Madjid Messaoudene, administrateur du GIE Monétique: “Nous sommes convaincus que le paiement mobile va généraliser le paiement électronique”

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Madjid Messaoudene, administrateur du Groupement d’Intérêt économique (GIE) et monétique, revient dans cet entretien sur les derniers chiffres sur le paiement électronique. Tout en exprimant son optimiste, il souligne l’importance d’accompagner le “boom” du nombre des opérations enregistré durant les premiers mois de 2020. M. Messaouedene revient également sur les chantiers du GIE, notamment la promotion du paiement électronique et le paiement mobile.

1 – Le GIE Monétique a récemment dévoilé des chiffres détaillés sur le paiement électronique en Algérie. Quelle est votre appréciation ?

Le plus important est que le citoyen se dirige désormais vers le paiement en ligne. Nous constatons chaque jour de nouveaux utilisateurs qui font une première opération puis, après une expérience satisfaisante, adoptent cette méthode de paiement. Nous estimons que c’est positif lorsque nous avons quotidiennement de nouveaux utilisateurs. 

La crise sanitaire liée à la COVID-19 a beaucoup contribué à ce domaine-là. Nous avons réalisé en avril ou mai 2020 le double des résultats de toute l’année 2019. Le nombre des utilisateurs a justement continué à grimper durant le mois de mai.

Il faut désormais suivre et accompagner cette lancée. Premièrement, en levant les contraintes. Cela en réagissant vite aux réclamations portant sur des couacs ou des bugs. Deuxièmement, il faut aussi intensifier la communication et la sensibilisation. Par exemple, depuis janvier, nous avons réalisé l’interopérabilité entre la carte Edahabia d’Algérie Poste et les distributeurs CIB. Cette nouvelle ne semble pas suffisamment assimilée par les clients d’Algérie Poste. Il suffit de voir les chaînes humaines autour des distributeurs de la Poste tandis que DAB des banques adjacentes restent inoccupés. Pourtant, c’est la même tarification et les clients n’ont aucune raison de favoriser particulièrement les DAB des agences de la Poste. 

D’ailleurs, c’est justement cette interopérabilité qui a enregistré un flux important des opérations de paiement en ligne.  

Troisièmement, nous accompagons cette lancée par le déploiement progressif de TPE. Nous sommes actuellement à 30.000 TPE installés sur le marché. Nous avons un stock prêt à l’installation. La crise sanitaire a freiné cette procédure. D’autres sont en cours de livraison.

Nous avons inversé la tendance. Nous avions peu de TPE pour peu de détenteurs de cartes. Maintenant, les citoyens demandent la carte CIB ou Edahabia et font même pression sur les banques, à se référer aux réclamations que nous recevons. Quand vous avez un nombre important de détenteurs de cartes CIB, le nombre des utilisateurs des TPE va augmenter systématiquement.

2 – Est-ce la courbe, le boom enregistré durant les mois de mars et avril s’est stabilisé durant le mois de mai et juin ?

Le nombre de transactions de paiement en ligne a continué à grimper durant le mois de mai. Il a atteint 420957 opérations. La courbe a poursuivi sa hausse pour trois raisons. Premièrement, un utilisateur satisfait de sa première expérience n’a pas de raison de revenir vers le paiement cash. Deuxièmement, nous intégrons aussi au fur et à mesure de nouveaux sites webmarchands, qui sont actuellement 47, de quoi élargir les produits et services proposés. Durant le confinement, les internautes se sont d’ailleurs procurés des produits alimentaires ou sanitaires en ligne Troisièmement, nous avons de nouveaux porteurs de cartes. 

Les utilisateurs ayant déjà exprimé l’e-paiement vont continuer à l’utiliser. Ils ne vont pas revenir au cash. C’est un confort. Quand ils effectuent leurs paiements chez eux, dans leurs bureaux pour acheter un produit ou recharger un abonnement, ils ne repartiront pas se mettre debout dans une chaine. 

Certains webmarchands ont été ralentis par cette crise, comme les compagnies de transport, les ventes de billets pour Air Algérie ou la STNF par exemple. Cette baisse a ainsi été compensée par la hausse des utilisateurs dans les autres secteurs, notamment celui des télécoms. 

3 – Vous venez de nous apprendre que la SATIM englobe actuellement 47 webmarchands. Pourquoi le nombre de ces opérateurs peine à avancer ? Avez-vous émis des refus à des demandes de certification ?

Nous recevons en moyenne une dizaine de demandes de certification par mois. Le processus commence par une demande auprès de la banque du commerçant. La première étape est de se faire certifier le site web pour y intégrer une couche de paiement. Ce processus est lent. D’autres webmarchands ont déjà été certifiés mais ne se sont pas encore mis en production. 

Le nombre des webmarchands est appelé à grimper, et vite. Depuis 2 ou 3 mois, Nous avons fait une action auprès des banques pour prospecter, en interne, de nouveaux commerçants. 

Le nombre des webmarchands est aussi freiné par les commerçants récalcitrants, qui ne souhaitent pas digitaliser leurs activités. Mais nous espérons les convaincre grâce aux marketplaces. Lorsque ces places de marchés seront en ligne, d’autres commerçants s’y mettront aussi et intégreront leurs e-boutiques avec le paiement en ligne.

Nous n’avons pas enregistré des refus. Certains sites n’étaient pas conformes mais ceci n’entraîne pas le rejet de leurs demandes. Ils ont juste été invités à corriger les bugs ou les résultats négatifs des tests de certifications. 

4 – Vous avez, fin 2019, expliqué dans une déclaration à l’APS que le nombre de webmarchands stagne en raison du manque d’offre d’hébergement local en Algérie. Pensez-vous que c’est toujours un obstacle ? Est-ce que l’Algérie a besoin de nouveaux hébergeurs ?

Lorsque nous certifions un webmarchand, nous le suivons aussi et certains se plaignent de la qualité du service d’hébergement. Du moins, selon les réclamations qui nous sont transférées.

Un webmarchand exige une qualité de service conforme aux standards internationaux. Par exemple, ailleurs, les clients bénéficient d’une SLA (Service Level Agreements, un contrat entre un client et l’hébergeur, NDLR) avec l’hébergement. Ils bénéficient de conditions de disponibilité de leurs sites web. Cette offre n’est pas encore mature en Algérie. Certains webmarchands vous disent que si leur site s’arrête à 10H du soir, qu’ils appellent pour régler le problème, ils trouveront personnes. 

Ces offres viennent avec le développement. L’hébergeur ne peut pas investir dans des ressources  sans demande palpable. Par contre, il sera obligé de mettre les ressources humaines et techniques derrière lorsque la demande atteint plus de maturité

Dans le secteur des TIC, c’est l’offre qui anticipe la demande. Nous nous dirigeons, dans tous les cas, vers le commerce électronique. Peut-être enn 2020 ou en 2025. La question, c’est quand. Nous pouvons l’avoir en 6 mois s’il y a une offre qui peut convaincre les gens de s’intégrer. Sans offre, la demande est freinée, voire découragée. L’offre doit prendre conscience que nous irons, dans tous les cas, vers le commerce électronique et doit s’adapter à l’exigence de la demande.

5 – Beaucoup de sites webmarchands n’intègrent pas l’extension “.com.dz” ou ne sont pas hébergés en Algérie …

L’extension “.com.dz” n’est pas exigée pour le paiement. Nous exigeons, pour ajouter une couche de paiement et lui permettre de faire des paiements en ligne, un registre de commerce avec le code d’activité “e-fournisseur”. Ce n’est pas le rôle du GIE Monétique de s’assurer de l’ajout l’extension .com.dz. à l’adresse web du webmarchand. 

6 – Où en est le Groupement dans la promotion du paiement électronique ? 

Nous souhaitons faire accompagner le boom enregistré ces derniers mois parce que nous nous attendons à une demande de développement de l’écosystème. Nous voulons accompagner ce développement par des startups algériennes, qui ont un esprit d’innovation, par des solutions innovantes.

Notre écosystème est un embryon. Les startups ont beaucoup à développer. Beaucoup de valeurs ajoutées. Notre marché est encore très fertile pour les startups. Ce que nous cherchons, c’est de leur fournir le socle, c’est-à-dire l’e-paiement. Leur innovation apportera sur cette base des solutions propres à l’Algérie, à notre culture, nos clients. 

Nous avons déjà fait une opération en 2019 à l’ANPT, où nous avons réuni des startups référencées. Charge à nous de les écouter et de leur expliquer les opportunités et les pistes d’innovations. 

Notre objectif d’ici 3 à 4 mois est de dématérialisé la procédure de certification. Lorsqu’une société veut devenir webmarchand, elle n’a pas à se présenter à aucune administration, ni agence bancaire. 

7 – Plusieurs professionnels du domaine soulignent l’importance des banques dans la promotion du paiement en ligne. Ils estiment que le décollage du paiement en ligne dépend, en premier lieu, de la bancarisation de l’argent informel. D’autres estiment plutôt que les banques proposent peu d’offres incitatives pour encourager les Algériens à abandonner le cash au profit des cartes CIB. Partagez-vous leur opinion ?

Nous sommes en train de travailler sur le problème de l’argent informel. Nous dévoilerons notre projet d’ici quelques mois. 

8 – D’autres font aussi savoir que les banques accusent un retard en matière d’infrastructures …

Avant de s’engager dans un paiement en ligne généralisé, il faut préparer le socle. Ce socle, premièrement, se compose de la confiance du client. Nous devons rétablir cette confiance en réagissant vite à ses réclamations et doléances.

En matière de sécurité. Nous avons demandé à ce que toutes les banques d’Algérie soient, au minimum, au standard internationaux PCI-DSS. Un programme pour cette mise à niveau en plus d’autres normes, qui peut prendre 2 ou 3 années. 

Ce n’est pas uniquement de la technique, mais aussi de la formation, de la culture et du management. 

Le troisième axe est la lutte anti-fraude pour rassurer le client. Nous avons recours à des systèmes très évolués. Maintenant, nous formons des équipes. Mais, vous ne pouvez pas généraliser, avoir des millions de transactions par mois, sans sécurité, une lutte anti-fraude et de la confiance chez le client. La technologie, ne représente en réalité que 20% du processus.

10 – La SATIM a lancé un appel d’offres pour l’acquisition d’une solution de paiement mobile. Pensez-vous qu’il est tôt ou, au contraire, le paiement mobile est un saut technologique qui va accélérer la généralisation du paiement électronique ? 

Personnellement, je suis convaincu. En analysant les données macro-économiques, nous constatons que nous sommes un pays qui a 46 millions d’abonnés à Internet. Annuellement, plus de 95% des téléphones qui s’achètent sont des smartphones. Vous avez une population portée sur le numérique, à se référer aux nombres d’utilisateurs des réseaux sociaux par exemple. C’est un terrain fertile pour le mobile. 

Sur un autre registre, ce qui a freiné la généralisation de l’usage du TPE par exemple, c’était la cherté du TPE. Au lieu de s’équiper à 50.000 Da, autant utiliser son smartphone. Ce qui ont jugé que le TPE et les frais inclus revenaient cher, avec le mobile, ils vont sûrement foncer car il suffit de présenter son smartphone. Même le commerçant qui a déjà installé un TPE peut se faire payer avec le mobile. 

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