Récit d’une exécution à Tazoult: “je suis pauvre, c’est pour cela que vous me tuez!”

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Récit d’une exécution à Tazoult: « je suis pauvre, c’est pour cela que vous me tuez! »
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En 2016, la ligue des droits de l’homme a organisé une conférence de presse à l’occasion de la journée mondiale contre la peine de mort au cours de laquelle Maître Said Ben Mokhtar, avocat et défenseurs des droits de l’Homme, a fait le récit d’une exécution à laquelle il a assisté, à Tazoult (Batna).

L’avocat qui a assisté à cinq exécutions, avait expliqué que lorsqu’une exécution est programmée, la présence de l’avocat du détenu est obligatoire. Sauf que les avocats refusaient le plus souvent d’y assister – allant jusqu’à affirmer être hospitalisés- en raison des liens tissés avec les clients.

“Les cinq exécutions auxquelles j’ai assisté étaient des remplacements. À chaque fois, je recevais un courrier à mon domicile avec mention confidentielle. Ce courrier venait du bâtonnier qui me désignait comme remplaçant» a-t-il indiqué.

Ce défenseur des droits de l’homme a fait un récit poignant d’une exécution en 1980. En arrivant à minuit à la prison de Tazoult, il est conduit dans une salle où sont présents les membres du comité chargé d’assister à l’exécution. Celui-ci est constitué du procureur de la République près de la Cour de Batna du président du tribunal criminel qui a prononcé la sentence, d’un magistrat qui doit recueillir les dernières volontés du condamné, du médecin chargé de rédiger l’acte de décès, du chef du peloton d’exécution et d’un imam.

“Pour ramener le condamné du couloir de la mort, à cette heure tardive de la nuit, on l’a informé qu’il allait être transféré dans une autre prison. Le but était de ne pas choquer les autres détenus”, a-t-il fait savoir.

L’avocat poursuit: “le détenu rentre dans la salle. Il nous dévisage. La peur se dessinait sur ses traits. Après que le procureur ait confirmé son identité, il lui a froidement annoncé : vous êtes condamné à mort, le président de la République a suspendu la grâce et nous allons vous exécuter”. “Je suis pauvre, c’est pour cela que vous me tuez !”, a lancé le détenu, raconte Me Ben Mokhtar, assis à coté du médecin, qui rédigeait déjà l’acte de décès, laissant uniquement l’espace pour mentionner l’heure !

Une fois la “Chahada” prononcée, la procédure commence. Said Ben Mokhtar  explique qu’on retire au détenu les menottes de la prison pour lui placer les menottes du peloton d’exécution. Le chef du peloton signe ensuite le procès-verbal.

“Nous quittons la prison de Tazoult vers le lieu d’exécution, une clairière pas loin de la prison de Tazoult. Arrivé sur les lieux, le détenu a été ligoté à un poteau en bois, les yeux bandés. Les onze membres du peloton étaient en place. Dix fusils étaient posés par terre. Le moment ultime arrive : ils ouvrent le feu, plusieurs balles sont tirées. Et le coup de grâce est donnée par le chef du peloton dans la tête du condamné”. “C’était irréel” avait souligné Me Ben Mokhtar.

Pour Maitre Ben Mokhtar, c’est une épreuve d’une extrême violence. “Condamner le crime par un crime légalisé n’est pas une solution” avait souligné ce fervent militant pour l’abolition de la peine de mort.

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