront leurs abonnements ADSL ou de données mobiles suspendus durant toute une journée.

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8 Commentaires

  1. […] Des élèves algériens, qualifiés à l’édition 2020 du Championnat mondial de calcul mental devant se tenir en Allemagne avant de se dérouler en ligne en raison de la pandémie de coronavirus, n’ont pas réussi à participer à cette compétition le dimanche 13 septembre 2020, en raison de la coupure du réseau Internet pour « prévenir de la triche » aux examens du baccalauréat. […]

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