Le faux-fuyant idéologique du ministre du Commerce

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Le faux-fuyant idéologique du Ministre du commerce
Le faux-fuyant idéologique du Ministre du commerce
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Le Ministre du commerce des biens et services, Kamel Rezig, vient d’élargir son domaine de compétence au marché de l’idéologie. Non satisfait des entraves bureaucratiques et réglementaires auxquelles son ministère soumet l’activité des commerçants, il a une idée géniale : entraver encore plus le commerce national et compliquer la vie politique du pays par de nouvelles atteintes aux libertés fondamentales.

Dans le contexte de la reprise des manifestations du Hirak, il espère détourner l’opinion de la gestion incompétente de son secteur, apporter sa part aux diversions idéologiques et diviser la société civile.

L’idéologie bornée au secours du ministre du Commerce

Le ministre du Commerce affiche une prétention sans bornes dans la capacité de son département à réguler le commerce des biens et services. Adepte de l’économie administrée, il ignore les lois du marché et pense soumettre le secteur de l’activité commerciale à ses décisions administratives. Dans la récente crise de l’huile de table, ses interventions n’ont pu empêcher la pénurie, la hausse des prix et la détérioration du pouvoir d’achat des citoyens. Englué dans une conception autoritaire et non économique de la distribution de l’huile de table, il a cru couvrir sa responsabilité par la mise à l’index des commerçants de l’alimentaire.

Ces derniers se plaignaient de la réduction de leurs marges bénéficiaires. Or cette situation est la conséquence de l’intervention de l’État dans la fixation des prix. Cette politique de soutien des prix fait l’objet de nombreuses critiques même au sein du gouvernement. Il est reconnu qu’elle est source de gaspillage des ressources et qu’elle engendre des subventions à des activités parasitaires et informelles.

La production d’huile de table étant estimée suffisante, sa libre commercialisation aurait permis un équilibre des prix à la condition que la libre concurrence soit respectée. Cela suppose que le ministère du commerce lève les barrières à l’entrée dressées à l’encontre des citoyens intéressés par la distribution des produits alimentaires. Au lieu de faciliter la commercialisation des produits alimentaires, l’intervention bureaucratique du ministère du commerce entrave une affectation économique des ressources et affecte la formation des prix.

Faute d’une culture économique adéquate et en l’absence d’une politique gouvernementale cohérente favorable à des réformes économiques, le pays est livré aux égarements idéologiques d’un Ministre. L’ingérence dans les inscriptions et enseignes des locaux commerciaux en est la récente illustration.

Le droit de propriété contesté

Les locaux commerciaux sont des propriétés privées. Leurs propriétaires sont libres d’en disposer. Ils sont donc libres d’apposer les inscriptions et enseignes de leurs choix. Dédiés à des activités commerciales, ces locaux seront aménagés de manière à être identifiés facilement, de manière à plaire à la clientèle. Les commerçants veulent attirer les consommateurs. Pour cela, ils ont recours aux langues usitées dans le pays.

Contrairement au ministre du Commerce, leur préoccupation n’est pas idéologique. Elle est économique. Il arrive même à ces commerçants de surmonter leurs préjugés idéologiques et recourir aux langues française ou anglaise pour orienter leurs clients, nationaux ou étrangers. Dans le cadre d’une ouverture du pays au tourisme, ils n’hésiteront pas à emprunter aux langues japonaise ou australienne, par exemple, pour faire lire leurs enseignes.

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La seule limitation acceptable et à laquelle la loi et les règlements soumettront le contenu des enseignes, c’est le respect des valeurs morales communément admises par la société. Sinon, il y a place pour l’imagination et la créativité professionnelle et artistique. La sanction sera d’ailleurs économique.

Si le ministre du Commerce s’inquiète de la place que tiendra la langue arabe dans les enseignes, il n’a pas d’autres choix que de s’en remettre aux consommateurs, seuls juges en dernier lieu du choix de leurs fournisseurs de biens et services. Peut-être s’estime-t-il plus patriote que tous les autres compatriotes ? Et cela autoriserait le déni du droit. Car c’est bien attenter au droit de propriété que de vouloir dicter aux commerçants la langue des enseignes sur leurs locaux. La violation du droit de propriété par l’État autoritaire s’inscrit dans sa démarche générale, celle du déni de toutes les autres libertés.

Les libertés individuelles bafouées

Cette démarche qui vise les commerçants n’est en réalité aucunement isolée. D’autres dispositions législatives contiennent la même négation des libertés individuelles. Elles contiennent la même ingérence de l’État dans la sphère privée des citoyens. C’est le cas de la loi électorale qui dispose dans son article 175 : « L’utilisation de langues étrangères durant la campagne électorale est interdite ».

Il est évident que c’est la langue française et les Algériens de culture française qui sont visés. La loi électorale en arrive à interdire l’utilisation d’une langue enseignée dans l’éducation nationale et les Universités, la langue de la vie économique, la langue des études techniques et scientifiques, la langue que des millions d’Algériens parlent quotidiennement. Il n’est pas étonnant que le gouvernement s’en prend aux enseignes des locaux commerciaux.

En effet, le commerce renseigne sur la place réelle du français dans le pays. Les commerçants décorent leurs magasins d’enseignes en langue française dans les localités les plus reculées du pays pour promouvoir leur commerce. Ils sont les indicateurs les plus objectifs de la réalité linguistique du fait de leur motivation économique.

L’Algérie est recensée parmi les pays disposant du plus grand nombre de francophones dans le monde. Pourquoi cette négation du réel ? Il s’agit de toute évidence de l’affirmation non pas du droit, mais d’une idéologie bornée. Cette idéologie constitue les bases des dérives que l’État fait subir à la législation. Pour des objectifs partisans et sectaires, les gouvernements successifs font montre d’une hypocrisie “nationale etofficielle”. Comble de l’effronterie, l’État dispose d’une chaîne radio (la chaîne 3) et d’une chaîne de télévision (Canal Algérie) pour faire campagne en permanence en… langue française !

L’État omnipotent

Cette politique est discriminatoire. Depuis, les célèbres “campagnes d’arabisation de l’environnement” des années 70, les gouvernements successifs ont délibérément voulu mettre en difficulté et réduire les Algériens de culture française. À l’Université, le parti unique FLN et le ministère de l’éducation nationale proclamaient leur volonté de rééquilibrer la composante universitaire. Pour cela, ils ont créé des sections arabophones dévalorisées.

Pour précipiter l’arabisation de la fonction publique, ils ont manifesté en 1970 contre le ministre de l’intérieur Ahmed Medeghri accusé de freiner l’arabisation de l’administration. Leur objectif assumé : remplacer le personnel en place et promouvoir leurs affidés. Le résultat de cette politique est connu. Le niveau scolaire et universitaire a connu une chute dont le pays ne se remet pas encore. Le niveau culturel général a baissé au point où la religiosité dispute la place de la science.

Ce bilan est lamentable. Mais il n’a pas empêché les Algériennes et les Algériens d’accéder par leurs mérites personnels à la littérature, à la science et technologie, à l’expertise professionnelle dans la langue que l’on veut bannir mesquinement. On pourrait leur objecter sur leur propre terrain, celui du nationalisme, que la Déclaration du 1er novembre 1954, la Plateforme de la Soummam de 1956 et nombre de documents importants de la lutte de libération nationale sont l’œuvre d’Algériens ayant accédé à la maîtrise de la langue française.

Que la construction de l’Algérie indépendante s’est réalisée grâce aux compétences disponibles lors du départ du personnel français. Mais cela ne semble pas adoucir leurs sentiments envieux. Ce qu’ils ne supportent pas en réalité, c’est que les Algériens n’ont pas acquis le support linguistique français pour se soumettre à la vassalité coloniale. Ils ont bien au contraire pris attache avec d’abord les idées de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les idées d’indépendance. Et l’Algérie indépendante est née. Ils ont ensuite pris attache avec les idées de libertés individuelles.

Et la perspective de l’État algérien de droit est là. Voilà ce qui contrarie en permanence les tenants de l’ostracisme vis-à-vis d’une partie importante de la population algérienne. Une population coupable de disposer des moyens intellectuels pour s’opposer avec lucidité et fermeté au despotisme et à toute forme de tyrannie. Quant à eux, ils instrumentalisent, pour un temps encore incertain, l’État omnipotent, l’État aux pouvoirs illimités, l’État qui menace constamment la sphère privée du citoyen et les libertés individuelles.

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