A Chréa, l’air est frais et les cèdres sont tristes

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A Chréa, l'air est frais et les cèdres sont tristes
A Chréa, l'air est frais et les cèdres sont tristes
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Chréa est devenue une destination de choix cet été 2020. La station de montagne, située à une vingtaine de kilomètres de Blida, attire de nombreux visiteurs surtout les week-end. Certains laissent des traces de leur passage. Reportage.

“On, part à Chréa pour mieux respirer”, lâche Ahmed. Il se plaint de la chaleur étouffante à Blida. Juillet est un mois de fournaise dans la capitale de la Mitidja. Ce mardi 21 juillet, il fait 26 degrés à Chréa alors qu’à la ville des roses la température est de 39 degrés. Dès les premières heures de la matinée, les Blidéens et les visiteurs d’autres wilayas débarquent en nombre à Chréa. Certains y habitent déjà depuis le début de l’été. Des Chalets sont loués entre 7000 et 12.000 dinars la journée. “Habituellement, on louait un appartement en bord de mer à Tipaza, cette année on est là à Chréa, à cause de la pandémie de Coronavirus”, explique Farida, mère de famille.

Chréa est parmi les rares communes de Blida, avec Souhane, a être épargnée par la Covid-19. La vie semble reprendre péniblement au niveau de la petite localité de Chréa, après des semaines de confinement sanitaire en raison de la pandémie. Amrane a rouvert son restaurant à côté du Ski Club. “Il n’y a plus de service à table. Nous livrons que des pizzas de plusieurs formats et des sandwichs. Ces derniers jours, on travaille assez bien. Nous assurons le service jusqu’à 20 h”, dit-il.

Sa méga Pizza, cédée à 2500 dinars, est célèbre parmi les estivants d’ici. “Il n’y a que nous qui faisons ce format, le double de la méga pizza ordinaire, vendue en ville. En hiver et en temps normaux, nous proposons des repas à nos clients”, ajoute Amrane. Atlas Memoria, restaurant situé au niveau de la place de la liberté, propose, pour sa part, des menus snacks en take away. “Restez où vous êtes, nous venons vers vous. Livraison gratuite au niveau de Chréa”, est-il écrit dans une pancarte et sur la page Facebook du restaurant. Le menu est varié : Burgers, barquettes de frites, pizza, crêpes, gauffres, tiramisu, banoffee pie, mojito et milk shake.

“Ne jetez pas vos ordures partout”

Atlas Mémoria fait un petit un travail de sensibilisation à l’adresse de ses clients : “5 minutes de votre vie peuvent prolonger la vie de la nature pour des siècles. Merci de laisser l’endroit aussi propre que vous l’avez trouvé, après avoir mangé nos mets”. Les boîtes repas ont été trouvées dans les forêts environnantes jetées à même le sol.

Au niveau des espaces boisés comme aux Trois moineaux, à Belle-Crête, au Belvédère, à la Forêt “noire”, au Ski Club ou à Kerrache, les détritus sont partout. Des sachets en plastiques, des canettes de boissons, des restes de nourriture, des couche-bébés, des bouteilles, des assiettes jetables, des paquets de cigarettes, des journaux…sont sous les arbres, entre les feuillages, sur les souches de bois, sous les buissons, derrière les roches…Un dépotoir à ciel ouvert !

Une pancarte du Parc national de Chréa (PNC) évoque la loi 07/06 du 13 mai 2007 relative à la gestion et à la protection des espaces verts qui dans son article 17 interdit le jet d’ordures dans les forêts. Deux autres pancartes appellent les visiteurs à garder les endroits “réservés à leur repos” propres. “Ne jetez pas vos ordures partout”, est-il encore écrit. Peine perdue. “Il y a pourtant des bacs à ordures. Les gens, pas tous, préfèrent laisser les restes de leurs repas sur place”, se désole un agent chargé du gardiennage.

Odeurs de Merguez

Les familles se rassemblent pour déjeuner ou pour prendre du café sous les cèdres ou les pins. Des groupes de jeunes allument le feu pour des grillades, certains viennent avec des barbecues. Pourtant, la loi est claire et des pancartes rouge sur blanc le rappellent aussi: il est interdit d’allumer le feu durant la période estivale. Partout, dans la forêt, il y a des traces de braseros et de foyers-barbecue, des pierres noires et de la cendre. Même les troncs d’arbres vivants n’ont pas échappé aux flammes. Certains visiteurs collent les pierres aux troncs pour allumer le feu aux fins de griller des merguez ou des brochettes de viande. Où sont donc les gardes forestiers ou les agents du Parc national de Chréa ? Invisibles. Ce mardi 21 juillet, la fumée des grillades empestent l’atmosphère. Pour ceux qui veulent un bol d’air frais, c’est raté !

“Il n’y a plus d’abeilles”

Les cèdres, les chênes verts, les pins d’Alep et les thuyas, variétés d’arbre existants à Chréa, souffrent parfois autant du manque de respect pour la nature des estivants que des actes de dégradation. Des branches sont arrachés pour “alimenter” les foyers de feu, d’autres sont coupés. Des troncs sont parfois “travaillés” aux couteaux pour “marquer” son passage. Incivisme ?

Les cèdres sont tristes autant que l’est cet amoureux de la nature. “Je me demande où sont passées les autorités. Les gens font ce qu’ils veulent des arbres. Les voitures sont autorisés à circuler à l’intérieur des forêts détruisant tout sur leur passage. La pollution a fait fuir les oiseaux et les papillons. Regardez autour de vous, il n’y a plus d’abeilles. Chréa était connue par ses orchidées. Où sont-elles donc ?”, s’interroge la mort dans l’âme, Salim. Il évoque “la disparition” de la mangouste, du chacal doré et de la belette. “Cela fait longtemps que nous n’avons pas vu le faucon pèlerin à Chréa”, appuie-t-il. Le petit mouvement écologiste qui s’intéressait à un moment donné à Chréa n’a, lui aussi, plus donné signe de vie. Fin de la culture verte ? Possible. Certaines associations n’existent que sur les réseaux sociaux avec les petits selfies d’occasion …

Un hôtel loué à longueur d’année par … une banque

Loin des forêts, Chréa est une station climatique dépourvue d’infrastructures touristiques. L’hôtel Nassim est loué à longueur d’années par les oeuvres sociales d’une banque publique. Résultat : l’hôtel, qui aurait pu accueillir des clients en été comme en hiver, reste la plupart du temps fermé. Et combien coûte la location d’un hôtel pour une banque ? Propriété de la commune, Hôtel des Cèdres, situé à la placette de Chréa, est exploité par un privé depuis 2006. A vue d’oeil, l’hôtel a besoin d’un grand coup de pinceau et de balai.

Il n’y a pas d’espaces de loisirs ou d’aires de jeu à Chréa. Pas pharmacies ni de supérettes ni de boulangeries ni de boucheries. Le téléphérique qui relie Blida à Chréa est l’arrêt depuis plusieurs mois. Aucune explication n’est donnée à cet arrêt. Encore un autre ! Le comble est qu’il n’existe aucun moyen pour assurer le transport entre Blida et Chréa. Ni bus ni taxis. Ce problème est posé par la population locale depuis des années. Aucune réponse des autorités locales. Des autorités qui à demi-mot se plaignent du manque d’investissement dans cette région montagneuse où le chômage des jeunes est endémique. Des jeunes qui se contentent de revendre du thé à la menthe, des jouets, des friandises ou des cacahuètes au niveau du Ski Club.

Quid du tourisme de montagne ? Pas de réponse ni à Chréa ni à Beni Ali, situé plus en bas. La Route nationale numéro 37 reliant Chréa à Blida garde toute sa beauté cinématographique, mais des deux côtés du chemin, la montagne se dégarnie en raison des feux de forêts et les arbres donnent des signes de fatigue faute d’entretien.

“Savez-vous qu’à l’approche de l’Aïd El Adha, certains coupent les arbres à la tombée de la nuit pour récupérer le bois pour les barbecue ? », nous demande Mahrez. En revenant à Blida, on se rappelle juste que le patrimoine forestier de Chréa est reconnu depuis 2002 par l’UNESCO comme une réserve de biosphère…

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1 commentaire

  1. franchement cela me fait mal au coeur de lire cet article , comment les gens peuvent ils dégrader autant la nature, les arbres …ils ne pensent pas à demain revenir dans un bel environnement? l’avenir de leurs enfants, que vont ils leur laisser? des arbres morts, une nature sale, dévastée??

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