Forum « Afrique Europe » à Alger: « Habiter le monde », mais lequel ?

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Comment habiter le monde ? Ce débat a été lancé lors du Forum « Notre futur, dialogues Afrique-Europe », organisé par l’Institut français d’Algérie (IFA), sur la thématique « ensemble pour la nature », du 3 au 5 février.


Le débat, organisé à la salle Ibn Zeydoun, à l’Office Riad El Feth, à Alger, était articulé sur ces idées : « Adaptation et résilience des villes au changement climatique et retour à des modes de construction traditionnels et respectueux de l’environnement. Quel habitat pour demain? ».


Modérée par Feriel Gasmi, architecte, la discussion a réuni Ahmed Soussi, président de l’association Kraten pour le développement durable de Tunisie, Fouzi Benkhelifa, fondateur de Nexqt de France, Stéphanie Njiomo, juriste environnementaliste et activité climatique du Cameroun et Mustapha Tellai de la fondation Amidoul de l’éco parc de Tafilalet de Ghardaïa. 


« La ville résiliente est tous ces espaces que nous connaissons et que nous habitons à longueur d’année. Il s’agit aussi de tous les systèmes, personnes, communautés, institutions, entreprises capables de s’adapter et de survivre quelques soient les contraintes. Les villes sont confrontées aujourd’hui à des risques et à des défis liés aux changements climatiques, aux catastrophes naturelles, aux crises sanitaires, à la perte d’attractivité ce qui engendre le déclin industriel et le chômage », a expliqué Feriel Gasmi.


Et de s’interroger : « nos villes ont-elles cette capacité de se régénérer ? D’être comme des éponges et tout absorber? De s’adapter aux risques du futur? ».  « L’être humain est au banc des accusés avec plus de consommation et d’utilisation abusive et irraisonnée des ressources naturelles », a-t-elle noté.


L’habitat d’hier est l’habitat de demain

« Aujourd’hui, nous sommes ensemble contre la nature. Il a fallu qu’on se réunisse ici pour que nous revenions sur les rails. Je viens d’une région qui partage le lac Tchad avec d’autres pays. Ce lac ne garde qu’un dixième de sa superficie initiale à cause des changements climatiques. La région d’où je viens abrite le second poumon mondial (le bassin du Congo) et fait l’objet de convoitises pour des initiatives destructrices. Habiter le monde ? Je ne sais pas de quel monde il s’agira si nous continuons sur la même lancée », a alerté Stéphanie Njiomo.

Selon elle, l’habitat d’hier est l’habitat de demain. « C’est l’habitat qui va se servir du matériel local, pas de celui importé de l’autre bout du monde. Dans la partie sahélienne du Cameroun, une région chaude, la population avait l’habitude de construire des maisons à partir de brique de terre, de la terre compressée et de la pâte de la terre. Mais, le béton a remplacé la terre. C’est donc un modèle dit moderne qui a mis de côté celui de l’habitat traditionnel.

A cause de la chaleur, les gens passent la nuit dehors dormant sur des nattes alors que la température était idéale dans l’habitat traditionnel. La population s’est agrippée donc au modernisme au détriment de leurs traditions pour faire comme les autres acceptant de souffrir de la chaleur pendant les nuits », a-t-elle détaillé.


Et de poursuivre  : « il faudra un gros travail de déconstruction de cet imaginaire de ce que c’est que le moderne, le beau, l’attrayant. C’est un travail difficile. Les gens construisent avec des matériaux qui coûtent chers écologiquement et économiquement et qui ne donnent pas satisfaction aux populations. Une satisfaction qu’elles avaient pourtant avec le modèle traditionnel.


  « Le choc énergétique sera une menace sur la stabilité »  

Feriel Gasmi a rappelé que le sud algérien est riche de cités en architecture de terre « qui n’ont pas été toutes préservées ». « Le modèle de construction traditionnelle doit être défendu auprès des pouvoirs publics », a-t-elle plaidé. »Dire que la solution se trouve dans ce qui se faisait hier n’est pas rejeter ce qui se fait aujourd’hui.

Ce que nous préconisons, c’est d’allier la modernité à la tradition en matière de construction. Actuellement, l’innovation verte permet de découvrir de nouveaux moyens de bâtir », a repris Stéphanie Njiomo.Fouzi Benkhelifa, expert de l’action climatique, a souligné que la population africaine va doubler durant les trente prochaines années. »80 % de ce doublement va se faire dans les villes. Donc, c’est deux fois plus d’urbains, un rattrapage de niveau de vie, plus d’équipements dans les maisons. La transition démographique sera accompagnée d’explosion d’urbanisation. La ressource énergétiqu

e sera de plus en plus contrainte. On va arriver au bout d’un modèle de consommation des ressources fossiles. Le choc énergétique sera une menace sur la stabilité. Aujourd’hui, les conditions d’une ville durable dans vingt à trente ans sont encore à inventer. Notre crainte est que la ville de 2030 en Afrique risque de plus ressembler à Lagos qu’à Masdar (ville verte aux Emirats arabes unis) », a-t-il constaté.

Il a estimé que les systèmes statistiques en Afrique, « qui sont là pour aider les pouvoirs publics », ont une certaine myopie par rapport à ces sujets. « On mesure la richesse, le PIB, sans calculer l’impact de la hausse de la production sur la résilience. Les systèmes statistiques ne sont pas adaptés pour évaluer par exemple l’impact du confinement sanitaire, qui est un choc, sur les populations », a-t-il dit.


Plaidoyer pour l’Intelligence artificielle

Il a fait un plaidoyer pour le recours à l’IA (Intelligence artificielle) pour mieux évaluer et prévoir les besoins énergétiques de la ville et les mesures à prendre pour rationaliser la consommation. « Il y a de la possibilité d’avoir de l’information grâce à ces nouvelles sources de données qui affranchissent les villes africaines des systèmes statistiques locaux et de les mettre en capacité d’une façon autonome et de mener leur propre politique(…) », a-t-il souligné.

En Algérie, selon Fouzi Benkhelifa, les climatiseurs importés ne sont pas de « classe A » (économe en énergie), donc ne contribuent pas à « l’efficacité énergétique » (le Label énergétique permet de classifier les climatiseurs en 7 classes de A à G). « 1 kw d’électricité consommé en Algérie, c’est 3 kw de gaz, cédés par la Sonatrach à la Sonelgaz à 10 % du prix international », a-t-il dit. Il estime que la transition énergétique ne peut être réussie que par l’implication de tous, dont les citoyens et les collectivités locales. 

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