Le Premier ministre désigné jette l’éponge, l’Irak plonge dans l’inconnu

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Le Premier ministre désigné jette l'éponge, l'Irak plonge dans l'inconnu
Le Premier ministre désigné jette l'éponge, l'Irak plonge dans l'inconnu
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Le Premier ministre désigné Mohammed Allawi a renoncé à former un gouvernement, enfonçant davantage l’Irak dans l’inconnu et exacerbant la colère de la rue qui conspue ses dirigeants depuis cinq mois.

Face à des manifestants déterminés malgré près de 550 morts, la crainte du nouveau coronavirus et la baisse des prix de pétrole, unique source de devise d’Irak, “les dirigeants sont dans une bulle”, dénonce un haut responsable irakien sous couvert de l’anonymat.

Le Premier ministre démissionnaire Adel Abdel Mahdi et son équipe “continuent comme si de rien n’était”, assure-t-il. Démissionnaire en décembre, M. Abdel Mahdi, a assuré dimanche qu’il cesserait de gérer les affaires courantes lundi. Mais il a finalement préféré conserver son poste.

L’homme –qui ne préside déjà plus les Conseils des ministres– a expliqué qu’il allait seulement se mettre “en retrait” car le “vide constitutionnel” est “le plus grand danger” et qu’il valait mieux attendre qu’un gouvernement soit approuvé par le Parlement.

Ce changement est loin d’être acquis, comme l’a déjà expérimenté Mohammed Allawi. Désigné début février, il n’a jamais pu présenter sa liste de ministres au Parlement car deux fois cette semaine, l’Assemblée la plus divisée de l’histoire récente de l’Irak n’a pu atteindre le quorum.

Il y a “des parties qui ne négocient que pour leurs propres intérêts”, a tonné M. Allawi dimanche en annonçant qu’il jetait l’éponge.

L’influent leader chiite Moqtada Sadr, qui ne cesse de souffler le chaud et le froid tant vis-à-vis des politiciens que des manifestants, a dénoncé “des corrompus” prenant le pays “en otage”.

“Propres intérêts”

La Constitution ne prévoit pas l’option d’un départ du Premier ministre en cours de mandat. La démission de M. Abdel Mahdi est sans précédent, tout comme l’échec de son successeur désigné.

Mais d’après la loi, sans cesse contournée par politiciens et partis décidés à jouer la montre, la balle est désormais dans le camp du président Barham Saleh.

M. Saleh a 15 jours pour désigner un nouveau chef de gouvernement –sans demander l’avis des grands blocs parlementaires comme l’y obligeait la Constitution pour M. Allawi.

Selon des sources politiques, il a déjà fait son choix: le chef du renseignement Moustafa al-Kazimi, qui passe pour l’homme des Américains mais que de nombreux observateurs créditent également de bonnes relations avec l’Iran, les deux grandes puissances agissantes en Irak.

Lundi soir, le porte-parole des brigades du Hezbollah, la faction pro-Iran la plus radicale d’Irak, a fermement rejeté cette candidature. Elle serait “une déclaration de guerre”, a prévenu Abou Ali al-Askari sur Twitter. Car M. Kazimi “est accusé d’avoir aidé l’ennemi américain” à assassiner le général iranien Qassem Soleimani à Bagdad en janvier.

Sur la place Tahrir à Bagdad, épicentre de la contestation, les manifestants réclament toujours une nouvelle classe politique, accusant leurs dirigeants actuels de corruption et d’être incapables de leur assurer les services de base, comme l’électricité, des emplois, des soins médicaux …

“Le peuple veut quelqu’un qui n’a jamais été aux affaires”, affirme à l’AFP Mohammed, étudiant de 21 ans.

De nombreux manifestants veulent au poste de Premier ministre Alaa al-Rikaby, un pharmacien de Nassiriya, chef de file de la contestation dans le Sud.

«Les partis ne cherchent que leurs propres intérêts, ils n’écoutent ni notre opinion ni nos problèmes», s’énerve Roqiya, 20 ans, dans un des pays les plus riches en pétrole du monde mais où un jeune sur quatre est au chômage et un habitant sur cinq pauvre.

Ministères “à vendre”

“Allawi a tenté de concilier les intérêts des partis et ceux du peuple pour gagner la rue mais il a échoué sur les deux tableaux”, tranche Hamid Abou Nour, un commentateur politique.

Son successeur aura la lourde tâche d’organiser des élections anticipées pour renouveler le système politique basé sur la répartition des postes selon ethnies et confessions.

«Seules des élections pourront changer la donne», résume le responsable irakien. Mais, et c’est là que le bât blesse, pour y arriver, il faut un gouvernement!

M. Abdel Mahdi a beau proposer des législatives début décembre couplées à un référendum constitutionnel –alors que jusqu’ici aucune des réformes réclamées par la rue n’a été votée ou sérieusement discutée au Parlement– les divergences sont telles que même le quorum est inatteignable.

Les Kurdes réclament pour leur région autonome des garanties sur leur part du budget fédéral. Avec les sunnites, ils veulent le maintien des soldats américains en Irak. Mais le prochain Premier ministre, chiite selon la répartition des postes, est lié par un vote du Parlement –des seuls députés chiites– ordonnant leur expulsion.

Les trois communautés se disputent les ministères dans le 16e pays le plus corrompu au monde où les postes se «vendent» et s’«achètent» selon des sources politiques qui en donnent même les prix.

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