Pour le virologue Hakim Djaballah, la réponse à la pandémie doit être politique !

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Pour le virologue Hakim Djabalah : La réponse à la pandémie doit être politique !
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Dans cet entretien à 24H Algérie, le virologue algérien installé aux États-Unis d’Amérique, Hakim Djaballah insiste sur la nécessité de donner des réponses politiques à la pandémie de la covid 19, et ce, à travers la mise en place d’une stratégie cohérente. Il évoque en outre, son expérience diasporique de soutien à l’Algérie au sein du groupe «we algerians». Actuellement expert auprès de plusieurs États dont la Corée du Sud, la Macédoine, la Roumanie et le Qatar, il s’appuie sur ses expériences, notamment dans la gestion de l’institut Pasteur en Corée du Sud pour formuler quelques orientations et conseils.

24H Algérie : Quels enseignements avez-vous donc tiré de ces différentes expériences liées à la gestion des pandémies ?

Hakim Djaballah : Lorsque j’étais président de l’institut Pasteur en Corée du sud, j’avais encadré plusieurs travaux de terrain sur les pandémies chroniques telle que la dengue. La gestion de cette crise par les militaires a donné lieu à une catastrophe. Car ce n’était pas aux militaires d’assurer cette gestion. Ils ont eu des pertes économiques énormes à cause des décisions qui ont été prises. C’était très intéressant à observer. Ensuite, l’assemblée coréenne a fait une enquête qui a duré quelques mois, et dont les recommandations ont beaucoup servi aujourd’hui. Les Coréens ont beaucoup appris de cette épidémie qu’ils ont intégrée dans la gestion de cette pandémie de la covid 19. C’est pour cela que le monde était impressionné par la performance coréenne durant cette pandémie.

Quels sont, selon vous, les défis que posent la gestion de la pandémie en Algérie ?

La chose la plus difficile, c’est de trouver la source des cas pour les isoler. Il faut les isoler dans des lieux précis. C’est pour cela que je pense qu’il faut se concentrer sur la stratégie pour agir sur le terrain. Dans cette stratégie, nous devons intégrer le port de masque et le dépistage. Avec le groupe we algerians, nous avons travaillé dans cette direction. On ne pourra pas s’en sortir sans le dépistage. Nous avons beaucoup de capacités à mobiliser, une jeunesse impressionnante.

Quelles sont les actions conduites par le groupe « we algerians »?

J’ai intégré le groupe après avoir donné une interview à un média Sud-Coréen. Je pensais que je m’adressais aux Coréens et finalement des Algériens ont suivi cette interview et m’ont contacté pour adhérer à ce groupe pour agir avec l’Algérie. J’ai été impressionné, car je n’avais jamais vu un groupe de bénévoles aussi bien organisé. Ils ont plusieurs cellules et j’ai intégré la cellule médicale. Ils sont actifs à travers plusieurs pays. Ils ont rassemblé des dons qu’ils ont acheminé vers l’Algérie. Par ailleurs, nous avons refusé l’aide des ONG à qui nous avons clairement signifié que l’Algérie, depuis l’indépendance, n’a jamais accepté l’aide des ONG.

Nous avons alors rédigé une feuille de route, après un sondage sur les capacités humaines et techniques et les installations entre secteurs privé et secteur public. Nous avons été étonnés des capacités de l’Algérie, de ce que les gens sont prêt à faire pour faire sortir l’Algérie de cette crise. Nous avons par la suite travaillé directement avec le Professeur Belhocine Mohamed.

Quelle a été la réaction des responsables du secteur à votre initiative ?

Je voudrais d’abord signaler l’absence de la prise en compte de la dimension sociologique dans la gestion de la crise en Algérie. Avec l’été qui s’installe, c’est impossible de faire des enquêtes épidémiologiques et de dire aux gens de se confiner chez eux. Ils ont ignoré tout cet aspect-là. Nos épidémiologues le savent, mais ils sont marginalisés par une administration qui n’a pas changé, qui a toujours les mêmes têtes qui refusent de partir en retraite. J’étais choqué aussi de constater que beaucoup de décisions qui ont été prises n’ont pas été exécutées. Par exemple, les décisions dures qui ont été prise de fermer les frontières n’ont pas été suivies d’actions fortes. Ensuite, on se demande quel est le rôle de cette commission scientifique qui n’a rien fait depuis le début. Ils n’ont aucune idée de comment gérer une pandémie.

Comment voyez-vous la gestion du dépistage en Algérie ?

Je ne comprends pas comment dans un pays si riche de tout point de vue comme l’Algérie, on donne le monopole du dépistage à l’institut Paster qui n’est même pas à la hauteur d’assurer ses missions. Le Cambodge fait mieux en termes de dépistage que l’Algérie. Et quand ils ont décidé d’élargir, l’institut pasteur s’impose pour donner les agréments à d’autres laboratoires pour faire un simple dépistage. Je considère que nous avons fait notre travail et nous attendons la réaction des responsables du secteur. Le tsunami devient réel, voilà pourquoi la gestion de la crise doit se faire sur le terrain en identifiant les cas infectés et les isoler.

Vous dites qu’il faut aller sur le terrain, quelles sont les propositions que vous préconisez ?

Nous avons réfléchi avec le Professeur Belhocine à créer une application avec une cartographie interactive de l’épidémie en Algérie, pour avoir des données sur chaque wilaya, daira, commune, quartier. Une fois qu’on aura ces informations on pourra définir les points chauds en Algérie.

Quelles sont les institutions qui, selon vous, seraient à même de conduire ces actions sur le terrain ?

Nous avons l’institut national de santé publique, les directions de santé au niveau des wilaya, des virologues à travers les wilayas, avec une armée de bénévoles faite d’étudiants qui vont aller dans les points chauds et faire toutes les enquêtes auprès des patients. Il faudra ensuite isoler les personnes infectées et non pas les confiner chez elles, les mettre dans les hôtels, les cités universitaires, les salles de sport, comme ça été fait partout dans le monde. Nous devons régler ce problème de dépistage, qui a été faussé par l’institut pasteur, sinon, on ne saura jamais qui est infecté de qui ne l’est pas. D’ailleurs, nous savons bien que les chiffres avancés ne représentent pas la réalité des infections.

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