«Los constructores de la Alhambra», un somptueux  documentaire sur un palais-poème

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Los constructores de la Alhambra
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Comment célébrer un règne qu’on savait d’ores et déjà condamné à disparaitre ? Tel était le souci de Youcef Ier, un des plus célèbres sultans du royaume nasrides. Ainsi a été pensé l’Alhambra de Grenade, tel il est aujourd’hui, un témoin du passé grandiose des musulmans d’Al-Andalus.

Tel est aussi le point de départ des “bâtisseurs de l’Alhambra” de la réalisatrice espagnole Isabel Fernandez projeté les jeudi 30 et vendredi 31 mars à l’institut Cervantes d’Alger. À mi-chemin entre la fiction et le documentaire, Les Bâtisseurs de l’Alhambra, est une passionnante fresque historique et humaine révélant les architectes qui ont fait éclore ce palais-poème unique au monde. La caméra a su en capter les curiosités et les subtilités que même des yeux, pourtant bien abreuvés de cette merveille, n’avaient jamais perçu auparavant.

L’histoire humaine de “Los Constructores de la Alhambra”

Isabel Fernandez a expliqué, en introduction à son documentaire, que l’objectif premier de cette œuvre était de “raconter l’histoire humaine qui entoure l’édification de l’Alhambra”. Raconter les gens de Al-Andalus, ceux qui ont réfléchi à ces palais, les ont créés et les raisons qui les ont poussées à réaliser ce bijou architectural qui continue à fasciner, 8 siècles après la chute de Grenade.

“Nous voulions raconter qu’il y a une partie de l’histoire européenne qui se déroule entre le VIIe siècle et le XVe siècle, au sud de la péninsule ibérique et qui a une empreinte transcendantale au niveau  culturel, artistique, économique, gastronomique, paysager. …  Non seulement pour l’Espagne, mais pour toute l’Europe”.

L’épitaphe” de l’Europe musulmane

Le documentaire débute en 1340. Sachant son royaume assiégé de Grenade voué à disparaître en raison de l’avancée des rois catholiques, Yusuf Ier, veut immortaliser la splendeur de la civilisation musulmane à travers des édifices qui défient l’oubli et le temps: les palais de l’Alhambra. Son vizir, Ibn Al Jiyyab et son disciple, Lissane Eddine Ibn al-Khatib (l’acteur franco-égyptien Amr Waked), poète et génie en avance sur son temps, planchent sur ce défi colossal alors que s’élevait déjà le chant du cygne de l’Europe musulmane

Ibn Al Khatb, le vizir de l’Alhambra

Le film, répond Isabel Fernandez à une interrogation de l’un des nombreux spectateurs qui ont assisté à cette projection , s’inspire des chroniques du XIVe siècle, écrites par le vizir et poète des rois de Grenade, Lissane Eddine Ibn al-Khatib. Une des figures littéraires les plus importantes du XIVe siècle dans la péninsule ibérique, il a remplacé Ibn Al Jiyyab, emporté par la peste, auprès du sultan. Il était poète, conteur, diplomate, homme politique… On l’appelait le vizir des deux vies car il souffrait d’insomnie chronique, ce qui le poussait à écrire la nuit. On lui doit pratiquement tout ce que l’on sait de l’Alhambra à cette époque.

“Dans les royaumes chrétiens on l’appelait le “Maure sage” , a précisé la réalisatrice qui a suivi les pas de Ibn Al Khatib pour connaitre et faire connaitre ceux qui ont conçu ce chef-d’œuvre témoin du passage d’une grande civilisation.  

A Grenade, Ibn al-Khatib s’entoure d’un groupe d’érudits, poètes, artistes, philosophes, mathématiciens… qui ont conjugué leurs efforts pour réaliser des choses incroyables. L’Alhambra était la conjugaison des arts et de la science, les mathématiques et la poésie étaient à la base de tout. C’est pourquoi, souligne la réalisatrice, “c’était un noyau si puissant de développement intellectuel”.

La grande poétesse de l’Alhambra

Le documentaire met en avant aussi l’herboriste et poète Oum al Hassan, qui a étroitement travaillé avec Ibn Al Khatib notamment lors de l’épidémie de la peste et bien après. Un rôle mis en évidence par les historiens de l’Université de Grenade, lesquels ont souligné, tout au long du documentaire, le rôle remarquable des femmes tant à Grenade qu’à Cordoue.

Extrait de ‘Les Bâtisseurs de l’Alhambra’

Les dômes et la décoration calligraphique des murs

Ce documentaire décline aussi, à quoi ressemblait la vie quotidienne à l’Alhambra, les intrigues de la cour, le rôle des femmes dans la culture nasride, et quelles furent les principales avancées culturelles, médicales, artistiques, paysagères… qui ont fait de Grenade la ville la plus avancée de son temps. On y raconte aussi l’histoire de ses fameuses coupoles ciselées comme de la dentelle et celle de la fabuleuse décoration calligraphique  qui recouvre ses murs.

L’esprit de l’Alhambra, ses vibrations y sont parfaitement restitués. Avec la calligraphie des poèmes de Ibn Al Khatib qui connecte le palais de “Los Comores” avec les étoiles, les mouvements des planètes et ceux de la rotation de la terre. Les vers de Ibn Zomoroq, le disciple de Ibn Al Khatib, et ses connexions avec le pouvoir et la force des royaumes dans les décorations qui ornent les murs entourant le patio de “Los Leones” et qui sont autant d’observations humaines tentant de reproduire la création divine. Une quête de la formule de la beauté parfaite, presque aboutie, pourrait-on affirmer aujourd’hui, puisqu’ils ont réussi à réaliser une œuvre qui a traversé les temps sans rien perdre de son éclat.

Le documentaire n’occulte pas, non plus, le rôle innovant des nasrides dans la réalisation des réseaux d’alimentation en eau, l’agriculture, l’irrigation et l’aménagement paysager. 

Isabel Fernández qui a coécrit le scénario, avec  Margarita Melgar, a eu le soutien scientifique des meilleurs experts du Conseil d’administration de l’Alhambra, de l’Université de Grenade et de la École d’études arabes. Une collaboration artistique et scientifique sans précédent.

La réalisatrice, souligne  que c’est la première fois que l’Alhambra accueille un tournage de cette taille. Les 112 minutes du film ont duré 7 longues années de recherches et de tournage. Une grande aventure, affirme la réalisatrice “qui n’a jamais été tenté avant cette grande première. A noter que “Los Constructores de la Alhambra” est sorti en salles en Europe en décembre 2022.

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