Les partis démocrates stérilisés par leur illibéralisme

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Les partis qui se proclament démocrates n’exposent pas clairement leurs programmes. On ne peut contester qu’ils affichent des revendications démocratiques. Leur statut d’opposants au régime en place l’exige. Ils ont besoin d’élargir le champ de leurs interventions politiques et idéologiques. Que feront-ils une fois l’accès au pouvoir assuré ? Ils n’ont pas l’arrogance du FIS qui annonçait ouvertement en 1991 que sa victoire électorale aboutirait à la dictature religieuse.

Mais certains aspects de leurs prises de position peuvent semer le doute. Un des partis regroupés dans l’alliance de gauche PAD, expose clairement son projet « d’une société sans classes ». Cet objectif de nivellement par le bas de la société a provoqué des dizaines de millions de morts en Russie, en Chine, au Cambodge, en Corée du Nord et ailleurs. Dans le domaine économique, leur collectivisme n’est pas toujours ouvertement exprimé. Il transpire cependant dans la contestation des mesures économiques favorables à la relance de l’investissement. Ils se contentent de se prononcer pour une « économie productive ».

Laquelle ? Celle ruineuse expérimentée par les pays socialistes ou celle qui fait la croissance et la puissance des pays occidentaux ? Or la démocratie accomplie n’existe pas en dehors de l’économie de marché. Un simple regard sur la mappemonde permet de le constater. Certes, il n’existe pas de pays où l’économie est totalement soustraite à l’Etat. Mais le niveau de présence de l’Etat dans l’économie renseigne sur le niveau d’exercice des libertés et de la démocratie.

Moins d’Etat, plus de libertés. Ce qui caractérise les partis démocrates dans le domaine économique, c’est le flou. Leur rassemblement dans le PAD est une originalité algérienne. En effet, des partis se réclamant de la social-démocratie et des partis issus de la mouvance communiste, d’origines léniniste ou trotskyste, cohabitent. Ils réalisent ainsi l’exploit historique de réunir les deux grandes tendances du socialisme qui ont fait scission à partir des années 1920 sous l’influence du pouvoir soviétique victorieux en 1917.

D’un côté la social-démocratie qui reconnait la place de l’économie de marché malgré son adhésion à la politique de « redistribution des revenus ». De l’autre côté, les tendances communistes favorables à la propriété collective des moyens de production, à la planification centralisée et … à la dictature du prolétariat. Ce dernier objectif a disparu des programmes communistes mais il a laissé des vestiges dont on ne peut mesurer toute l’ampleur à l’avance. Une responsable de parti, membre du PAD, n’avait-elle pas appeler à faire passer en justice l’ancien ministre de l’Énergie pour avoir présenté un projet de loi sur les hydrocarbures jugé libéral.

Autrement dit, l’expression d’idées libérales est selon cette responsable, un délit voire un crime. Il n’était pas question à l’époque d’accusations de corruption ou d’ententes frauduleuses sur les marchés publics qui relèvent elles de la justice pénale.

Mais n’est-ce pas là un échantillon représentatif de la conception autoritaire voire totalitaire qui sommeille dans certains partis « démocrates » ? Un autre parti d’origine communiste, membre du PAD, cible le « national libéralisme ». Une nouvelle confusion pour s’opposer à la liberté économique. Les autres partis socialistes, le FFS et le RCD, membres aussi du PAD, ne font rien pour lever les confusions et équivoques inhérentes à cette alliance. D’où vient cet égarement ?

UNE CONCEPTION ATROPHIÉE DES DROITS DE L’HOMME

Historiquement, en Algérie, les droits de l’homme renvoient notamment à trois personnalités marquantes issues du mouvement de libération nationale. Elles ont pris fait et cause pour la défense des droits de l’homme : Ferhat Abbas, Hocine Ait Ahmed et Ali Yahia Abdenour. C’est certainement Ferhat Abbas qui représente le courant le plus près du libéralisme tel que défini par l’expérience européenne du 19ème siècle. Dans un contexte de montée des idées socialistes au cours du 20ème siècle, il a dû consentir des concessions à l’étatisme dominant tout en restant pour l’essentiel un libéral.

Ferhat Abbas n’était pas un socialiste. Il s’est opposé dès les premiers mois de l’Indépendante au pouvoir liberticide de Ben Bella. Il intégrait la liberté économique dans sa conception des droits de l’homme. Mais son influence s’est trouvée réduite par un manque de mouvement politique de soutien et par les privations de liberté dont il a fait l’objet tout au long de sa vie postindépendance. Les deux autres personnalités qui ont montré leur attachement aux droits de l’homme, Hocine Ait Ahmed et Ali Yahia Abdenour, étaient socialistes. Hocine Ait Ahmed est le fondateur du Front des Forces Socialistes (FFS).

Ce parti est membre de l’Internationale socialiste. Ali Yahia Abdenour était également au FFS avant de devenir ministre sous les présidences Ben Bella et Boumediene. Ils n’ont pas évolué de la même manière. Ali Yahia Abdenour ne cachait pas sa sympathie pour Cuba communiste. Son antilibéralisme était prononcé. À des degrés divers, Hocine Ait Ahmed et Ali Yahia Abdenour véhiculaient une conception des droits de l’homme marquée par l’absence du droit de propriété, l’absence de la liberté économique.

La prégnance des idées socialistes et de l’étatisme a favorisé la diffusion d’une conception atrophiée des droits de l’homme. Faut-il rappeler que l’article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée Générale des Nations-Unies en 1948 proclame : « 1. Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété. 2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ». De son côté, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 énonce dans son article 2 que les « droits naturels et imprescriptibles de l’homme… sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. ».

Enfin, nous devons à John Locke, philosophe anglais du 17ème siècle (1632-1704) et principal précurseur des droits de l’homme, le concept de propriété privée. Dans son célèbre ouvrage « Traité du gouvernement civil » (1690), il écrit notamment : « bien que la nature ait donné toutes choses en commun, l’homme néanmoins, étant le maître et le propriétaire de sa propre personne, de toutes ses actions, de tout son travail, a toujours en soi le grand fondement de la propriété ; ».

Il poursuit : « C’est pourquoi, la plus grande et la principale fin que se proposent les hommes, lorsqu’ils s’unissent en communauté et se soumettent à un gouvernement, c’est de conserver leurs propriétés. ». L’humanité a, au cours du 20ème siècle, expérimenté dans le socialisme, la négation de la propriété privée, le règne de la propriété collective. Elle a accédé, en conséquence, aux régimes les plus liberticides de son histoire. Elle a connu les pires répressions et sacrifices en vies humaines.

Dans le monde moderne, la propriété privée est la base des autres libertés fondamentales. C’est pourquoi, il est légitime de questionner tout partisan déclaré des droits de l’homme : Considère-t-il le droit de propriété comme un droit fondamental ? Toute réponse négative devrait inciter à faire preuve de la plus grande vigilance vis-à-vis des autres proclamations en faveur des libertés.

L’ECONOMIE, LE TALON D’ACHILLE DES DEMOCRATES

La réalité du paysage politique algérien montre que les partis qui se réclament démocrates sont pour la plupart socialistes. Les plus à gauche ont d’ailleurs rencontré quelques difficultés à comprendre le mouvement de la société civile en faveur des libertés individuelles. Ils n’ont raté aucune occasion de tenter d’introduire le « social » mais en vain.

Le Hirak avait clairement répondu inscrit dans une banderole : « Nos revendications ne sont pas sociales, elles sont politiques ». Mais au moment où le social réapparait avec la dégradation du pouvoir d’achat des citoyens et dans un contexte de reflux du mouvement de la société civile, les propositions économiques ne sont pas leur fort. L’éternel reproche fait à la gauche est d’oublier que pour répartir des richesses, il faut les créer et donc résoudre les problèmes économiques.

Cette défaillance persiste. Toujours sur la défensive, « défendre les acquis » mais sans s’inscrire dans le débat avec des propositions économiques pour des solutions durables aux problèmes sociaux. Aujourd’hui, les problèmes économiques se ramènent pour l’essentiel aux blocages dressés devant l’épargne et l’investissement.

La question de la libéralisation de l’économie est à l’ordre du jour. Développer l’industrie hors hydrocarbures nécessite de laisser libre cours à l’investissement privé national et étranger. L’Etat a montré son incompétence dans la gestion marquée par les faibles performances, le gaspillage et le défaut d’innovation. Il souffre en outre de faibles capacités d’investissement avec les fluctuations du cours du baril de pétrole.

L’avenir est donc à l’investissement privé. Le programme économique socialiste fait partie de l’histoire de l’Algérie. Les nationalisations des mines et de l’industrie, des banques et des assurances, des terres et du cheptel, du commerce extérieur et du commerce de gros ont produit une économie de la pénurie et de l’étouffement des libertés. Faut-il rappeler que la liberté de sortir du territoire national a été établie sous la présidence Chadli Bendjedid dans le début des années 1980.

Les partis de gauche attendent-ils le moment propice pour ressortir ces recettes qui ont fait la preuve de leur faillite ? Aujourd’hui, le pouvoir autoritaire contraint l’opposition à la défensive. La seule activité visible, c’est la tentative de rassemblement pour la libération des détenus d’opinion. C’est une revendication importante. Elle n’est cependant pas menée avec les prolongements offensifs sur la révision de la législation répressive. Sur le plan économique, la situation est critique.

Le gouvernement est seul pilote. Des tentatives timides de réformes vite bloquées par les « conditions de leur application ». À l’exemple du soutien des prix. Le pouvoir qui a eu un grand mal à neutraliser le Hirak ne veut pas d’un mouvement de mécontentement social. Le court terme l’emporte sur les solutions à long terme. Il est temps que les forces qui se réclament de la social-démocratie s’assument. Qu’elles se placent résolument en faveur de l’économie de marché. Qu’elles s’ouvrent à toutes les forces dans le pays qui souhaitent la libéralisation de l’économie.

L’économie informelle que l’on dénonce tant est la manifestation de la contestation de la législation et de la réglementation hostile au libre commerce et à la libre industrie. Les bureaucrates y voient des impôts en moins pour l’Etat. Ne faut-il pas y voir aussi un appel à la levée des entraves qui empêchent des citoyens d’exercer librement leur vocation et de gagner leur vie en toute autonomie ? Il est temps de se débarrasser de cet illibéralisme de mauvais aloi

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1 commentaire

  1. Peut on parler de partis démocrates dans cette Algérie atrophiée par un marasme dans sa propre structure economico-sociale. En effet le corps de l’Algérie est malade, pas seulement de ses dirigeants mais de toute sa composante humaine . Bien sûr que l’un ne va pas sans l’autre , lorsqu’on parle de l’absence de l’état il en résulte une société anachronique , restée bloquée dans une léthargie sans fin . Comme c’est cette société qui fait les partis en général , donc aucune vision du futur ne vient s’inscrire dans leurs demarches.
    Pour Parler de partis démocrates , il faudrait que cette anarchie sociétale cesse et laisse place à l’apaisement , à la communication entre tous les algériens.
    Le dialogue entre toutes les franges fut un concept lancé par feu Hocine Ait Ahmed -Allah irrahmou- , un concept qui s’est évanoui après le départ de son géniteur.
    Hocine Ait Ahmed, Mehri , Ali Yahia , et tant d’autres VRAIS DÉMOCRATES ,sont partis en laissant un terrain de la politique miné par des egos.

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