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Miliana, nichée à 740 mètres d’altitude dans les monts du Zaccar, à Ain Defla, prend une belle couleur en juin. Le rouge de la cerise, hab el Mlouk. La région est connue par la qualité de ce fruit des rois, célébré au printemps. Reportage.

Dès l’entrée du marché de la ville, la cerise est mise en valeur sur les étals finement décorés. Les marchands prennent le soin de mettre le fruit rouge dans des paniers en roseaux décorés de feuilles de cerisiers. La cerise bigarreau, variété qui distingue la région de Miliana, est présente aussi. Une cerise, jaune-rouge de chair ferme blanche, que les grands mères adorent pour préparer les confitures et les gâteaux. Le Napoléon et le Burlat sont également présents autant que la cerise noire de Médéa, wilaya voisine. Les commerçants mentionnent dans de petits cartons l’origine du fruit. Les prix du kilo varient entre 650 et 1200 dinars. Personne n’a encore une explication à ce prix élevé d’un fruit de saison dont la récolte se fait péniblement faute de main d’oeuvre et d’intérêt pour les cultures des montagnes. « Les gens préfèrent souvent acheter en petites quantités », explique Salim qui loue les valeurs nutritives des cerises.

La fête de la cerise n’existe plus

A Miliana, la cerise reprend ses couleurs
Les cerises de Miliana/ Fayçal Métaoui

Par le passé, dans les années 1960, 1970 et 1980, Miliana, 115 kms au sud d’Alger, organisait la fête de la cerise. Les agriculteurs venaient présenter leurs produits dans une foire. Des galas de boxe et de Basketball étaient organisés ainsi que des concerts de musique. Les milianis se rappellent des récitals historiques de Hadj M’Hamed El Anka, d’El Hachemi Guerouabi et de Rabah Derriassa. Cette fête, née dans les années 1930 à l’initiative du maire français Alexandre Michalet, n’existe plus contrairement à celle de Tlemcen, de récente création. Au Maroc, à Sefrou, dans l’Atlas, la cerise est toujours célébrée, depuis 1920, lors d’un festival annuel avec un concours de beauté. Une manifestation culturelle classée par l’UNESCO dans la liste du patrimoine immatériel mondiale.

En Algérie, personne ne semble s’inquiéter de la disparition de la fête de la cerise de Miliana. Les jeunes de la ville n’ont pas souvenir de cette tradition qui était également une attraction touristique. Les responsables locaux expliquent que l’arrêt de la fête de la cerise remonte aux années 1990. Le terrorisme a obligé les agriculteurs à abandonner les cerisiers situés dans les hauteurs du Zaccar. Depuis, des efforts sont fournis pour relancer la production dans la région dans l’attente de la consécration de la cerise de Miliana comme un label national.

Dar El Amir, témoin d’une riche Histoire

Fondée par l’empereur romain Auguste en l’an 25 avant Jésus Christ, la garnison Zucchabar, réédifiée par Ibn Ziri Es-Sanhadji, chef de la dynastie Ziride, vers 972, Miliana, a connu pendant plus de treize siècles le passage des Almoravides, des Almohades, des Hafsides, des Zianides et des Ottomans. Le grand géographe Ibn Battuta est passé par Miliana autant que le fondateur de la sociologie Ibn Khaldoun et le botaniste et explorateur El Idrissi.

Miliana, qui a beaucoup hérité des us et coutumes des Andalous, a résisté à la colonisation française, lors des premières années de l’invasion. L’émir Abdelkader s’était installé vers 1835 à Dar El Khilafa, résidence du Bey de Médéa, devenu Dar Al Amir. Miliana était le siège de son califat avec l’ouverture d’une manufacture d’armes. Ce n’est que vers 1840 que les troupes de Valée et de Bugeaud occupaient les lieux en incendiant la ville.

Classée patrimoine culturel national en 1992, Dar El Amir, dont le style mauresque ressemble aux maisons de la Casbah d’Alger ou de Douirette de Blida, est actuellement un musée où l’on peut « relire » l’Histoire riche de Miliana à travers des pièces archéologiques, des archives en papier, des photos, des armes et des oeuvres d’art. L’étendard vert et blanc de l’Émir Abdelkader est conservé dans ce musée. La manufacture d’armes de l’Émir a été restaurée, elle a été transformée, elle aussi, en muséei. Deux espaces culturels et historiques de Miliana qui malheureusement ne sont pas mis en valeur. Aucune signalisation n’est visible dans la ville pour inviter le visiteur à s’y rendre. Où est donc passée la promotion touristique ? Miliana est pourtant une halte incontournable dans tout circuit touristique en Algérie.

Le jardin botanique ex-Magenta menacé

Le jardin botanique est l’autre attraction de Miliana. En raison des mesures de confinement sanitaire, pour freiner la propagation de la Covid-19, ce grand espace vert était encore – temporairement fermé – au mois de juin. Créé vers 1870, ce jardin, appelé par les colons français « Magenta », semble plongé dans la tristesse, le soleil de juin qui illumine ses arbres n’y peut rien. Ses visiteurs ne sont plus là ! C’est le silence.

Le jardin s’étale sur 1,5 hectares et rassemble plusieurs espèces végétales comme le majestueux Séquoia, un arbre de plus de 80 mètres d’hauteur, le Troène du Japon et le Cyprès d’Italie. Au milieu du jardin, une statue, appelée « l’Egyptienne », domine un bassin et donne l’impression de garder les lieux. Habillée comme une reine de l’ancienne Egypte et portant une torche, cette statue, peinte en vert, est l’oeuvre du sculpteur français Mathurin Maureau, célèbre par ses fontaines dont celles de Valparaíso au Chili, de Lisbonne au Portugal, de Genève en Suisse ou d’Ottawa au Canada.

Le jardin botanique, propriété de la commune de Miliana, n’est toujours pas classé patrimoine national et ne semble bénéficier d’aucune protection. Aux dernières nouvelles, l’espace vert est livré à lui, sans jardiniers, ni agents d’entretien. Alarmé, Brahim Djelloul, un habitant de Miliana, a lancé une pétition sur internet pour alerter sur l’état d’abandon du jardin. Il a notamment relevé « l’arrachage des bambous et des rosiers, la dégradation des canalisations d’arrosage et le manque d’entretien des arbres (élagage et couronnage) ».

Les signataires de la pétition craignent que le site du jardin ex-Magenta, un véritable poumon pour la ville, soit détourné vers des projets immobiliers. Ils souhaitent une implication de la communauté scientifique pour protéger un des plus beaux jardins publics du pays. « Dans les années 1960 et 1970, le jardin abritait des soirées musicales. On est très loin de cette époque. J’espère qu’ils ne vont pas abandonner ce jardin, ça sera impardonnable », regrette âami Slimane, assis non loin de la porte d’entrée du jardin.

Le burnous vert de Sidi Ahmed Benyoucef

Le mausolée de Sidi Ahmed benyoucef/ Fayçal Matooui

On ne quitte pas Miliana, sans visiter la mosquée et le mausolée de Sidi Ahmed Benyoucef El Rachdi El Merini, savant et thaumaturge, saint patron de la ville, décédé à Miliana en 1526. Vêtu d’une a’abaya blanche, Réda, gardien des lieux, accueille les visiteurs avec un grand sourire, les fait entrer dans un patio bordé de galeries, au milieu trône un noyer, un puits et une fontaine appelée El Khassa.

Dans la salle funéraire, les visiteurs « élus » peuvent porter le burnous vert, symbole de la baraka du cheikh. Des morceaux de tissus (R’da) verts ou rouges sont parfois offerts aux visiteurs, certains d’entre eux allument des bougies, d’autres récitent le Coran. Une école coranique a été réhabilitée et rouverte en novembre 2019, à côté de la mosquée-mausolée, bâtie en 1774 par Mohamed El Kebir, Bey d’Oran, et situé au croisement des rues Medjdoub, Benchabane et Oueldren, au centre ville.

Lors de l’occupation française, la mosquée a été transformée en hôpital militaire ce qui a provoqué une importante dégradation. Elle a été réhabilitée après l’indépendance du pays. Le mausolée est classé patrimoine culturel national depuis 1978. Lorsque le visiteur sort par la grande porte verte du mausolée, il débouche sur une grande cour à côté de la mosquée où deux platanes verdoyants, un arbre symbole de Miliana, veillent sur la sérénité des lieux.

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