À faire son nid près d’un château…

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Hommage du calife Haroun Al Raschid à Charlemagne
Hommage du calife Haroun Al Raschid à Charlemagne
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La proximité des puissants est à double tranchant : un jour vous êtes au faîte de la gloire ; le jour suivant c’est la disgrâce. C’est valable hier comme aujourd’hui. Une loi immuable et les exemples ne manquent pas.

Tout le monde ou presque connaît l’histoire de Haroun Er-Rachid et de Djaafar El-Baramiki (Barmécide des historiens français). Une longue amitié liait les deux hommes, qui remontait à l’enfance. Le père de Djaafar était le précepteur de Haroun, futur héritier d’un puissant empire. Ayant le même âge, les deux hommes vont grandir ensemble et partager les mêmes aventures.

Tout laissait présager que leurs destins seraient liés pour la gloire de Haroun bien sûr et la grandeur de l’empire arabo-musulman qu’il reçoit en héritage. Bagdad était la capitale mirifique de cet empire à son apogée.

Adolescents, Haroun et Djaafar ont fait les quatre cents coups ensemble. Inséparables, les deux jeunes gens profitent de la vie et vivent intensément, dans l’insouciance qu’ inspire la jeunesse et leur position sociale.

Bagdad est le centre du monde. Toutes les richesses de l’empire s’y déverse. Suivant son rang dans la hiérarchie sociale, on n’y manque de rien. L’agriculture est florissante et la vie culturelle intense. C’est le début de l’âge d’or de la civilisation arabo-musulmane.

Une nuit d’automne, Haroun et Djaafar décident de faire une escapade nocturne, l’obscurité leur assurant l’anonymat. Longeant les rues, ils passent devant un verger d’orangers dont les fruits dorés égayaient la nuit. Et l’envie des deux compères. Se croyant toujours protégés par l’obscurité, ils passent à l’action. Mais les plus beaux fruits se trouvent en hauteur. Qu’ à Dieu ne plaise, Haroun propose à Djaafar de monter sur ses épaules pour avoir plus de chance de les atteindre. Si tôt dit, si tôt fait !

A cet instant précis apparaît la silhouette d’un homme armé d’un gourdin, sui n’est autre que le propriétaire du champ. A peine s’est-il approché qu’il reconnaît les deux chapardeurs : d’abord l’héritier du sultan bien évidemment et son compagnon qui se trouve être de sa parentèle. Comme tous les fils de pris en flagrant délit, Haroun se dit prêt à indemniser comme il se doit le propriétaire du verger, en contrepartie de son silence. Ce dernier accepte bien entendu le deal. Avait-il seulement le choix ?

En échange de son silence donc, le parent de Djaafar demande au futur sultan de lui changer son nom de famille. Il ne désire plus s’appeler El-Baramiki, comme Djaafar. Les deux gens sont surpris par sa demande, mais Haroun y consent puisque cela ne l’engage apparemment en rien. Il s’attendait plutôt à une demande de compensation financière. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Il n’en fût rien.

Djaafar continua son ascension auprès de Haroun, accumulant les richesses, pour lui et pour les siens. Sa famille devint l’une des plus puissantes du royaume. Malheureusement, c’est cette puissance qui va faire problème et principalement aux yeux de Haroun er-Rachid, maître de Bagdad et du monde. Les rois ne tolèrent pas la concurrence. Malheur à qui l’oublie.

Les Barmécides , dans leur orgueil, l’ont oublié. Ils vont chèrement le payer.

On raconte qu’un beau matin Haroun demanda à sa garde de lui ramener la tête de tous les Barmécides, à commencer par celle de Djaafar. La curée sanglante est lancée. Une journée rouge sang se prépare. Une famille puissante va en faire les frais. Nul n’est épargné. Pas vraiment.

Haroun ayant exigé la tête de tous les Barmécides, ses gardes se présentent au domicile du propriétaire du verger pour exécuter l’ordre de leur maître : tuer tous les Barmécides. Aux gardes donc qui lui expliquent le but de leur intrusion, il répond qu’ il n’est plus un Barmécide et que c’est le sultan lui-même, Haroun Er-Rachid, qui l’a autorisé à changé de nom et qu’il était à se présenter devant pour confirmer ses dires. Ce qui fût fait illico.

Haroun ne tarda pas à reconnaître celui qui l’avait, quelques années auparavant, surpris en plein chapardage. Il confirma ses dires et grand fut son étonnement de voir comment son pressentiment lui a sauvé la vie des années plus tard.

Bien sûr, la première question qui vient à l’esprit est : qu’est ce qui a inspiré cet homme et l’a poussé à prendre un nom autre que le sien, avec l’assentiment du futur khalife ? C’est aussi la question que lui pose Haroun Er-Rachid et qui lui vaut la réponse , pleine de sagesse et de perspicacité, que l’on peut imaginer ainsi :

« Lorsque j’ai vu le futur khalife portant Djaafar sur ses épaules pour voler des oranges, j’ai compris que cette complicité ne pouvait que mal finir. On ne réduit pas impunément le futur maître du royaume en un vulgaire marchepied et qui plus est pour chaparder. L’avenir me donne raison en cet instant. »

Beaucoup a été dit et écrit sur la disgrâce soudaine des Barmécides. L’explication d’Ibn Khaldoun reste la plus plausible : les Barmécides ont payé de leurs vies leur trop grande influence et leur mainmise sur les finances du royaume.

La proximité des puissants et le pouvoir qu’ elle assure est aveuglante. Elle fait perdre le sens des réalités au point de faire croire à ceux qu’elle aveugle qu’ils sont invulnérables, au moment justement où leur armure est la plus fendillée.

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