Le journalisme, contre vents et marées

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Le journalisme, contre vents et marées
Google Actualites 24H Algerie

Nous sommes le 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse, mais nous ne sommes pas à la fête. Pas plus que nous l’avons été en 2021 ou avant. La trajectoire de la presse algérienne est celle d’une activité qui devient de plus en plus anxiogène et d’une augmentation des codifications juridiques des entraves. Le Journal Officiel gardera, pour l’histoire, la pulsion quasi-obsessionnelle du “contrôle” exprimée par un ancien journaliste devenu ministre. De ce côté là, les choses ne s’améliorent guère, les journalistes étant sommés de “soutenir” au nom du patriotisme et des intérêts supérieurs de la nation. Pourtant, on le sait bien, le patriotisme et les intérêts supérieurs sont beaucoup mieux servis quand chacun fait “bien” son travail, dans les règles propres à chaque métier. 

Nous sommes le 3 mai, il n’y a pas de quoi pavoiser, mais est-ce une raison de renoncer à ce métier que nous aimons? Un métier, nous en sommes convaincus, qui n’est utile et productif que s’il est exercé dans la liberté et dans les règles. Nous avons, à l’encontre de la triste réalité d’aujourd’hui, la faiblesse de continuer à croire qu’un journalisme de qualité, donc libre, professionnel et sérieux, reste encore possible en Algérie.

Nous en sommes d’autant plus convaincus que la marche du monde dans le domaine des médias rend dérisoires les méthodes vieillottes avec lesquelles, en Algérie, on continue de traiter la presse; avec une obsession maladive du contrôle qui n’aboutit en fait qu’à entraver le développement des médias algériens tout en laissant les lectorats algériens sous l’emprise des médias (et sans doute des entreprises de désinformation) extérieurs. C’est un débat national qui devra bien être ouvert un jour même si le contexte n’est guère prometteur aujourd’hui. 

A 24H Algérie, nous avons choisi d’être positif, de refuser le repli, de regarder ce qui se passe dans le monde et d’observer comment les médias évoluent. Contrairement à l’idée implicite qui gouverne les prises de décisions officielles sur les médias en Algérie, notre pays n’est pas et ne peut pas vivre en autarcie. Il est inséré dans un système médiatique mondial où la presse et la communication jouent un rôle primordial. Il suffit d’observer la gestion médiatique – dans laquelle les réseaux sociaux sont impliqués – de la guerre actuelle en Ukraine pour constater que les médias sont aussi importants, sinon plus, que les armes. 

Modestement, mais volontairement à l’encontre de l’invitation à ne plus rien faire qui nous est implicitement adressée par un écosystème juridique contraignant et contre-productif, nous œuvrons à conserver une aptitude à faire correctement notre métier et à être au diapason de ses évolutions. L’une de ces évolutions est le développement des podcasts qui sont devenus une offre éditoriale incontournable dans le monde. Nous avons décidé d’y aller.

Nous raconterons l’Algérie à travers le regard de nos reporters. Nous ferons aussi connaître les expériences intéressantes qui permettent la transmission entre les générations d’Algériens. Des entretiens, des reportages, des chroniques autant de genres que nous comptons intégrer au fil du temps à notre offre podcast.

Nous avons décidé aujourd’hui de commencer par interroger les “anciens” de la presse sur leur parcours et leur expérience. Nous le faisons car nous sommes conscients que dans notre métier – comme dans d’autres – il y a une accumulation qui ne s’est pas faite et une transmission d’expérience qui n’a pas été réalisée. D’où le sentiment, décourageant, que le métier ne progresse plus et régresse.

Notre intrusion dans le domaine des podcasts va commencer, en toute modestie, par essayer de combler, autant que faire se peut,  ce manque en faisant parler nos aînés dans le métier.

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1 commentaire

  1. Parler de journalisme , le vrai , sans citer le nom de Kheireddine Ameyar, Allah irahmou , c’est occulter toute cette profession de foi.
    L’ancien directeur de la Tribune, journaliste de talent, jugeait «indispensable qu’il reste un contre-pouvoir dans la presse publique». Ameyar a effectué une carrière exemplaire dans de nombreuses rédactions : El Moudjahid, la Radio Chaîne III, Révolution Africaine, Algérie Actualités, La Nation et enfin La Tribune. Une plume d’une grande flamboyance qui maniait merveilleusement le verbe qu’elle taillait à la mesure des gymnastiques intellectuelles auxquelles étaient contraints les confrères qui ont exercé dans la presse du temps du parti unique. Avec assez de génie pour faire bouger les lignes à mesure de l’élargissement du champ lexical.
    Sa disparition n’a pas laissé indifférent les plus avertis : comme le disait Chawki Amari dans son requiem un 10 juin 2000 dans les colonnes mêmes de La Tribune, dernière station journalistique de Kheireddine Ameyar : «Son drame, celui de ne pas pouvoir ressembler à celui qu’il devait être. Celui de ne pas avoir pu faire son journal comme il pensait devoir être. D’en être réduit à servir d’alibi à des pages de pub trop cher payées. Son drame, c’est aussi celui de la presse, coincée entre l’ambition et la réalité, le sens du devoir et les menaces, les insultes et les courtisans. L’argent et les agents.»
    Il avait une très haute opinion du métier de journaliste. Et c’est dans sa conception du journalisme que son geste suicidaire prend une portée pédagogique justement : «Le journalisme d’abord ! C’est pour nous uniquement là que réside le respect que l’on doit à son lecteur, lequel est un citoyen qui nous fait confiance.
    Tout est dit .

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