Camus, un étranger à l’Algérien mais pas un inconnu

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Vue des ruines de Djémila, Sétif (DR)
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Il faut beaucoup de temps pour aller à Djémila. Ce n’est pas une ville où l’on s’arrête et que l’on dépasse. Elle ne mène nulle part et n’ouvre sur aucun pays. C’est un lieu d’où l’on revient” . Noces – Le vent à Djémila

Que penses-tu de Camus en tant qu’intellectuel algérien ? A cette question d’un ami, je n’ai pas résisté à la réponse facile : un étranger. Mais j’ai précisé rapidement : un étranger n’est pas un inconnu.

C’est quelqu’un qui peut habiter la même ville que vous, respirer le même air que vous, se promener sur la même plage, la Sablette d’Hussein-Dey par exemple, qui a aimé les mêmes senteurs, apprécié le même plein de silence des ruines de Tipaza, mais qui n’a jamais été dans l’intimité avec vous.

Quand je lis Camus, sans m’en rendre compte et en dépit du fait que je “sais” qu’il est natif du même pays que le mien, qu’il ne m’est pas donc pas inconnu, il me reste étranger… Je sais que beaucoup d’intellectuels et d’écrivains algériens le veulent “Algérien” avec beaucoup de passion…

Ils tentent parfois de le démontrer à travers des lectures savantes… de nous convaincre même qu’on a mal compris quand il disait préférer sa mère à la justice… Je respecte leur façon de voir, de le revendiquer, mais il me reste “extérieur”. Ce qui ne veut pas dire que ce qu’il écrit ne me touche pas…

La lecture des “Noces” a quelque chose de magique… La magie de l’écrit qui fait écho au passage d’un individu dans un lieu, la magie de l’art de l’écrivain. Pourtant, je suis bien forcé d’admettre, même si j’ai de la peine à l’expliquer que la lecture de Camus ne me touche pas de la même manière qu’un écrit de Kateb Yacine.

Je retrouve chez ce dernier une intimité qui me semble interdite avec Camus… car lui-même se l’est interdite. Rien d’insultant, juste une sorte de respect distant… Et je ne pense pas que la politique – elle était bien tragique pourtant dans un contexte de lutte anticolonialiste – soit déterminante dans le fait que je le sente étranger…

Il me semble que Camus l’écrivain était totalement – irrémédiablement même – dans un horizon européen avec des questionnements d’européens même s’il est né et a vécu dans ce territoire de fracture… qu’est l’Algérie. D’une certaine manière, les arabo-berbères qu’il respectait sans doute par humanisme, ne faisaient pas partie de cet horizon. Ils étaient des vagues voisins, jamais des proches…

Je trouve absolument logique que ce soit le Camus journaliste – c’est-à-dire quelqu’un qui s’adonne à une forme d’écriture beaucoup moins subjective que la littérature – qui s’est le plus rapproché de l’autre qui habitait l’Algérie, de cet étranger qui ne lui était pas inconnu.

Le journalisme n’est pas un écrit intime, c’est une forme qui permet d’approcher des autres, de les défendre même contre les affreux, mais qui n’est pas exigeant en terme de subjectivité… Il est de l’ordre de l’objectivité, celle qui permet tout autant de se rapprocher que de garder la distance.

Ce blog a été initialement publié le 5 mars 2016

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