Cinéma: « Europa » dénonce « les chasseurs de migrants », les criminels des frontières

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« Europa » de l’italo-irakien Rashid Haider, projeté vendredi 20 janvier, à la cinémathèque d’Alger, à la faveur des 7ème Journées du film européen, est un film poignant qui dénonce « la forteresse » Europe.


La caméra de Rashid Haider reste en mouvement du début jusqu’à la fin du film « Europa ». Elle suit Kamel (Adam Ali), un jeune irakien, qui a réussi à échapper aux « chasseurs de migrants », aux frontières entre la Turquie et la Bulgarie. En fuite dans une forêt qu’il ne connaît pas, Kamel doit tout faire pour survivre, se nourrir de myrtilles ou d’oeufs d’oiseaux, boire et faire la toilette dans les cours d’eau, et surtout éviter d’être rattrapé par des hommes armés en cagoules, lancés à la recherche de migrants pour les tuer.


Le souffle saccadé, Kamel, qui traîne sa peur comme un fardeau et qui la communique au spectateur, avance vers une destination inconnue, un destin inconnu. Survivre est sa seule préoccupation. Les rencontres qu’il fait en cours de chemin ne sont pas heureuses. Le jeune homme, qui porte le tee shirt au nom de Salah, le célèbre joueur égyptien, garde jalousement son passeport irakien, comme un attachement à sa terre natale. 


Une caméra collée au visage

L’occupation américaine, qui a détruit l’Irak, a eu pour conséquence de provoquer des divisions internes, des conflits interminables, des crises économiques et a poussé les Irakiens au départ. Kamel arrivera-t-il à destination ? Sera-t-il heureux là il sera ? Ou sera-t-il tué par les chasseurs de migrants ? On ne sait rien.


Rashid Haider filme à la manière d’un reportage de télévision. La caméra est immersive, collée au visage de Kamal, son unique personnage, pour capter en gros plans toutes les expressions de panique,  d’affolement et de dépit. Kamel est silencieux. Le film se distingue par l’absence des dialogues. Les images suffisent, disent tout. Le son intensifié de l’univers où évolue Kamel permet de faire oublier l’absence des dialogues.


L’excellent travail fait par Rashid Haider sur la bande son oblige le spectateur à tendre l’oreille à chaque mouvement, à craindre le pire, à entendre avant de voir. Le cinéaste semble inspiré par les films d’épouvante où les personnages sont poursuivis par des monstres dans les bois. Des monstres qui sont parfois invisibles.
L’immensité verdoyante de la forêt et des crêtes ne compense pas la sensation d’asphyxie qui oblige Kamel à bouger, marcher, courir, escalader les arbres, sauter…


Combien de migrants, venus d’Asie ou d’Afrique, ont été tués ?

En Bulgarie, mais également en Hongrie, en Serbie et en Croatie, des paramilitaires appelés des « chasseurs de migrants », qui se recrutent souvent dans les mouvements d’extrême-droite, agissent parfois avec la complicité des Etats pour voler, violer et tuer les migrants clandestins en toute impunité. Ces nationalistes sont informés par des passeurs pour qui la migration est « une transaction commerciale ». « Les passeurs sont souvent des trafiquants de drogue. C’est une question de gros sous », a souligné le cinéaste lors d’une interview.


Le cinéaste prend le soin de le souligner au début du film. « Europa », film réaliste, dévoile ce que les médias européens ont caché ou ignoré. Combien de migrants, venus d’Asie ou d’Afrique, ont été tués par ces chasseurs ces dernières années ? Pour le compte de qui ? Et pourquoi ? Comment expliquer que ni le Parlement européen ni la Commission européenne ni la Cour européenne des droits de l’homme n’ont exigé à ouvrir une enquête sur ces chasseurs de migrants, de véritables criminels de frontières ? 


Inspiré de faits réels


Le film « Europa », déjà projeté à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes en 2021, a le mérite d’ouvrir le débat. Dans une courte vidéo, projetée avant la film, Rashid Haider, qui n’a pas pu faire le déplacement à Alger, a souligné que son long métrage est inspiré de faits réels. Une réalité qui, selon lui, dépasse la fiction sur le mauvais traitement subi par les migrants, notamment aux frontières entre la Turquie et la Bulgarie, « des frontières entre deux continents ».


Lors d’un précédent documentaire, « No borders », Rashid Haider  a rencontré dans un centre pour réfugiés en Italie des migrants qui lui ont raconté leurs « terribles voyages », notamment en Méditerranéen. Il a également lu dans la presse des articles sur « la route des Balkans ». Aidé par la scénariste italienne Sonia Giannetto, il a écrit le scénario du film sur base aussi de rares recherches faites par des militants de droits humains mais aussi de témoignages récoltés au niveau des frontières entre Turquie et la Bulgarie. « Arrivé sur place, j’ai été choqué parce que j’ai appris et vu », a-t-il témoigné.  

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