« L’homme qui a vendu sa peau » : l’art a un prix, pas la liberté

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« L’homme qui a vendu sa peau » (الرجل الذي باع ظهره) de la tunisienne Kaouther Ben Hania, projeté samedi 21 janvier, à la cinémathèque d’Alger, à la faveur des 7ème Journées du film européen, repose la question des frontières fermées et de l’art.


Kaouthar Ben Hania s’est inspirée d’histoires de réfugiés syriens rencontrés à Paris et d’une œuvre de Wim Delvoye. En 2006, ce plasticien belge surréaliste a réalisé un tatouage, « la Vierge en prière » surmontée d’un tête de mort,  sur le dos de Tim Steiner, pompiste puis musicien suisse. L’œuvre s’appelle « Tim, 2006 ».


Dans le film, Sam Ali (Yahya Mahayni), un syrien, accepte de livrer son dos à un artiste belge, Jeffrey Godefroy (Koen De Bouw), à qui on prête le pouvoir de « changer des objets sans valeur en oeuvres d’art qui valent des millions ». Le pacte entre le jeune homme et l’artiste, en quête de nouvelles sensations, paraît méphistophélique, voire faustien.


Attaché à Abeer (Dea Liane), Sam dévoile son grand amour dans un train et évoque « la révolution » en Syrie. Il est persécuté et obligé de quitter le pays vers le Liban où dans une exposition à Beyrouth, il rencontre Jeffrey Godefroy qui lui promet d’obtenir un visa vers l’Europe.


Dos au public

Une fois le contrat signé, Sam accompagné de Soraya Waldy (Monica Bellucci), en charge des affaires de Jeffrey Godefroy, s’installe dans un hôtel de luxe à Bruxelles et doit se soumettre à plusieurs séances de shooting et de préparation. Son contrat lui impose de répondre à toutes les demandes de l’artiste concernant les expositions publiques dans les musées. Sam doit s’installer sur un socle, rester assis pendant des heures, dos au public.

Pour échapper à son environnement, il écoute de la musique en continu. Mais Sam a un seul souci : rencontrer Abeer, mariée à un diplomate syrien à Bruxelles. Il découvre que sa famille en Syrie a subi un drame. Que faire ? Retourner à Raqqa, sa ville natale ? Rester à Bruxelles ? Partir à la découverte du monde et gagner de l’or massif grâce à Jeffrey Godefroy ? Dilemme. La quête du bonheur est parfois compliquée. Et la liberté n’a pas de prix. Sam le comprend douloureusement.


Fable contemporaine

Le film, bien mené par Kaouther Ben Hania, ressemble à une fable contemporaine sur l’art en tant que « produit à vendre ». Que l’œuvre soit « vivante » ou pas importe peu. Les calculs mercantiles et la « provocation » commerciale écrasent les valeurs humaines. Sam découvre, au fur et à mesure, qu’il est juste un produit comme un autre, transportable, livrable et vendable. Dans la vraie vie, la peau de Tim Steiner a été vendue à 150.000 euros à un collectionneur allemand. La peau de Tim lui appartient même après sa mort !  


Le long métrage est également une réflexion critique sur la fermeture des frontières. Des frontières qui, selon Jeffrey Godefroy, s’ouvrent aux marchandises et se ferment devant les humains. Devenu « une œuvre d’art », Sam Ali peut voyager où il veut  et quand il veut !
« L’homme qui a vendu sa peau » est le film le plus abouti de la Kaouther Ben Hania qui s’est fait repérer, en 2014, par « Le Challat de Tunis », l’histoire d’un homme qui agressait le postérieur des femmes avec un rasoir.


La mise en scène de « L’homme qui a vendu sa peau » est soignée, chaque plan ressemble à un tableau bien dessiné servis par une lumière délicate et un montage élégant de Marie-Hélène Dozo.  L’humour dans le film est acide, les dialogues  cyniques.  Le jeu tranquille de l’italienne Monica Bellucci a été artistiquement contré par la petite tempête de Yahya Mahayni.


« L’homme qui a vendu sa peau » (traduit en arabe en l’homme qui a vendu son dos) a été sélectionné, en 2020, dans la section Orizzonti au Festival de Venise et nominé pour l’Oscar du meilleur film étranger en 2021. 

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