En Espagne, le bilan algérien de Mario Draghi met en relief la cata Sanchez

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Les exportations espagnoles vers l'Algérie chutent de 89% au premier semestre de 2023
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Le bilan de la visite du chef de gouvernement italien à Alger suscite des éloges dans les médias espagnols qui mettent en avant le contraste entre un Mario Draghi agissant en homme d’Etat et un Pedro Sanchez en joueur de poker. (Analyse)

La visite de l’italien Mario Draghi à Alger a été suivie avec un mélange d’admiration et de dépit par la presse espagnole qui a mis en avant les différents accords conclus entre les deux pays et le fait que Rome est devenue, sans probable possibilité de retour, le seul vrai partenaire stratégique de l’Algérie dans le domaine gazier. 

Ce n’est pas un détail. Dans l’optique d’un abandon, déjà acté mais encore difficile à mettre en œuvre, d’un renoncement européen au gaz russe, l’Espagne et l’Italie étaient en course pour devenir la plateforme pour l’entrée du gaz en Europe en provenance du sud. Jusqu’à la veille du virage marocain de Pédro Sanchez sur le dossier Sahara Occidental, l’Espagne avait les mêmes atouts que l’Italie – tout deux reliées par des gazoducs à l’Algérie – pour assumer ce rôle.

La décision du président du gouvernement espagnol de remettre en cause la politique d’équilibre suivie pendant des décennies par les gouvernements espagnols a changé la donne. Pedro Sanchez qui a joué au poker se retrouve désormais littéralement ligoté par le Maroc, au point même de justifier le massacre commis à Mellila contre les migrants par les services de sécurité marocains avant de rétropédaler… quand les marocains se sont mis à accuser Madrid d’en être responsable! 

Dans ce coup de poker, le chef du gouvernement espagnol n’avait d’yeux que pour Rabat et semblait considérer qu’Alger avalerait la couleuvre sans trop de vagues. Une surprenante erreur d’appréciation. Il est difficile d’imaginer pourquoi Sanchez a pris ce virage, note en substance un éditorialiste, dans un article louant “l’habileté de Mario Draghi”. Il ajoute qu’il a hâte de lire les mémoires de Sanchez dans quelques années, “non pour savoir pourquoi car je présume qu’il mentira encore sur le sujet, mais pour comprendre comment, lui et sa cour, dans leur immense sagesse n’ont pas prévu que l’Algérie réagirait comme elle l’a fait”.

Sanchez l’autocrate

De fait, même si l’Espagne est une démocratie, cette erreur d’appréciation relève tout simplement d’un fonctionnement autocratique avec un Pedro Sanchez agissant en solo, sans consulter ni ses partenaires de la coalition gouvernementale, ni même les diplomates espagnols qui lui auraient sans doute expliqué sans difficultés l’importance de la question du Sahara pour Alger et les fâcheuses conséquences d’un tel virage à long terme en matière de coopération énergétique. Et ce n’est pas le ministre des affaires étrangères,  José Manuel Albares, pâle homme de main de Pedro Sanchez qui allait faire une telle mise en garde pourtant évidente.. 

Le chef du gouvernement espagnol Pedro, dont le cynisme politique est connu, a donc choisi de faire un “coup. Le fait qu’il ait opéré un tournant diplomatique majeur sans aucune consultation, est totalement inexplicable du point de vue de l’intérêt de l’Etat. Les relations de l’Espagne avec le Maroc sont certes très importantes, mais il était plus logique du point de vue de l’intérêt de l’Espagne de préserver, même dans la difficulté, l’équilibre entretenu durant des décennies sur la question du Sahara Occidental, un dossier où Madrid a une responsabilité historique, morale et juridique. Plus que tout autre pays, l’Espagne se devait de rester dans le cadre du processus onusien qui se fonde toujours sur l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. 

Un virage, pourquoi?

Hormis des propos sans conviction de responsables du PSOE (parti socialiste espagnol de Pedro Sanchez), toute la classe politique se pose des questions sur les raisons de ce virage. Est-ce l’effet d’un chantage des marocains qui se seraient emparés, selon toute vraisemblance, des données du mobile de Pedro Sanchez? Est-ce que des informations compromettantes détenues par le Maroc grâce au logiciel espion Pegasus auraient servi à obtenir ce retournement majeur? Est-ce une pression des Etats-Unis dont l’actuelle administration n’a pas remis en cause la décision de Trump de “donner” le Sahara au Maroc en contrepartie de la normalisation avec Israël?  

Certains, en Espagne même, avancent des explications encore plus prosaïques: Sanchez dont le parcours sur la scène politique espagnole arrive à son terme – l’Andalousie historiquement ancrée à gauche a basculé à droite lors des dernières élections – se chercherait un rôle au niveau de l’Otan… L’appui américain serait décisif dans ce cas. 

Si des questions se posent en Espagne sur les raisons du retournement de Sanchez, personne, hormis quelques anciens du PSOE comme Zapatero, ne considère que l’intérêt de l’Espagne a prévalu dans ce choix. Un choix motivé par l’intérêt personnel  ou par des pressions étrangères, c’est sans doute la pire des choses pour quelqu’un qui exerce la plus haute des responsabilités. 

El Guapo, le “beau”, comme l’appellent certains en Espagne, va probablement perdre les prochaines élections, mais il laisse un héritage particulièrement encombrant pour les prochains dirigeants espagnols. On ne rompt pas impunément un équilibre stratégique et les dégâts seront difficiles à réparer à moyen terme. 

Actuellement, l’Algérie n’a plus d’ambassadeur à Madrid, l’ancien titulaire du poste, rappelé après le retournement de Sanchez, a été désigné à Paris. Même si l’ambassadeur espagnol faisait partie des invités au défilé du 5 juillet, les liens sont inexistants. Même pas au téléphone, les contacts sont rompus. L’Algérie se paie même le luxe d’annuler, en pleine période estivale à risque, l’achat de bombardiers d’eau espagnols

Le gaz, encore le gaz!

La presse espagnole insiste beaucoup sur les difficultés de certaines entreprises à exporter vers l’Algérie. C’est indéniable, mais il faut relativiser. La part des exportations espagnoles vers l’Algérie n’est pas très importante même si les difficultés en question renseignent sur l’état de dégradation des relations entre les deux pays. Les opérateurs algériens – en fait souvent des importateurs – n’ont pas besoin d’injonctions directes, pour comprendre qu’ils doivent, jusqu’à nouvel ordre, se fournir ailleurs qu’en Espagne. Et il n’y a rien qui provient d’Espagne – viandes, céramiques etc… – qui ne pourrait pas être amené d’un autre pays. Le vrai lien économique entre l’Algérie et l’Espagne, c’est le gaz; et si l’Algérie a bien marqué qu’elle entend bien respecter les contrats déjà conclus – y compris dans le volet révision des prix -, rien ne l’oblige à aller au-delà de ces contrats. Les médias espagnols ont de bonnes raisons de faire grise mine à propos du passage du Mario Draghi en Algérie. Voilà un chef de gouvernement démissionnaire qui œuvre à garantir l’approvisionnement de son pays en gaz dans un contexte de grand stress énergétique lié à la guerre en Ukraine.Tout le contraire du “Guapo” – surnom donné à Pedro Sanchez par ses fans –  qui a choisi ce moment délicat, en faisant de faux calculs, pour mettre en péril un avantage énergétique d’avenir pour l’Espagne en dégradant les relations avec l’Algérie. 

Certes, l’Espagne s’approvisionne chez les américains, mais c’est du gaz liquéfié qui est transporté par méthanier et dont le coût est bien plus élevé que le gaz algérien qui arrive par le gazoduc Medgaz. Le projet de gazoduc maritime du Nigeria vers le Maroc paraît pour le moins chimérique et ne pourra pas compenser la perte de part du gaz algérien dans le futur. Sanchez semble avoir estimé que l’Algérie ne pourra pas renoncer au marché espagnol. C’est une autre erreur de calcul: la demande en gaz est si importante que l’Algérie pourrait envisager de renoncer au marché espagnol après la fin des contrats en cours.  Ce que le “guapo” va laisser à l’Espagne n’a rien de beau! L’homme d’Etat côté italien, le joueur de poker côté espagnol, on comprend bien les raisons du dépit des médias espagnols face au succès de la visite de Draghi à Alger.

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1 commentaire

  1. L’Algérie reste une pièce maîtresse de ce conflit géopolitique induit par la guerre en Ukraine . Les pays voisins , sans aucune retenue se voyait livrer du gaz algérien et les relations etaient des relations gagnant-gagnant .
    Les positions des uns et des autres vis à vis du conflit qui nous est le plus proche , celui du Sahara occidental , déterminent l’homme politique le plus à même d’être proche de l’Algérie . Celui qui est bien informé et plus alerte reste le vieux briscard Dragui face au fantesiste Sanchez. Un regard minutieux sur les positions de ce dernier dévoile la situation des deux villes espagnoles au Maroc ” Ceuta et Mellila qui peuvent être récupérées par le Makhzen si jamais le premier ministre espagnol ne se plie pas aux exigences de ce Makhzen. .
    Ce que l’Algérie a bien voulu faire au gouvernement espagnol , c’est la conséquence des dommages collatéraux.
    L’Italie a su et pu damer le pion sur un terrain extrêmement sensible , le marché du gaz. Aujourd’hui l’Espagne comme son voisin le Portugal se prononce contre la décision de l’union européenne de réduire la consommation de gaz: l’Europe commence à se fracturer et l’Algérie joue l arbitrage.

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