Ce ramadhan 2022, le drame politique est en force à la télévision arabe. Des feuilletons tels que “Al Ikhtiar 3” provoquent la controverse en raison de leur contenu.
Écrit par Hani Sarhane, assisté de Iyad Salah, et réalisé par Peter Mimi, le feuilleton “Al Ikhitiar” (Le choix) ne cesse de susciter le débat et la polémique en Egypte et dans la région arabe. La saison 3 de ce feuilleton, الاختيار 3, intitulée القرار (la décision), diffusée par plusieurs chaînes arabes dont MBC Misr et On TV, est au cœur d’une véritable tempête.
Le feuilleton revient, comme présenté dans le générique, sur les 96 heures les “plus dangereuses” de l’Histoire de l’Egypte. Il s’agit des heures qui ont précédé la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, fin juin-début juillet en 2013. A l’époque, plusieurs manifestations étaient organisées dans le pays pour exiger le départ de Morsi et pour dénoncer “حكم المرشد”, la loi du chef des Frères Musulman, Mohammed Badie et de son adjoint, Khairat Al Chater. D’autres manifestations étaient opposées au “pouvoir de l’armée”.
Le président Al Sissi présenté dans le feuilleton Al Ikhitiar 3
Dans le feuilleton, les deux hommes sont présentés sous de traits malfaisants préparant un “complot” pour prendre “le contrôle” des forces armées. Les services secrets mènent alors “la contre-offensive” pour faire échouer ce projet.
Et, pour la première fois dans le drama arabe, un président en exercice est montré dans une oeuvre de fiction. Abdelfatah Al Sissi, qui a remplacé Mohamed Hussein Tantawi à la tête du ministère de la Défense, est présent dans le feuilleton (le rôle est interprété par Yasser Jalal). Il tient tête aux dirigeants des Frères Musulmans et au président Morsi. “Morsi est le président de tous les Égyptiens, pas celui d’un groupe”, dit-il dans le feuilleton.
Morsi sera destitué le 3 juillet 2013 et mis en prison. Al Ikhiatar 3 est produit par Synergy, une société proche des autorités égyptiennes. Les principaux rôles sont tenus par stars du petit et du grand écran égyptien tels qu’Ahmed Saqqa, Karim Abdelaziz, Khaled Al Saoui, Sabri Fawaz et Djamel Slimane. Selon les médias arabes, Al Ikhiatar 3 a bénéficié du budget le plus important de l’histoire de la télévision égyptienne.
“La face cachée” des Frères Musulmans
Certains soulignent que feuilleton “Al Ikhiatar 3” dévoile la face cachée des Frères Musulmans qui s’apprêtaient à prendre le pouvoir en 2013, en disant avoir “l’appui” de la population.
Le feuilleton, qui s’est appuyé sur des documents confidentiels des services secrets, avance la thèse que des groupes armés affiliés aux Frères Musulmans s’apprêtait à occuper les sièges des ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur au Caire sous le nom de “El ghazwa al kobra” (la grande conquête). Les entraînements de ces groupes étaient organisés dans le désert du Sinaï.
D’autres reprochent au feuilleton de reprendre “la version officielle” des faits qui a justifié le coup de force de juillet 2013, de verser dans la propagande politique et d’entretenir l’image des forces armées égyptiennes.
Plongée dans “l’univers” de Daech
بطلوع الروح (à la perte de la vie) est un autre feuilleton controversé. Réalisé par l’égytienne Kamla Abou Zekry, écrit par Mohamed Hicham Abiya, et tourné en Turquie, en Syrie et au Liban, le feuilleton plonge dans l’univers de Daech (Groupe de l’Etat islamique), précisément à Raqqa, en Syrie, proclamée en 2014, “capitale du califat islamique”.
Aux VIIIe siècle, Raqqa était l’une des capitales orientales de l’Empire Abbasside. Le feuilleton revient sur “le recrutement” pour Daech, l’embrigadement des jeunes hommes et jeunes filles, l’asservissement sexuel des femmes, l’exploitation psychologique des sentiments religieux par les radicaux de Daech.
Les islamistes égyptiens ont été les premiers à attaquer le feuilleton avant sa sortie en l’accusant de “porter atteinte à l’islam”. Sur Facebook, des pages, dont celle des fans du club de football d’Al Ahly, ont critiqué le feuilleton et appelé à son interdiction et au boycott des chaînes qui le diffusent. L’affiche de بطلوع الروح a provoqué la colère des milieux religieux en raison d’un bandeau en noir et blanc porté par l’actrice Ilham Chahine, qui joue le rôle d’une instructrice de Daech, sur lequel est écrit la chahada لا إله إلا الله محمد رسول الله (Il n’y a de Dieu qu’Allah et Mohamed est le Prophète d’Allah).
“Le feuilleton ne porte aucune atteinte à l’islam”
“Les travaux artistiques qui présentent les fondamentalistes comme des terroristes ne peuvent pas réussir à lutter contre le terrorisme. Ils ne font que provoquer la colère des gens. Ne peuvent-ils pas présenter le hidjab et la barbe sous une forme pure, celle de la plupart des musulmans”, s’est interrogé sur Twitter Abdullah Rochdi, chercheur en religions à Al Azhar au Caire.
Ilham Chahine s’est dite étonnée par la réaction des gens et a souligné dans une intervention télévisée que le feuilleton va “corriger” certains concepts faux attribués à l’islam.
“Le feuilleton ne porte aucune atteinte à l’islam mais cherche à comprendre pourquoi un mouvement radical comme Daech a pris racine dans la région arabe “, a réagi, de son côté, le scénariste Mohamed Hicham Abiya.
“Ceux qui ont fait mal à l’islam, sont ceux qui ont commencé à égorger des inocents aux cris d’Allah Akbar”, a protesté la réalisatrice Kamla Abou Zekry
