Dattes algérienne: la problématique du Diflubenzuron expliquée par un ingénieur agronome*

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Dattes algérienne: la problématique du Diflubenzuron expliquée par un ingénieur agronome*
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Les médias algériens ont fait part récemment du refoulement de dattes algériennes Deglet Nour par certains pays européens dont la France en raison de la détection du Diflubenzuron un pesticide faisant partie des insecticides interdits par la législation européenne. Youcef Elmeddah, ingénieur agronome explique la problématique

De quoi s’agit-il au fait ?

Rappelons d’abord que, compte tenu de l’effet négatif relayé par les médias, les scientifiques préfèrent l’expression « produit phytopharmaceutique » ou « produit phytosanitaire »  à la place de « pesticide » défini comme une  « préparation destinée à protéger les végétaux et les produits de culture  contre les organismes considérés comme nuisibles : champignons, insectes, mauvaises herbes, etc ».

Le Diflubenzuron, classé dans la catégorie des substances pouvant entraîner des désordres aigus ou chroniques, cet insecticide agit comme un inhibiteur de la fabrication l’exosquelette ou cuticule des insectes et possède une persistance de 3 à 4 semaines. Il est particulièrement recommandé contre les papillons ravageurs des palmiers dattiers, dont la fameuse pyrale, un ver redoutable dont les effets destructeurs peuvent ruiner les producteurs et constitue une contrainte majeure à la commercialisation tant en interne qu’à l’exportation. Beaucoup d’accordent sur le fait qu’il n’a aucune conséquence sur la santé humaine dès lors que l’on respecte les doses utilisées.

Le règlement (UE) 2019/91 de la commission du 18 janvier 2019 relatif aux limites maximales applicables aux résidus de certaines substances dont le Diflubenzuron, présents dans ou sur certains produits limite celles-ci à 0,01 mg/kg.

Difficile de se prononcer sur le rejet

Les médias algériens n’ont donné aucune indication sur les taux de Diflubenzuron détectés dans les dattes exportées. De ce fait, il est difficile de se prononcer sur les raisons de leur rejet.

RappelConso, à l’origine de cette interdiction de commercialisation des dattes algériennes, est un site public d’information des consommateurs sur les rappels

de produits, de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux (aliments, vêtements, voitures, produits d’hygiène, outillage…) . Il répertorie l’ensemble des rappels de produits finis destinés aux consommateurs et est alimenté par les déclarations des professionnels qui mettent en œuvre un rappel de produits, de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux. Dans le cas des dattes algériennes, la fiche produit du site RappelConso précise qu’il s’agit des barquettes de dattes raviers de la marque B&S La Pause qui est concernée et qui sont commercialisées depuis le 11 février 2022. Outre B&S ces barquettes sont commercialisées par d’autres distributeurs (place du marché (PDM), GF (Grand frais) BtoB AGIDRA.

En juin 2022, la datte branchée Deglet Nour de la marque Gout original et les dattes Deglet Nour de la marque DAT VTA ont été également l’objet d’un rappel par RappelConso pour non déclaration de substances allergisantes.

Les RappelConso

De même, en avril 2021, c’est le melon bio originaire du Maroc qui a été rappelé pour cause de présence de matrine, autre produit phyto (insecticide biologique) non autorisé en Europe. En Mai 2021, c’est carrément la Logan Sandero de la marque Dacia fabriquée au Maroc et en Roumanie qui a été rappelée pour cause d’ « fil de gâche de verrouillage du capot avant (qui) peut être défectueux. Cela pourrait conduire à l’ouverture du capot pendant la conduite augmentant ainsi le risque d’accident ».

On remarquera l’utilisation fréquente du conditionnel par le site RappelConso. Sur les 6600 rappels de produits, 5202 rappels concernent exclusivement les produits alimentaires majoritairement fabriquées en France. Aucun aliment ou boisson n’échappe à ces alertes relevant plus souvent de mesures de précautions plus que des sérieuses conséquences sur la santé humaine.

Le site canadien SAgE pesticides, outil d’information grand public relatif à l’utilisation des pesticides, affirme que « le diflubenzuron possède une faible toxicité aiguë quelle que soit la voie d’exposition. Il est légèrement irritant pour les yeux mais non pour la peau et il n’est pas un sensibilisant cutané » en précisant qu’à long terme, « Le diflubenzuron est classé comme un cancérigène peu probable chez l’humain en raison principalement de l’absence de cancérogénicité chez les rats et les souris et de la non mutagénicité du produit dans une série de tests de génotoxicité », même s’il pouvait causer quelques désordres physiologiques mineures chez l’humain. En revanche le diflubenzuron est très toxique chez les invertébrés aquatiques d’eau douce note le site.

Ce que confirme le communiqué du ministère algérien de l’agriculture de ce samedi 10 septembre en rappelant que « l’utilisation du Diflubenzuron a donné des résultats positifs dans la lutte contre le ver de la datte et ce depuis son homologation en 2010, sachant qu’il n’y a pas de conséquence sur la santé humaine ».

En Algérie, la production annuelle moyenne de dattes, toutes variétés confondues, est estimée à plus d’un million de tonnes, soit près de 14 % de la production mondiale. De ce fait, l’Algérie occupe la 4ème place parmi les pays producteurs après l’Egypte, l’Iran et l’Arabie saoudite. Cependant, elle en exporte beaucoup moins que la Tunisie dont la production de dattes ne dépasse pas 368 000 tonnes et qui exportait 345 000 tonnes en 2021 selon le site webmanagercenter.

Mohamed Ridha MESSAK, enseignant chercheur à l’université de Biskra estime que seule 3 % de la production de dattes nationale est exportée.

Il faut enfin rappeler les grandes similitudes entre les législations européenne et algérienne relatives aux produits phytopharmaceutiques aussi bien en termes de commercialisation que d’utilisation. Cependant, s’agissant d’exportation, c’est au pays exportateur de s’adapter à la législation du pays importateur.  C’est la raison pour laquelle un effort soutenu devrait être fait pour sensibiliser nos producteurs agricoles afin de respecter toute législation visant à protéger le consommateur algérien ou étranger.

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