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Le Professeur Yacine Kheloui est chef de service pneumophtisiologie à l’établissement Public Hospitalier (EPH) de Blida, enseignant à la Faculté de Médecine de Blida. Il figure parmi les médecins qui affrontent la pandémie de la Covid-19 en première ligne depuis l’apparition des premiers cas positifs à Blida en mars 2020. Il fait un plaidoyer pour le respect strict des mesures de protection.

24H Algérie : Blida demeure toujours le premier foyer national de la Covid-19 en Algérie. Où en est la situation sanitaire plus de quatre mois après la découverte des premiers cas confirmés?

Pr. Yacine Kheloui: Je pense que Blida va bientôt être dépassée. Dans d’autres wilaya (Sétif, Biskra, Ouargla et El Oued notamment) le nombre de cas positifs augmente rapidement. Même si les chiffres sont maîtrisés, la pandémie est toujours là à Blida. Les wilayas limitrophes ne sont pas épargnées, peuvent avoir les mêmes problèmes que nous avons eu au départ. Au niveau du secteur de la santé de Blida, on est bien organisé et on travaille toujours pour améliorer l’organisation. A l’extérieur, la situation nous dépasse quant au respect des mesures du confinement et de précaution sanitaire. La prochaine étape sera d’aller faire des enquêtes épidémiologiques ciblées en fonction des foyers.

Qu’en est-il des tests?

Nous faisons des tests sur des patients symptomatiques en général. Nous faisons aussi des enquêtes par voie téléphonique. Mais, ce n’est pas suffisant. Lorsqu’un cas est positif, il faudrait se déplacer pour les prélèvements PCR de tous les sujets contact. Il n’est pas évident de les appeler parce que les gens ne viennent pas. Aussi, est-il recommandé d’aller vers les sujets contact pour les prélèvements pour ensuite circonscrire l’endroit où la pandémie a été déclarée.

Comment est organisée l’hospitalisation des malades déclarés positifs à Blida?

On est revenu à une situation antérieure lorsque les structures étaient saturées avec l’hospitalisation de tous les malades. Une deuxième note ministérielle est venue avec le fléchissement de la pandémie exigeant l’hospitalisation de tous les malades puisque nous avions assez de places. L’idée était de confiner les malades à l’hôpital. Aujourd’hui, on n’hospitalise plus les cas légers. Nous donnons priorité aux cas sévères pour les hospitalisations avec l’objectif de libérer plus de places. Le rythme de sortie des malades des hôpitaux est raccourci, au bout de quatre à cinq jours on les libère.

Les structures hospitalières sont-ils saturées?

Nous avons connu une saturation mais nous commençons à connaître un certain allègement puisqu’on ne garde plus les formes légères de maladie qui sont suivies à domicile. Les critères d’hospitalisation sont : formes modérées à sévères, personnes obèses, personnes âgées et personnes ayant des facteurs de comorbidité.

Comment expliquer la reprise de la pandémie après une période de stabilisation fin avril début mai 2020 ?

Nous avons même connu une nette régression des cas d’hospitalisation, de réanimation et de consultation. L’apparition de nouveaux de cas positifs est lié au déconfinement. Le citoyen a compris le déconfinement comme une victoire sur la maladie. Il pensait que le Coronavirus n’existait plus. Si le confinement avait été maintenu, les petits foyers de la pandémie auraient été maitrisés. Les visites familiales, la reprise du travail dans les administrations, les regroupements devant les bureaux de poste, les APC et les tribunaux ont contribué au relâchement. Je me rappelle qu’à la fin du Ramadhan, nous avions à peine quatre ou cinq malades hospitalisés à l’EPH de Blida. La pandémie a repris après l’Aid avec la reprise aussi des activités commerciales, administratives, etc. Aujourd’hui, nous avons des foyers au niveau des administrations et des familles. Après trois mois de confinement, les visites familiales ont repris comme si de rien n’était…

Faut-il revenir au confinement total ou partiel au niveau national ?

Il est difficile de prendre une décision pareille compte tenu du coût économique et social. Cela pourrait être ressenti comme un échec. Nous, au niveau du secteur de la santé, nous sommes préparés pour n’importe quelle décision que les pouvoirs publics prendraient. Il s’agit d’une décision multifactorielle. Il n’est pas aisé de dire : « allez, on revient à la case départ ». Si l’on fait de bonnes enquêtes épidémiologiques et qu’on définisse les clusters, on peut aller vers la fermeture de quartiers ou de communes reconnus comme foyers de la pandémie. Il est préférable de cibler et de confiner les clusters que de confiner toute une wilaya ou de confiner tout le pays.

Le taux de mortalité reste plus au moins stable

Il est préférable d’avoir un taux de mortalité bas. Et un décès est toujours un décès, c’est regrettable. Mais, nous ne sommes pas aux taux catastrophiques constatés en Italie, en France ou d’autres pays. A moins de 10 décès par jour, ce taux reste maîtrisable. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation comme les traitements préconisés et la prise en charge. Au début, lorsque les malades étaient sans traitements, ils terminaient la semaine en réanimation ou décédaient. La prise en charge médicale et sa précocité sont pour quelque chose concernant la faiblesse du taux de mortalité. Certains évoquent les facteurs climatiques ou humains, tout cela doit être prouvés scientifiquement. Idem pour la baisse de virulence du virus. L’hydroxychloroquine a donné des résultats. Le taux de guérison est très appréciable. Cela reflète le taux de mortalité. Je suis pragmatique et je parle de ce que je vois sur le terrain. L’état de santé des malades s’améliore après le suivi de tout le protocole thérapeutique.

On a souvent posé cette question. Quelle est le meilleur moyen de se protéger de la Covid 19 ?

Il y a trois moyens : la distanciation physique, le lavage fréquent des mains et le port du masque. C’est ce que je dis aux gens qui viennent chez moi pour consultation. Il ne faut pas trop en faire ou entrer dans la psychose. Les gens se mettent à deux mètres de moi, portent le masque et me parlent le plus normalement du monde. J’ai à portée de main le gel hydroalcoolique. Je touche le stylo, je le rince après avec de l’alcool. Et quand, j’ouvre la porte en touchant le poignet, je lave mes mains, etc. Et j’évite de toucher la bouche et le nez. Ces gestes barrière sont simples, doivent devenir un réflexe.

Quel est l’état du personnel de santé à Blida Après quatre mois de lutte contre la maladie?

Le personnel médical, paramédical et de soutien est fatigué, mais continue à travailler. Il n’y a pratiquement plus de congés. Les gens ont sacrifié leur vie ordinaire pour se consacrer à la prise en charge des malades. Ce n’est pas une fatigue extrême, les gens se ressourcent un petit peu. Il ya de l’épuisement psychologique mais le moral n’est pas à plat. Je comprend que les personnels de santé sont quelque peu désorientés dans les wilayas où la pandémie vient d’émerger. A Blida, nous avons acquis une certaine expérience professionnelle dans la prise en charge de la maladie même si nous étions déroutés lors de la découverte des premiers cas positifs. Avec le temps, on s’est familiarisé avec la pandémie sur le plan de la protection et de l’organisation du travail. On a eu 35 cas confirmés parmi le personnel médical, paramédical et de soutien au niveau de l’EPH Blida. Les malades ont pris leur précaution et un traitement, se sont confinés et ont même repris le travail après guérison comme des soldats blessés qui reviennent sur les champs de bataille une fois rétablis. Ils n’ont pas renoncé à la lutte.

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