Faut-il mettre fin au moratoire sur la peine de mort? Des pour et des contre

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Prison Algérie
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La journée internationale contre l’application de la peine de mort, célébré chaque année le 10 octobre, se télescope cette année, avec l’émotion suscitée par le viol suivie de l’assassinat de la jeune Chaïma: les partisans de l’application de la peine de mort sont montés au créneau en invoquant pêle-mêle des arguments religieux ou le caractère dissuasif de la peine.

Les adversaires de la peine, outre la position de principe contre la loi du talion, contestent le fait qu’elle soit dissuasive et ils citent à cet effet des exemples de pays où l’application systématique de la peine capitale ne se traduit pas par une baisse de la criminalité.

En Algérie, le débat porte sur « l’application » de la peine de mort. Celle-ci existe toujours dans la loi et les juges continuent de la prononcer mais ces jugements ne sont appliqués depuis qu’un moratoire a été décidé en 1993. L’Algérie fait partie des 142 pays où la peine de mort n’est pas exécutée. Mais, du point du droit, si le moratoire décidé par les autorités est levé, tous les condamnés à mort (500 en 2017 selon les chiffres d’Amnesty Algérie) risquent d’être exécutés. Le moratoire constitue une « avancée » pour Hassina Oussedik, directrice d’Amnesty International Algérie qui a mené des campagnes pour l’abolition de la peine de mort dans la législation nationale.   

« Nous avons de la chance de ne plus avoir d’exécutions depuis 1993. L’Algérie a toujours joué un rôle moteur au niveau international pour ce moratoire. On constate ces dernières années qu’il y a de moins en moins de magistrats qui condamnent à mort. Je crois que l’Algérie est dans la grande tendance contre la peine de mort » souligne Hassina Oussedik, en estimant qu’il continuer et aller vers son abolition juridique.  

Amnesty International Algérie, rappelle-t-elle ? est contre l’application de la peine capitale en toutes circonstances et quel que soit le crime.  «Les gens optent pour cette sanction extrême car ils pensent qu’elle assure leur sécurité.  C’est faux, les pays qui exécutent le plus sont l’Iran et l’Arabie Saoudite, alors que ces exécutions publiques n’ont pas fait reculer la criminalité.

Concernant les appels à l’annulation du moratoire, Hassina Oussedik met en garde : « si l’on commence à ouvrir les brèches, il pourrait avoir des innocents qui peuvent être exécutés et on ne pourra pas revenir en arrière ». Elle souligne qu’il est de la responsabilité de l’Etat de faire comprendre à l’opinion publique que la peine de mort ne diminue pas la criminalité. « Le désir de vengeance est un sentiment humain qu’on peut exprimer. Mais le politique ne peut pas prendre de décision sous le coup de l’émotionnel. Ces familles qui ont perdu un être cher et qui sont dans une grande douleur ont droit à la justice. Mais la justice ce n’est pas la peine de mort ».

Le bâtonnier de Médéa, Bachir Menad, dans une déclaration au journal arabophone El-Khabar se dit pour le retour à l’application de la peine de mort suspendue pendant plus de 27 ans. Selon lui, cela ne devrait pas faire débat car il s’agit d’une « demande populaire » et qu’elle est mentionnée dans le Coran. Mais, nuance-t-il, cette sanction ne doit être prononcée qu’à la suite d’enquêtes approfondies et des procès équitables.

“50% des peines de mort prononcées ne sont pas justes!”

Bachir Menad propose la mise en place d’un comité d’experts constitués notamment de juristes qui seraient chargés de réexaminer les peines de mort prononcées à ce jour. Ce comité aurait également pour mission « d’émettre un avis (fatwa) avant d’arriver à l’application de la peine de mort ». Cette commission est censée être un garde-fou pour éviter les erreurs judiciaires car, révèle-t-il, « 50% des peines de mort prononcées dans les différents tribunaux de la république ne sont pas justes ». « Je suis sur le terrain et je suis conscient de ce que je dis… » en présentant la mise en place de cette commission de «fatwa » comme un moyen d’enlever un argument aux adversaires de la peine de mort !

Au sein de l’opinion, et contrairement à l’effet « émotion » des réseaux sociaux, les avis sont très partagés. Certains estiment qu’il s’agit d’une peine proportionnelle à la cruauté du crime, d’autres s’abstiennent de donner un avis et se posent des questions sur la bonne conduite des enquêtes, le droit de l’accusé à être défendu voire la santé mentale du « criminel ».

« J’ai fait mon stage dans une pharmacie, et j’ai vu beaucoup de consommateur de psychotropes » dit une étudiante en pharmacie. « Je voyais des jeunes à peine la vingtaine, complètement drogués d’autres aux comportements très agressifs. Je me demande de quoi ils seraient capables dans un tel état et s’ils sont vraiment conscients de leurs actes ».

Pour Rafik Ali-Bachir, résident en 3ème année en psychiatrie en France, toutes les pathologies psychiatriques peuvent mener vers l’agitation et l’agressivité voire la violence.  Il explique que ceux qu’on appelle dans la société, en langage courant « racaille ou mafia » sont en réalité des personnalités antisociales ou des psychopathes. Pour ce médecin, ces personnes ont dans la majorité des cas des antécédents carcéraux ou juridiques lourds. La plupart ont commis des crimes et sont forcément passé par la prison.

«Il faut savoir que ceux qui souffrent de troubles mentaux sont irresponsables de leurs actes médico- légaux et donc dans le cas où ils commettent un crime, ils ne passeront pas par la prison mais seront expertisés et jugé irresponsable et seront placés en une unité psychiatrique. Mais quand un psychopathe passe à l’acte, le discernement est positif et il est donc responsable et il sera jugé et placé en détention ».

Au-delà des « pour » et des « contre », le sujet est trop complexe pour que des réponses simplistes lui soit apportées.

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