M’hamed Issiakhem raconté par sa petite cousine Djamilia
M’hamed Issiakhem raconté par sa petite cousine Djamilia
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“Ah, le fou!”. C’est ce que Djamilia Kabla Issiakhem a répondu, spontanément, lorsqu’on lui a demandé à l’école si elle connaissait l’artiste peintre M’hamed Issiakhem. L’artiste, son cousin, en sera informé et il débarquera, quelques jours plus tard chez elle, à la recherche de Djamila “pour lui montrer comment vit un fou”.

L’adolescente du lycée “Fromentin” a aujourd’hui 67 ans et elle se souvient encore de cet incident qui sera le début d’une belle histoire avec l’artiste. Car depuis ce moment, elle s’est mise à passer les étés avec son “tonton”, dans sa demeure à Trouville à Oran. Et elle a appris à le connaître, l’artiste.

Djamila est toujours cette “fillette” comme l’appelait affectueusement M’hamed Issiakhem. À la simple évocation de son nom, elle est prise au piège des émotions. Les larmes aux yeux, elle confie que  M’hamed avec sa compagne Pouchkina, à l’époque était une seconde famille pour elle.

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M’Hamed Issiakhem rendait souvent visite à sa famille dans leur maison au Clos Salembier, d’ailleurs c’est au cours de ces visites qu’il a rencontré le peintre Moussa Bourdine, voisin proche de la famille de Djamila. M’Hamed Issiakhem entretenait de bonnes relations avec le père de Djamila, elle explique qu’il avait beaucoup d’égards pour cette partie de la famille.

“Dans la famille des Issiakhem il y avait un écart dans le milieu social. Si M’hamed a grandi dans un milieu aisé. Son père est l’un des fondateurs de la ville de Relizane, il a financé de nombreuses zaouïas et medersas et a aussi donné des fonds pour la révolution algérienne. Mon père, cousin de M’hamed, représentait l’autre partie de la famille qui était modeste”.

Elle le voyait donc venir à la maison pendant les fêtes religieuses et en d’autres occasions. Un jour, Il débarque chez elle dans tous ses états. La distinction peu favorable qu’elle lui a attribuée, ne passera pas. Il décide de l’emmener avec lui dans sa maison à Oran pour lui montrer la vie qu’il menait.

Djamila va vivre  plusieurs étés avec M’hamed et Pouchkina, et noue une relation privilégiée  avec celle-ci. Djamila raconte que Pouchkina était la compagne et le soutien de la première heure. M’Hamed l’a connue en France quand il était étudiant à l’école des beaux-arts. De cette union de 20 ans est née une fille, Katia de la même génération que Djamila. Pouchkina était  également proche de ses amis, notamment  Kateb Yacine , Ali Zaamoum, Mohand Zinet et Said Ziad qu’elle a connus intensément.

“C’était ma seconde famille. Moi qui avais plusieurs frères et sœurs,  avec M’hamed et Pouchkina, j’étais l’enfant unique. J’étais gâtée, choyée, M’hamed me déclamait de la poésie avant de dormir et me  préparait mes tartines tous les matins au petit déjeuner durant mes vacances”, se souvient-elle.

Pour Djamila la vie que le couple menait était “organisée et sereine”.  M’hamed était un homme paisible durant cette période estivale.  Il passait l’été entre Alger et Oran dans la maison de Ain Benian et Trouville à Oran. La maison d’Oran avait été accordée à l’artiste par les autorités de l’époque. Elle avait un chalet attenant qui servait d’atelier, avec accès direct  sur la plage.

La journée de  M’hamed Issiakhem et Pouchkina commençait tôt le matin. L’artiste allait acheter les journaux et le poisson qu’il cuisinait souvent lui-même. Il aimait aussi être entouré et  recevait des personnes de tous bords : journalistes, réalisateurs, écrivains, hommes politiques…etc. Les discussions “enflammées” de ces intellectuels animaient ces soirées d’été du couple Issiakhem, détaille Djamila.

M’hamed Issiakhem un homme alerte

“Il est difficile de décrire M’hamed Issiakhem parce que il était complexe. Kateb Yacine avait raison quand il l’appelait “œil de lynx”, c’était un homme alerte, il remarquait tout ce qui l’entourait. Il avait aussi beaucoup d’aura ce qui lui donnait de la prestance. Il était impressionnant”, décrit Djamila Kabla.

Djamila se dit navrée qu’on le qualifie souvent d’“écorché vif”. Pour elle, on  cloisonne, souvent,  le personnage dans les drames de sa vie, et on omet beaucoup d’aspects de sa personnalité qui faisaient la grandeur de son âme.

“Il était affectueux, attentionné, et surtout modeste et généreux. Il était conscient du génie qui l’habitait mais ne le laissait jamais prendre le dessus, ni influencer ses rapports avec les gens. Ses toiles, il les a semées partout.  Il en offrait à tous sans hésiter”, se souvient-elle.

Un fait révèle un peu le rapport qu’avait M’hameI Issiakhem avec son art. Un jour, très tôt le matin, il réveille Pouchkina en catastrophe et lui demande de prendre Djamila et de descendre à la plage. Les deux femmes s’exécutent sans discuter. La raison : l’artiste a une bouffée d’inspiration.

Ce n’est qu’en fin de journée qu’il vient les chercher. Harassées,  elles s’empressent de rejoindre la maison. Et c’est là que ça devient intéressant. Pour accéder à la demeure il fallait passer  par l’atelier. Furtivement, Djamila pose le regard sur la toile fraîchement peinte. “Elle était tellement puissante que j’ai sursauté à sa vue. Si ma mémoire ne me trompe pas c’était le Deuil ou les Réfugiées”.

Sa réaction n’est pas passée inaperçue. Le lendemain M’hamed demande à Djamila de l’accompagner dans le jardin où elle découvre la toile apposée sur un chevalet face au soleil et il lui dit : “Il parait qu’elle avait froid hier, je l’ai mise au soleil pour qu’elle se réchauffe”.

“C’est dire à quel point il remarquait tout et surtout l’importance qu’il accordait à son travail. J’étais une enfant, et ne connaissais pas grand-chose à l’art, et pourtant ma réaction l’a interpellé”, précise Djamila.

Durant ces années passées avec M’hamed et Pouchkina, la “fillette”, était souvent embarquée dans les aventures de son cousin. Elle se souvient particulièrement de ce voyage en fin de  juillet 1967 d’Alger à la palmeraie de Taghit. Une expédition qui mène Djamila, sa sœur, Pouchkina, M’hamed et son neveu Tarik au volant aujourd’hui’ hui, dans un long périple.

“Je peux dire également que j’ai appris l’endurance avec M’hamed. J’ai fait le trajet de cette longue route vers le sud du pays dans la malle d’une voiture qui ressemblait à une Simca et qui avait donc une vitre comme une 4L . Et lorsque je me plaignais car je voyais la route à l’envers M’hamed trouvait le moyen de me répondre de manière philosophique. Il me disait : “tu es exactement au bon endroit, comme ça tu pourras remettre le monde dans le bon sens”, se souvient-elle.

Le quotidien de cet artiste aux multiples facettes est interminable. Chacune des histoires racontées par Djamila révèle un aspect de sa personnalité aussi colorée qu’une palette de peinture.

Un nouveau chapitre

Djamila se souvient particulièrement de l’été 71 dans la maison de Bainem. L’été de la rupture : celle de M’hamed et Pouchkina mais aussi celle de M’hamed et Djamila. Une période qui marque la jeune fille à jamais.Une page de l’histoire de M’hamed venait de se tourner, et  une nouvelle s’ouvre, elle s’appelle Nadia.

“J’ai été le témoin direct de la nouvelle vie de M’Hamed, puisque j’ai eu  l’immense honneur de recevoir Nadia à Bainem. M’hamed m’avait fait venir expressément à Bainem, pour l’accueillir. Nous étions camarades au lycée. Le couple a eu deux garçons et je suis la marraine de l’aîné. D’autres amis et parents sont venus occuper le quotidien de l’artiste mais c’était sans moi. Je gardais cette amitié juvénile avec Nadia tout au long de cette période mais pas avec M’hamed”, confie Djamila.

Deux décennies après le décès de M’hamed, Djamila n’est pas tranquille. Elle est agitée par ce devoir non accompli envers son cousin : celui de restituer sa mémoire.  Elle entame alors un nouveau chapitre dans cette histoire passionnante. Djamila décide de reprendre le contact  avec Nadia par le biais de son frère Fayçal qu’elle a rencontré lors d’une soirée. “En reprenant contact avec Nadia, installée en France avec ses enfants Nono et Younes,  je lui demande de m’épauler afin d’accomplir une mission ardue, celle de reprendre l’œuvre et le parcours de M’Hamed pour montrer aux jeunes générations ce que cet immense artiste a donné à l’Algérie : une œuvre majeure”.

Avec conviction certaine et une confiance totale, Nadia s’engage avec Djamila dans ce “combat”. Ensemble elles commencent dès 2005 ce travail de mémoire. Conjointement elles organisent plusieurs évènements lui rendant hommage.

La veille du 19 janvier 2018 Nadia et Djamila ont  mis au point la suite de leurs projets. Mais la mort vient faucher Nadia deux jours plus tard. “J’ai été la dernière personne qu’elle a vue. J’habitais Alger et elle Paris mais nous sommes dits au revoir  la veille à Paris. Prémonitoire diriez-vous ? Je ne pouvais assister aux obsèques de Nadia qui ont eu lieu 15 jours après son décès. Je ne ferai mon deuil que le jour ou un musée sera dédié à M’hamed Issiakhem parce que nous nous étions quitté sur cette promesse”,  affirme Djamila.

Aujourd’hui, Nadia n’est plus de ce monde mais Djamila est entourée des enfants de M’hamed Issiakhem et de sa famille.  Elle cite particulièrement Mohand Issiakhem, époux de la sœur aînée de l’artiste, son fils Smail, son épouse Feriel et Kamel Yahiaoui

“Il faut comprendre que ma destinée est de continuer ce combat au vu de ce parcours si proche et si loin de l’artiste. Je n’ai pas assisté aux vernissages lorsque M’hamed deviendra célèbre mais je reste un des rares témoins ayant partagé des moments cruciaux de sa vie intime et familiale. Dieu en est témoin”, conclut Djamila.

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1 commentaire

  1. Bonjour

    Djamila Kabla n’a du connaître le peintre qu’un weekend dans sa vie.

    Elle ne l’a en réalité jamais côtoyé et n’était même pas présente à son enterrement. Le pire est ce qu’elle en dit n’est que pure invention ou extrapolation.

    Nous pensions en lui confiant tant d’information et documents, après notre rencontre en 2007 !, avoir affaire à une passionnée, une passeuse de connaissance qui allait participer à ce travail de partage. Au lieu de cela nous avons affaire à une parvenue qui agace toute la famille et commence à taper sur le système de tous ceux qui eux était présents dans nos vies et celle du peintre.

    On nous a volé pas mal de documents, mais elle utilise son lien de parenté lointain pour s’inventer une légitimité, qui comme évoqué commence à passablement agacé la famille dans son ensemble.

    Younes Issiakhem, le fils cadet du peintre

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