Dans les dédales de Sidi M’Hamed, en route vers El Mouradia (Récit)
Dans les dédales de Sidi M’Hamed, en route vers El Mouradia (Récit)
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La foule rassemblée en haut de la rue Didouche Mourad, sous le siège du parti du RCD, débordait sur la rue du Colonel Menani (ex-Meissonier). Un cordon des forces de l’ordre, constitué de plusieurs lignes, derrière lesquelles étaient stationnés un camion anti-émeute et un autre à eau, bloquait les accès aux manifestants. Policiers et manifestants se faisaient se mesuraient dans un face-à-face où aucune partie ne comptait reculer. La foule, très dense, arrivait jusqu’à l’arrêt de bus de Farhat Boussad (ex Meissonier). De plus en plus de manifestants affluaient par cette rue. Ni les forces de l’ordre ni les manifestants ne voulaient faire marche arrière.

Un camion à eau allume moteur et phares. De quoi réveiller la méfiance des citoyens. “Pouvoir assassin, pouvoir assassin”, scande-t-on. Des jeunes font signe de leurs mains aux autres pour s’approcher pour être plus nombreux à défier et faire pression sur ce dispositif. Pourtant, il n’est plus possible d’avancer. Se faufiler entre les manifestants pour s’approcher de l’entrée du siège du RCD s’apparente à un parcours de combattant où il faut constamment jouer des coudes.

La foule s’étend jusqu’à la moitié de la rue du Colonel Menani, où des drapeaux noirs et berbères flottent par-dessus les têtes des manifestants. Ces derniers guettent attentivement le face-à-face entre les citoyens et les forces de l’ordre. Certains appellent à contourner le dispositif par les autres ruelles. “Ils ont aussi bloqué les autres accès vers Didouche ou Sacré-Coeur”, leur répondent d’autres.

Les manifestants font volte-face vers le siège du RCD. Un premier jet d’eau jaillit. Puis un deuxième avant que le camion ne maintienne le jet en direction des premières lignes de la foule. De quoi exciter les protestataires à la rue du Colonel Menani, qui insistent encore pour contourner le dispositif et se diriger vers El Mouradia.

Une première procession, menée par les porteurs de drapeaux noirs et berbères, prend alors forme et entame sa marche. Des manifestants s’arrêtent de temps à autre pour siffler et attirer l’attention des concitoyens toujours rassemblés en face du dispositif, sous le siège du RCD.

Les manifestants parcourent alors la rue du Colonel Menani, et, après quelques discussions sur le chemin à suivre, se dirige vers la rue Ahmed Ghermoul. La procession s’arrête plusieurs fois pour attendre l’arrivée des autres avant de reprendre le parcours. Arrivés au rond-point de la même rue, les manifestants aperçoivent alors des éléments de forces de l’ordre courir pour bloquer la bifurcation vers l’avenue Ali Mellah qui mène vers les hauteurs de la capitale, dont El Mouradia.

Quelques manifestants pressent le pas pour aller à la rencontre du cordon, s’ensuit une discussion avant que les forces de l’ordre ne les surprennent par une violente charge. Les premières lignes tentent de faire demi-tour et fuir mais il était trop tard: les policiers matraquent déjà les manifestants à terre, déstabilisés par la charge.

La situation dégénère. Derrière, des jeunes en colère ramassent des pierres trouvées au milieu du rond-point. Des jets pleuvent alors sur le cordon, qui se retrouve piégé en bas. Des pierres sont contrées par les boucliers. D’autres finissent par toucher des policiers à l’épaule, à la tête ou encore la carrosserie des véhicules stationnés sur cette rue.

Des policiers appellent au calme. Idem du côté des manifestants. Quelques-uns s’approchent, discutent avec ces mêmes policiers pendant plusieurs minutes.

La procession se divise alors en deux. Une partie reste rassemblée sur les lieux. Une autre décide alors de poursuivre sa marche vers El Mouradia, via la même rue, à savoir Ghermoul. Les manifestants montent par la rue parallèle à la salle Harcha.

Commence alors un parcours du combattant dans les dédales montantes de Sidi M’Hamed. Une course contre la montre, fuyant un éventuel nouveau dispositif policier. Des manifestants scandent l’illégitimité du président Tebboune, d’autres des slogans en faveur d’une dawla madania. “Vous nous avez fait perdre nos cheveux. Nous avons vieilli avant le temps. Nous avons perdu nos dents à cause de vous”, crie, de colère, une femme âgée. “Les généraux, yal khawana, klitou leblad, ou zawali mat”, scande, quelques mètres plus loin, un jeune manifestant. Les manifestants s’arrêtent à chaque intersection, débattant de la meilleure ruelle à prendre vers El Mouradia. Derrière, d’autres en profitent pour siffler les “retardataires” et les presser.

La procession atteint la rue des Frères Bourouba. A 1.2 kilomètre du Palais de la Présidence. Le bruit d’un hélicoptère de la Gendarmerie nationale (GN) se fait entendre. Les premières lignes, en panique, rebroussent chemin en courant. “Ne courrez pas, ne courrez pas, vous allez créer une bousculade”, avertissent des jeunes. Un cordon des forces de l’ordre apparaît entre la même rue et le boulevard des Martyrs (Photo). Quelques instants plus tard, les manifestants profitent du passage d’une voiture pour forcer le cordon, composé de forces anti-émeutes et de policiers de la circulation, qui reculent pour se reformer et bloquer la route vers El Mouradia.

Soudainement, un fourgon cellulaire et plusieurs véhicules 4X4 surprennent le manifestants. Ces derniers commencent à courir, se dispersant, par groupes, dans plusieurs ruelles. Des policiers, matraques à la main, leur courent derrière en assénant des coups aux plus lents. Des manifestants trébuchent dans leur fuite et reçoivent des coups sur la tête. D’autres s’arrêtent, plus loin, et ramassent des pierres. “Ne tire pas, ne tire pas”. “Courrez, courrez, ils arrivent”, avertissent d’autres. Les protestataires reprennent leurs courses.

Une partie de la procession se recompose plus bas. Plusieurs manifestants ont été blessés. Réduits, ils décident alors de patienter tandis que d’autres redescendent vers le centre-ville. D’autres manifestants, brandissant des drapeaux, des écharpes aux couleurs nationales autour de leurs cous, montent. En bas, devant la salle Harcha, d’autres attendaient de savoir quoi faire: monter ou revenir vers le centre-ville. A Ghermoul, le rassemblement qui était resté ici quelques quarts-d’heure plus tôt s’est dissipé. Mais une autre foule arrive vers la même rue. “On se dirige vers la Place du 1e Mai. Ils ont fermé la montée vers Sacré-Coeur”.

La rue du colonel Menani est encore pleine de manifestants, dont une partie qui revenait de la rue Gharmoul. Sous le siège du parti du RCD, la foule était moins dense. Les manifestants sont redescendus par la rue Didouche, vers les quartiers de Victor Hugo, ou vers la Grande-Poste, pour commémorer le 1e anniversaire du soulèvement populaire, le 22 février 2019.

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