FICA: “Nos frangins” donne un visage à une victime oubliée des violences policières en France

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Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, dans les rues de Paris, deux jeunes français d’origine algérienne Malik Oussekine et Abdelwahab Benyahia ont été tués par des policiers. L’une des affaires fait scandale, l’autre pas.
Le nouveau long métrage “Nos frangins” de Rachid Bouchareb revient sur cette épisode, met la lumière sur les coins sombres.  Le film a été projeté, vendredi 9 décembre au soir, à la salle Ibn Zeydoun, à l’Office Riadh El Feth, à l’occasion du 11ème Festival international du cinéma d’Alger (FICA) en présence du réalisateur et des comédiens Lyna Khoudri, Réda Kateb et Samir Guesmi.


Aidé par la romancière Kaouther Adimi, Rachid Bouchareb est revenu sur une affaire qui remonte à 35 ans pour clore une trilogie entamée, en 2006,  par “Indigènes”, un film sur l’enrôlement de force par l’armée française de nord africains dans la deuxième guerre mondiale en 1943,  suivie de “Hors la loi”, en 2010, sur la guerre d’Algérie en territoire français. Critiqué en France, “Hors la loi” était le premier film à aborder le massacre de civils algériens par les soldats français en 1945, particulièrement à Sétif et Guelma.  


Le crime de la rue Monsieur-le-Prince à Paris

Dans “Nos frangins”, Rachid Bouchareb s’intéresse à l’immigration à travers une affaire complètement ignorée par le cinéma français. Il y a d’abord, l’affaire Malik Oussekine, étudiant français d’origine algérienne, passés à tabac par deux motocyclistes voltigeurs équipés de matraques, rue Monsieur-le-Prince à Paris, dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986.


Sorti d’un club de jazz où chantait Nina Simone, Malik Oussekine s’est trouvé au milieu de violences nocturnes liées à des manifestations contre la loi Alain Devaquet sur la réforme des universités.
Pris de chasse par trois voltigeurs, le jeune homme de 22 ans a été “piégé” dans le hall d’un immeuble et roué de coups au ventre, au dos et à la tête. Il succombe à ses blessures à l’hôpital Cochin. La même nuit, deux heures avant l’agression violente de Malik Oussekine, Abdelwahab Benyahia ou Abdel est tué à bout portant par un policier ivre à Pantin à côté d’un bar.

 Dans “Nos frangins”, titre inspiré de la chanson “Petite” de Renaud, Rachid Bouchareb donne un visage à Abdel et montre comment la police des polices a mené “l’enquête” et appliqué une décision du ministère de l’Intérieur d’imposer le black out total sur cet assassinat. Une gestion politique.


Les archives de la police inaccessibles

Le réalisateur, qui n’a pas pu accéder aux archives de la police, a imaginé comme l’enquête fut menée par l’inspecteur Mattei ( un personnage fictionnel campé par Raphaël Personnaz) qui fait dans la manipulation en demandant au père d’Abdel (Samir Guesmi) de “surveiller” ses enfants et qui reprend à son compte le mensonge qui présentait “Malik Oussekine” comme “un phalangiste chrétien libanais”.
S’appuyant sur des archives visuels et sonores, le film montre comme Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, tentait froidement d’atténuer de l’ampleur du scandale, de défendre les policiers, de parler “d’interpellation de casseurs” et d’évoquer “la récupération politicienne” en s’attaquant à la gauche.
Les grandes manifestations dénonçant les violences policières sont également montrées par bribes dans le film pour appuyer le propos sur une histoire tragique. Le film plonge dans l’intimité  des familles en suivant le frère Mohamed Oussekine (Réda Kateb) et Sarah (Lyna Oussekine), passés de l’inquiétude, à l’effondrement puis à la colère et à la dénonciation.
Plus réservé et calme, le père d’Abdel tente de réaliser ce qui se passe, bousculé par un fils qui comprend dès le début que la police ne dit pas la vérité. “La police ment papa !”, crie-t-il. Le père titube lorsqu’il apprend la nouvelle de la mort de son fils. Moment intense dans le film.


Un film sobre qui dénonce “le mensonge d’Etat”

Mesuré, “Nos frangins” n’est pas un film militant mais reste une œuvre politique puisque “le mensonge de l’Etat” est clairement dénoncé sans discours mais grâce à un montage intelligent. La scène de l’agression de Malik Oussekine est filmée d’une manière sobre sans omettre de désigner la violence et parfois la haine dans le regard d’un voltigeur. Le cinéaste n’a pas reconstitué la scène de l’assassinat d’Abdel. Le policier tueur est montré abattu dans une salle d’interrogatoire sans que son visage ne soit visible. Par contre, le visage juvénil et rayonnant d’Abdelwahab Benyahia apparaît dans une vidéo lors d’une interview accordé à une chaîne de télévision. C’est la première fois que cette victime oubliée des violences policières en France est montrée. Un hommage poignant marqué de pudeur.


De la narration parfois calme se dégage une grande émotion liée à la tristesse mêlée de rage des familles. La mère d’Abdel est silencieuse dans sa douleur alors que celle de Malik n’apparaît pas à l’écran. Au moment où en France les violences policières sont dénoncées par les militants des droits humains et rapportés par les médias, notamment lors des grandes manifestations hebdomadaires des Gilets jaunes, le film de Rachid Bouchareb relance le débat en France sur le comportement des forces de l’ordre surtout à l’égard de personnes d’origine étrangère.


Distribué en Algérie par MD Ciné, le film “Nos frangins” sortira en salle à partir de ce dimanche 11 décembre 2022 à Oran, Alger et Constantine. A Alger, il sera projeté dans les salles  Ibn Zeydoun et Cosmos (Riadh El Feth), Ibn Khaldoun et Es Sahel (Art et Culture). A Oran, la projection se fera  au niveau des 3 salles du Multiplexe Ciné Gold (Centre commercial Es-Sania) et à Constantine à la salle Ahmed Bey (Zenith). 

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