Débat à  Sidi Bel Abbes : “Sans l’appui de l’Etat, le théâtre va couler en Algérie”

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Débat à  Sidi Bel Abbes :
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Au 12ème Festival locale du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbes, qui se déroule jusqu’au 25, un débat critique a été organisé entre les professionnels du 6ème art.
Le journaliste et écrivain Hmida Layachi a présenté une vidéo en hommage à Ahcen Assous, ex-directeur du Théâtre régional de Sidi Bel Abbes (TRS) et ex-commissaire du festival, emporté en 2021 par la Covid-19.


Il s’agit d’une lettre filmée au niveau du théâtre d’Alger centre adressée à celui qui fut compagnon de Kateb Yacine dans les années 1970 à Sidi Bel Abbes. Dans la vidéo, Ahcen Assous, comédien et metteur en scène, filmé dans un café, critique la tendance à obscurcir la scène dans les récentes pièces de théâtre algérien. “Je n’aime pas le théâtre fait dans le noir”, a-t-il dit.


Abdelkader Djeriou, comédien et metteur en scène, a, lui, confié, lors de la discussion après la projection, qu’il a choisi la voie du théâtre grâce à Ahcen Assous :  ” J’ai rejoint le théâtre de Sidi Bel Abbes en 2005. Lors de notre formation, nous avions la chance d’avoir un auteur, un chorégraphe, un metteur en scène et coach vocal, bref, des professionnels. Cela m’avait changé de mon expérience dans le théâtre universitaire”.


“Nous devons nous imposer avec des projets”

Il a critiqué le faible budget alloué aux théâtre régionaux qui limite considérablement l’accès des jeunes au théâtre, à la formation aux arts dramatique et l’émergence de nouveaux talents. “Les gens du théâtre doivent définir ce qu’ils veulent, ce qu’ils doivent proposer à la société, établir un bilan de ce qui a été fait. Nous devons nous imposer avec des projets. Il faut que nous soyons actifs pour être entendus. Et il faut que l’Etat continue d’apporter son aide à la culture et au théâtre”, a-t-il soutenu.


Hmida Layachi a  proposé de lancer “le Manifeste de Sidi Bel Abbes” pour relancer l’activité de théâtre en Algérie et préparer “l’avenir des théâtres régionaux”. “C’est une sorte de feuille de route proposée par des professionnels”, a-t-il noté.  


Bouziane Benachour, journaliste et dramaturge, a appelé à revoir le système de gestion des théâtres en Algérie.  “Nous devons abandonner la manière avec laquelle sont gérés les théâtres régionaux. Nous devons également rompre avec un certain paternalisme. Par le passé,  existaient en Algérie les expériences théâtrales d’Abdelkader Alloula, de Kateb Yacine et d’Ould Abderrahmane Kaki. Ces expériences n’étaient pas dominantes, mais beaucoup de professionnels tentaient de les reproduire d’une manière mécanique”, a-t-il relevé.


“Ouvrir les portes “aux jeunes

Il faut également abandonner les idées anciennes relatives à la gestion des compagnies ou coopératives indépendantes de théâtre notamment en matière de financement par le ministère de la Culture.  Nous devons nous intéresser aux jeunes expériences en matière de théâtre en Algérie. Le meilleur exemple est celui de la pièce “Elkhich wel khayacha”. Il s’agit de jeunes qui travaillent et qui se débrouillent seuls. Il faut s’intéresser à ce qu’ils font et leur ouvrir toutes les portes”, a ajouté l’auteur de “Dix années de solitude”.  


La troupe de théâtre amateur «Les Anges de la planche» d’Oran a décroché début octobre 2022 le prix «Solutions créatives» lors du 12 Festival international de théâtre d’Alexandrie en Egypte pour la représentation “Elkhich wel khayacha”.


Makhlouf Boukrouh, universitaire et critique, a, pour sa part, estimé que l’activité théâtrale doit faire partie d’un projet culturel national.
“Un projet, qui comme une usine, a besoin d’être organisé, managé et géré. Il faut revoir tous les mécanismes de gestion des institutions culturelles en Algérie. Des administratifs ont pris en charge les théâtres, ont pu maîtriser la gestion financière mais ont échoué dans le volet artistique. Des artistes ont été chargés de gérer les théâtres. Ils ont plus géré les troupes que les institutions dont ils avaient la charge. Il faut donc chercher d’autres solutions”, a-t-il plaidé.


“Nous avons besoin d’une organisation qui rassemble tous les professionnels “


Selon lui, les gestionnaires culturels doivent avoir une vision sur vingt à trente ans. “Pour le théâtre, nous avons besoin d’une organisation qui rassemble tous les professionnels au niveau national. Une organisation qui ne doit pas forcément avoir un caractère syndical. Il nous faut une force de proposition”, a plaidé Makhlouf Boukrouh.  


Omar Fetmouche, dramaturge et ancien directeur du Théâtre régional de Béjaïa, a critiqué l’absence “d’une volonté politique” pour revoir le mode de gestion des théâtres publics et “la limitation” de l’action des coopératives théâtrales qui “sont des structures indépendantes”.
“Les compagnies de théâtre algériennes ne peuvent pas vendre leurs projets artistiques à l’étranger. Il y a des restrictions qui ne disent pas leur nom. On s’appuie sur les instruments juridiques pour museler l’espace de création. Les compagnies ne peuvent accéder aux espaces scolaires et universitaires et les salles sont partout fermées. Notre appel est qu’on nous laisse travailler”, a dénoncé Omar Fetmouche qui gère le théâtre privé Sinjab à Bordj Menaïel.


Halim Zeddam, metteur en scène, a estimé que le théâtre doit être considéré comme d’utilité publique en Algérie. “Il est difficile de demander aux théâtres publics d’être rentables. Le pouvoir d’achat actuel du citoyen ne  lui permet pas de venir en famille voir un spectacle, cela coûte cher. Je fais du théâtre depuis vingt ans dans une association sans recevoir une subvention de l’Etat. Le théâtre indépendant n’a aucun statut. Depuis 2013, on nous demande de présenter un certificat prouvant qu’on pratique le théâtre. C’était une manière de freiner l’élan des troupes indépendantes”, a-t-il noté.


Halim Zeddam, qui est établi à Bordj Bou Arreridj, a critiqué le peu d’intérêt des industriels et des opérateurs économiques à soutenir les activités théâtrales. “Nous n’avons jamais reçu un sous de ces opérateurs en faveur du théâtre. Sans l’appui de l’Etat, le théâtre va couler en Algérie”, a-t-il averti.  

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