Débat à Alger sur « la résistance culturelle » au colonialisme français

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Les arts étaient des « armes » utilisées durant la guerre de libération nationale. D’où l’organisation à Alger d’un colloque international sur la thématique de « la résistance culturelle ».
« La résistance culturelle pendant la Révolution, lutte pour la libération » est le thème de ce  colloque, qui s’est tenu  au Centre international des conférences (CIC) Abdellatif Rahal, à l’ouest d’Alger, les lundi et mardi 5 et 6 juin, à l’initiative du ministère de la Culture et des Arts. 
Il a été organisé à la faveur de la célébration du soixantième anniversaire de l’indépendance et marqué par la présence d’intervenants venus de Palestine, d’Italie, d’Egypte, de Tunisie, de Jordanie, du Nigéria et de Serbie.


« Il s’agit de mettre en valeur la contribution des artistes et des intellectuels à la cause nationale et de braquer les lumières sur les personnalités intellectuelles, culturelles et artistiques, nationales et mondiales, qui ont soutenu la Révolution de libération entre savants, écrivains, artistes et politiciens, tous courants confondus. Il est question aussi de documenter et de rassembler tout le patrimoine culturel et intellectuel du combat des algériens (contre le colonialisme français) et  de constituer un capital de connaissances sur le rôle de la culture et des arts durant la Révolution de libération », a déclaré Soraya Mouloudji, ministre de la Culture et des Arts, lors de l’ouverture du colloque.


« L’artiste a appuyé le soldat en arme « 

Elle a estimé que ces savoirs cumulés seront une source importante pour les chercheurs et les spécialistes en Histoire et en sciences sociales. « La Révolution algérienne, une des plus grandes révolutions du siècle écoulé, a  encouragé d’autres peuples à mener des combats contre les colonisateurs. Elle a provoqué un séisme dans la conscience collective au niveau mondial. Elle a pu fédérer les soutiens compte tenu de l’écho qu’elle a eue. L’artiste a appuyé le soldat en arme et le politique qui négociait. La victoire était grandiose. La résistance est un acte créatif qui se renouvelle et les arts sont un rempart contre l’oppression », a soutenu Soraya Mouloudji.


Elle a évoqué la contribution des comédiens, des plasticiens, des poètes et des cinéastes dans la promotion du combat libérateur des Algériens.
Après l’allocution de Soraya Mouloudji, un hommage à titre posthume a été rendu à Rédha Houhou, à Rabah Arezki (Abou Djamel), à Mohamed Mokhtari et à Ahmed Wahbi.


Les meddahs ont « préparé » les Algériens à se révolter contre le colonisateur

Abdelhamid Bourayou, enseignant à l’université d’Alger 2, a évoqué le rôle des conteurs populaires dans le soutien à la révolution et dans l’incitation à la lutte contre la colonisation française.
« Les meddah existent depuis longtemps dans la culture populaire en Algérie. Ils sont appelés hakawati au Moyen-Orient et Hlayquia au Maroc. Ces meddahs étaient présents dans les places publiques,  les marchés, les cafés et les cérémonies de mariage où ils organisaient des halakat (des rondes) pour raconter des histoires adressées aux spectateurs présents, enfants et adultes. Ils ont préparé les Algériens à se révolter contre le colonisateur à travers des contes épiques appelés Ghazwat ou Maghazi qui existaient dans l’ancienne culture arabe et qui revenaient sur d’anciennes conquêtes islamiques », a relevé l’universitaire.


Selon lui, ces contes sont arrivés en Algérie grâce aux manuscrits transportés par les voyageurs andalous. « Ils les ont adoptés au contexte colonial de l’époque pour inciter à la rébellion. Les conteurs étaient des professionnels, vivaient de ce qu’ils collectaient lors de la prestation dans les espaces publics », a-t-il noté.


Le palestinien Mohamed Naïm Farahat, secrétaire général de l’Association arabe de sociologie, a estimé que la révolution algérienne est parmi les plus importantes expériences humaines en matière de « mobilisation de la culture comme force de libération et d’émancipation » dans l’Histoire moderne et contemporaine.


« Les Algériens comprennent parfaitement le sens de la souveraineté »

« Cette révolution a eu un écho en dehors des frontières de l’Algérie et a provoqué des réactions dans plusieurs pays. Elle a été inspiratrice en Afrique du Sud, en Palestine et partout où le sentiment de libération était puissant durant la deuxième moitié du XXème siècle. La culture contribue à lutter contre toutes les formes de domination. C’est une force déterminante dans les changements dans le sens profond. Les Algériens comprennent parfaitement le sens de la souveraineté et la dignité », a-t-il dit.


Le chercheur italien Galie Nazareno a évoqué l’industriel Giovanni Pirelli qui avait soutenu la guerre de libération nationale (1954-1962).
« Il avait recueilli les témoignages de beaucoup de combattants algériens qu’il a publiés en Italie et en France. Il avait contribué à faire connaître en Italie la situation en Algérie durant la colonisation française. Il avait apporté son soutien au FLN et l’Algérie indépendante, pesé de tout son poids pour que Rome soutient l’Algérie sur le plan diplomatique « , a-t-il rappelé.


Co-écrit avec Patrick Kessel, l’ouvrage « Le peuple algérien et la guerre, lettres et témoignages 1954- 1962 » a été publié à Paris aux éditions Maspero.
Militant socialiste, Giovanni Pirelli, né à Milan en 1918 et mort en 1973 à Gênes, était dans la résistance contre le régime fasciste durant la deuxième guerre mondiale.  « Pour lui, le fascisme avait un lien avec le colonialisme français et avec tous les autres colonialismes européens. Lutter contre le colonialisme avait pour lui la même signification que combattre le fascisme et le nazisme », a appuyé Galie Nazareno.


Stevan Labudović  et les autres

Le sociologue serbe Josic Goran est, de son côté, revenu sur la couverture par la presse yougoslave de la guerre de libération nationale. Il a notamment évoqué les travaux du photographe et reporter Stevan Labudović qui avait rejoint les maquis du FLN/ALN en 1959 jusqu’à l’indépendance du pays. Il a également parlé du journaliste Zdravko Pecar qui couvrait pour le journal Borba la guerre de libération nationale. De retour à Belgrade, après 1962, il avait publié « L’Algérie jusqu’à l’indépendance » qui était également une thèse de doctorat.
Iosic Goran  a cité aussi Veda Zagorac, épouse de Zdravko Pecar, qui était attachée culturelle à l’ambassade de Yougoslavie à Tunis. A partir de son poste, elle avait contribué à apporter une aide logistique aux combattants algériens. Le couple Pecar-Zagorac sont à l’origine de la création du Musée d’art africain de Belgrade en 1977.


« Durant la Révolution, la Yougoslavie a apporté un soutien logistique aux Algériens. Il est probable que la Yougoslavie soit le premier pays européen à reconnaître l’indépendance de l’Algérie le 5 septembre 1961. Ferhat Abbas, alors  président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), est resté six jours à Belgrade en  janvier 1959 où il  avait rencontré le président de la Yougoslavie Josip Broz Tito », a-t-il rappelé. 

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