Rencontre avec le céramiste Hamid Hebri : “les artisans algériens ont  des difficultés à exporter leurs oeuvres”

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Rencontre avec le céramiste Hamid Hebri :
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Hamid Hebri est un jeune céramiste qui s’est imposé ces dernières années sur la scène artistique. Ses œuvres sont très demandées tant en Algérie qu’à l’étranger. Il rassemble dans ses travaux l’authenticité algérienne et l’expression contemporaine.

24 H Algérie a rencontré l’artiste dans son atelier à Bachdjerrah, à l’est d’Alger. 


24H Algérie: Dites-nous comment vous êtes venus à l’univers vaste de la céramique ?


Hamid Hebri : J’ai d’abord appris les techniques du dessin sur papier à à l’école, à Hussein-Dey, mon quartier, puis dans les centres culturels. Je participais à beaucoup d’activités et concours encouragé par ma mère. A 16 ans, j’ai commencé à faire du dessin sur toile. J’arrivais à vendre les tableaux à une boutique d’ameublement.


En 1997, je voulais étudier à l’Ecole des beaux arts d’Alger (ESBA) mais je n’ai pas pu faute de moyens. J’ai rejoint un atelier de céramique à Hussein-Dey, puis j’ai poursuivi mon apprentissage à l’atelier de M.Benyettou à la Glacière (Bachdjerrah), aux Bois des Arcades (Riadh El Feth) et au Centre de formation professionnelle de Kouba. Après mon stage, j’ai travaillé dans un atelier de céramique à Ain Taya avant de reprendre à Riadh El Feth.


Et vous avez décidé d’ouvrir votre propre atelier…

Le travail de la céramique exige une incessante évolution des techniques et des formes. J’ai donc décidé d’ouvrir mon propre atelier ici à Bachdjerrah et de faire de la création à ma manière. Je fais tous les styles de la céramique (dessin, calligraphie, décoration, miniature, etc). En 2008, j’ai créé cet atelier grâce au dispositif Ansej (insertion professionnelle des jeunes).

J’ai pu rembourser mon crédit en une courte période. Ce n’est qu’à partir de 2013 que j’ai pu réellement démarrer en participant à plusieurs expositions. Les expositions étaient un véritable incitatif pour améliorer mes techniques et rencontrer d’autres artistes.


Avez-vous exposé à l’étranger ?

Oui. En Iran, aux Emirats arabes unis, l’Italie, l’Espagne, la Tunisie, le Maroc…J’ai participé à une formation en Turquie. J’ai pris part à des expositions dans les hôtels et avec les ambassades. Mon souci est d’améliorer constamment le travail de la céramique, rester dans l’authenticité tout en lui donnant une touche contemporaine. Je n’aime pas les œuvres compliquées ou trop chargées.


Je veille toujours à ce que les prix de mes travaux soient abordables chez nous. Je suis ravi que mes œuvres soient aujourd’hui un peu partout à l’étranger, même en Amérique du sud. Mais, il faut savoir, que les artisans algériens ont  des difficultés à exporter leurs œuvres.

 


Comment ?

Les lois sont trop compliquées, peu souples. On nous dit que nous sommes des artisans, pas des commerçants. Donc, on nous empêche de faire des opérations d’exportation. La vente se fait localement. Ce problème n’existe pas chez nos voisins, Tunisie ou Maroc. Les artisans de ces pays peuvent exporter leurs produits partout sans aucune contrainte ou entrave.  Et, ils ont à chaque fois des facilités pour participer à des expositions à l’étranger.


Pour les artisans algériens, il est difficile  de prendre part à des expositions puisqu’il est interdit de faire sortir de la devise au-delà d’une certaine somme. Or, pour participer à une exposition à l’étranger, il faut de l’argent pour couvrir tous les frais. La participation devient plus simple lorsque nous sommes pris en charge par le ministère du Tourisme et de l’Artisanat qui s’occupe des procédures de douanes.

On nous demande de réadmettre les produits que nous prenons avec nous pour les expositions alors que ces produits sont destinés à être vendus. A ne rien comprendre ! Les autorisations de vente nous sont données dans les pays où nous exposons mais la TVA est parfois élevée, comme en Tunisie, 40 %. En Algérie, la TVA est de 18 % pour les exposants étrangers.


Et comment se font les expositions d’artisanat en Tunisie ?


Les Tunisiens sont mieux organisés en matière d’organisation des expositions comme à El Kram où les stands sont construits et décorés comme s’il s’agissait d’intérieur de maisons. L’artisanat tunisien est présent partout dans le monde y compris aux Etats Unis. Les aspects touristiques sont pris en compte lors de ces expositions en Tunisie. C’est tout un univers.


En Algérie, on ne sait toujours pas combien faut-il payer pour avoir un espace au prochain salon international de l’artisanat.  On parle déjà de 170.000 dinars pour une semaine de participation. C’est trop cher pour nous. Par le passé, les frais de participation étaient symboliques pour encourager les artisans. La pause de Covid-19 m’a permis d’évaluer ce que je fais dans l’atelier et de mieux étudier le marché. Je préfère faire plus dans la qualité que dans la quantité. Je limite le nombre des œuvres travaillées. Et je veux prendre tout mon temps dans le travail, je refuse de travailler sous pression.


Ne faudrait-il pas avoir une boutique pour mieux présenter et exposer vos œuvres ?

J’ai fait une demande à la wilaya d’Alger pour avoir une boutique à titre de location, je n’ai pas eu de réponse alors qu’il existe beaucoup de locaux au niveau de la capitale qui sont fermés à longueur d’année y compris au centre ville. J’ai fait une demande pour bénéficier d’un espace dans le cadre de l’opération “100 locaux par commune”. Demande refusée. Pourquoi ne pas ouvrir des espaces au niveau des Sablettes par exemple? Simple question.


N’êtes vous pas assistés par la Chambre nationale de l’artisanat et des métiers (CNAM)?

Si. Il existe des chambres d’artisanats dans toutes les wilayas. La Chambre nationale nous aide à avoir des contacts avec l’ANART (Agence nationale de l’artisanat traditionnel). L’ANART s’occupe notamment des expositions à l’étranger. Les artisans doivent eux même faire les procédures de visa auprès des consulats. Le Consulat de France m’a refusé deux fois le visa alors que je devais participer à une exposition…


Parlez-nous de votre travail, des œuvres que vous produisez…

Je fabrique ce qui peut être utile pour les gens comme les vases, les ustensiles, le zellige, les veilleuses, les cendriers, les bols, les bougeoires, les brûleurs, les assiettes, les verres à thé, les objets décoratifs…Ces derniers temps, j’ai fabriqué des pièces à offrir en cadeaux, une commande des organisateurs des Jeux Méditerranéens d’Oran ( prévus du 25 juin au 5 juillet 2022).

Je fabrique aussi des boîtes de gâteaux en céramique pour les fêtes de mariage en collaboration avec une agence matrimoniale. Ces boîtes sont offertes en cadeaux en même temps. Ce travail peut prendre deux mois. Je produis des récipients pour les encens, très demandés chez nous.


Qu’en est-il du choix des couleurs ?

J’utilise plusieurs couleurs comme le vert, le bleu, le jaune, le rouge, le blanc…A chaque fois, j’essaie d’introduire de nouvelles couleurs, selon les tendances…Je participe parfois aux opérations de réhabilitation des anciennes maisons. J’ai travaillé dans des mosquées. J’ai conçu des fresques murales à Tlemcen, Djelfa, Sidi Bel Abbes, Dellys, Alger centre…J’ai collaboré avec le ministère de l’Environnement. 


Qu’en est-il de la matière utilisée ?

J’utilise de l’argile blanche (kaolin). L’argile rouge est trop polluante. L’argile blanche est importée d’Espagne et d’Italie. Il y a de l’argile blanche en Algérie mais il faut beaucoup de moyens pour l’extraire et l’exploiter. L’importation paraît moins coûteuse que la production. L’argile blanche doit être vendue rapidement après sa production, et ne doit pas être stockée longtemps. Moi, j’achète de l’argile chez un importateur. C’est une matière purifiée que je peux utiliser facilement. Il n’y a aucune trace de plomb.

Le plomb, présent parfois dans l’argile, est nocif pour la santé. J’utilise aussi de la cristalline (qui sert de couverture et de protection) sans plomb dans les ustensiles. Pour la faïence, le plomb sert à donner de l’éclat à la couleur. Les oxydes et les couleurs que j’utilise sont également importés. Idem pour les pinceaux et autres instruments. J’utilise parfois de l’or et de l’argent. L’or importé en petite quantité est trop cher, donc je vais utiliser de plus en plus de l’argent.


Vous vous appuyez beaucoup sur les réseaux sociaux pour vendre vos produits. N’est-ce pas ?

Oui. J’arrive à écouler mes produits grâce à mon compte sur instagram. J’ai des clients à l’étranger notamment en Europe. Le problème se pose dans l’emballage pour l’exportation. Il s’agit de pièces très fragiles avec des formes différentes. Donc, il faut un emballage spécial en carton pour éviter les secousses. Mais, les usines refusent de me vendre en petites quantités. C’est un vrai problème.

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